Avec soixante cas rapportés, c'est la plus grande cohorte de pneumopathies liées à la e-cigarette (EVALI pour « e-cigarette, or vaping, product use associated lung injury ») qui est décrite dans « The Lancet » par l'équipe du Dr Denitza Blagev, de l'Intermountain Healthcare, un système de soins de santé intégrés dans l'Utah.
Alors que les États-Unis rapportent 2 051 cas de ces pneumopathies et 39 décès en date du 5 novembre sur le site des Centers for Diseases Control and Prevention (CDC), les auteurs décrivent précisément la présentation, le traitement et le pronostic à court terme des patients pris en charge entre le 27 juin et le 4 octobre 2019 dans l'un des 13 hôpitaux de ce réseau de soins.
Si l'EVALI reste un diagnostic d'exclusion et que la ou les causes sont encore non identifiées, la présentation clinique se précise. Dans la cohorte, les auteurs rapportent des symptômes respiratoires dans 98 % des cas (dyspnée, douleur thoracique, pleurésie, toux, hémoptysie) mais aussi digestifs dans 90 % des cas (nausées, vomissements, douleurs abdominales). Une sensation de fièvre a été observée dans 75 % des cas, confirmée dans 57 % (n=34), des frissons dans 48 %, une asthénie (48 %). L'imagerie était constamment anormale (97 % à la radio, 100 % au TDM).
Des pneumopathies de gravité très variable
Comme au niveau des CDC, les médecins de l'Intermountain Health rapportent une majorité (78 %) de vapotage du principe actif du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC). Cette consommation a été seule (30 %) ou associée à celle de liquide à base de nicotine (48 %). Il reste que 10 patients (17 %) n'avaient vapoté que des produits à base de nicotine. Aucun dispositif ni aucun liquide n'est ressorti en particulier, plusieurs étant concernés. Les patients sont à 80 % des hommes (les CDC en rapportaient 70 %).
Dans cette cohorte, plus de la moitié des patients (n=33, 55%) ont été hospitalisés en réanimation, mais 21 patients l'ont été en service de médecine et 6 ont pu être traités en externe. La durée d'hospitalisation était en moyenne de 5 jours (3-8) et celle en réanimation de 4 jours (0-7). Six patients (10 %) ont été réhospitalisés dans les 2 semaines suivant leur sortie, la moitié ayant recommencé à vapoter.
Si aucun décès ne semble être dû aux lésions pulmonaires liées à la e-cigarette − deux décès sont survenus et rapportés à une cause autre − les auteurs posent la question de séquelles à plus long terme. Chez les 26 patients suivis au moins 2 semaines, « malgré une amélioration clinique et radiographique chez tous, la plupart avaient des anomalies résiduelles à la radiographie (7/15, 67 %) et au test fonctionnel respiratoire (6/9, 67 %) », écrivent-ils.
De nouvelles recommandations pour la corticothérapie
Les médecins de l'Utah décrivent également la prise en charge thérapeutique : oxygénothérapie (88 %), antibiothérapie (90 %), corticostéroïdes (95 %), ventilation non invasive à pression positive (28 %), ventilation mécanique (17 %).
En appendice, ils proposent des recommandations de traitement. Pour l'ensemble des patients, comme les CDC, ils recommandent d'évaluer les besoins en oxygène, d'arrêter le vapotage et le tabagisme, de débuter une antibiothérapie si pneumopathie, de rechercher la grippe et de la traiter par antiviraux.
Pour la corticothérapie, si les CDC américains la conseillent fortement, « sauf en cas de possible pneumonie fongique », les médecins de l'Utah proposent des recommandations plus précises selon la présentation clinique : traitement en externe (initiation rapide d'un traitement rapide de prednisone de 40-60 mg/jour pendant 5-10 jours) avec réévaluation, hospitalisation (méthylprednisolone IV 1 mg/kg pendant 24 à 48 heures puis prednisone PO si possible) ou admission en réanimation (soins spécifiques intensifs, même schéma de corticostéroïdes avec prudence lors de la croissance, des rechutes ont été décrites lors d'un sevrage trop rapide).
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