Dans son 3e et dernier rapport*, la mission parlementaire sur le cannabis préconise de mettre fin à la prohibition, considérée comme « un objectif inatteignable », sans jamais avoir les moyens de ses ambitions. Les députés et sénateurs proposent donc une légalisation régulée, considérée comme « le meilleur moyen de reprendre le contrôle et de protéger les Français », résume Caroline Janvier, la députée LREM qui a coordonné ce travail. « L’État assiste de manière impuissante à la banalisation du cannabis chez les jeunes et à la détérioration de la sécurité », malgré une « politique répressive française qui coûte cher et mobilise à l'excès les forces de l'ordre », notent les députés.
Le budget alloué à la police, à la gendarmerie et aux douanes pour la lutte antidrogue a quasiment doublé entre 2012 et 2018 pour atteindre 1,08 milliard d'euros annuels, remarquent-ils. Pourtant, la France reste championne d'Europe de la consommation de cannabis, avec 5 millions d'usagers annuels et 900 000 fumeurs quotidiens. En léger recul, la consommation des mineurs reste deux fois supérieure à la moyenne européenne.
Deux milliards de recettes attendues
« On ne peut pas organiser efficacement la prévention d'un produit interdit », résume le député LREM Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la mission. En cas de légalisation, les recettes fiscales pourraient atteindre 2 milliards d'euros selon le rapport, ce qui pourrait financer en priorité des mesures de prévention. Dans leur chapitre consacré aux priorités de santé publique, les parlementaires insistent sur le nécessaire développement des compétences psychosociales des plus jeunes qui n'apprécient pas, pour l'heure, les dangers du cannabis à leur juste valeur. Ils appellent aussi de leurs vœux le renforcement des moyens de dépistage précoce et la mobilisation de tous les acteurs, y compris du milieu festif, pour sensibiliser à la réduction des risques et dommages.
La politique française vis-à-vis du cannabis est « un échec sur le plan sanitaire, faute de formation des travailleurs sociaux et des adultes en contact avec nos jeunes », analyse Caroline Janvier. « À la banalisation de la consommation, il faut répondre par la banalisation de la prévention », complète avec un certain sens de la formule le président de la mission Robin Reda, député LR.
S'il ne propose pas de modèle « clé en main », le rapport trace un certain nombre de pistes en matière de santé publique. La mission s'interroge notamment sur l'idée d'une « loi Evin du cannabis », sur la réglementation à adopter autour des taux de THC, sur la fiscalité à appliquer, sur le maintien ou non de l'interdiction de consommation dans l'espace public, sur la formulation des spécialités à distribuer ou encore sur l'idée d'un monopole d'État sur la vente de cannabis. Toutes les hypothèses sont ouvertes et devront faire l'objet d'un débat public. L'interdiction totale de la publicité et du sponsoring étant un des rares points bénéficiant d'un assez large consensus parmi les intervenants et les parlementaires.
Le rapport propose une analyse compète de 15 modèles de légalisation, du plus contrôlé par l'État (comme l'Uruguay) au plus libéral (Colorado), avec leurs avantages et leurs défauts. Certaines de ces expériences étrangères ont été couronnées de succès, comme le Portugal où la consommation de cocaïne à des fins récréative a été divisée par deux à la suite de la dépénalisation de son usage. D'autres sont plus ardues à analyser : la consommation de cannabis a augmenté dans la population générale canadienne à la suite de la légalisation, mais a diminué chez les jeunes avec un âge de première utilisation qui est passé de 18,9 ans à 20 ans entre 2018 et 2020.
L'exécutif fait barrage
Ce mercredi 5 mai, la mission d'information a voté la publication du rapport. La version définitive doit encore être adoptée par les six commissions thématiques. Pour la suite, les parlementaires voudraient organiser un grand débat sur la forme que pourrait prendre la légalisation du cannabis en France.
L'hypothèse d'une dépénalisation d'ici à la fin du mandat d'Emmanuel Macron semble toutefois peu probable, compte tenu de la prise de position récente du chef de l’exécutif dans une interview accordée au « Figaro » le 18 avril dernier dans laquelle il s'était déclaré opposé à une légalisation du cannabis. Le chef de l'État avait, au même moment, promis un grand débat national sur le sujet. Ce grand débat est qualifié de « bonne idée » par Robin Reda, mais aucun des parlementaires de la mission d'information n'a, à ce stade, d'éléments concrets sur son organisation. La mission d'information avait elle-même lancé une consultation publique qui avait rassemblé plus de 250 000 contributions. Pour Jean-Baptiste Moreau, la légalisation du cannabis « n'est pas forcément une mesure que l'on adopte en fin de quinquennat ».
Certaines formations politiques comme Les Républicains sont aussi opposées à une dépénalisation de l'usage de cannabis récréatif. « La droite n'évoluera pas du tout là-dessus dans le débat présidentiel, Emmanuel Macron non plus », regrette Robin Reda, lui-même député LR. « Je ne souscris pas personnellement à une proposition de loi avant 2022, car elle serait rendue parfaitement impossible par les positions du président de la République et du ministre de l'intérieur », prédit-il.
* Le premier portait sur le cannabis thérapeutique et le deuxième sur le chanvre bien-être (CBD).
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024