Le discours politique récent rassure les associations porteuses des projets parisiens de salles de consommation à moindre risque (SCMR), même si elles n'ont pas caché leur déception, ce vendredi 17 septembre en conférence de presse, concernant le projet à Pelleport, le plus avancé et le seul pour lequel un lieu avait été défini.
L'actualité a été riche cette semaine pour les SCMR : ce mercredi 15, la mission flash parlementaire proposait de pérenniser ce dispositif expérimenté depuis 2016 à Paris et Strasbourg. Le même jour, le Premier ministre Jean Castex a arbitré en faveur des quatre nouveaux projets parisiens de salle, « sous réserve d'une localisation adaptée ». Cette dernière précision ciblait implicitement le projet prévu à Pelleport, à proximité d'une école, dans le 20e arrondissement parisien.
Il n’en demeure pas moins que le chef du gouvernement affirme vouloir « offrir aux consommateurs des lieux de repos et un parcours de sevrage de qualité » et poursuivre le déploiement de « l'offre de soins » dans le cadre du plan crack signé en 2019 entre l’État et la ville. Dans la foulée, la mairie de Paris annonçait à la presse sa décision d'abandonner le projet à Pelleport.
Mais, pour les associations, le projet du 20e« ne se destinait pas à faire venir des consommateurs mais devait éviter l'exclusion de personnes du soin », précise Florian Guyot, directeur général de l'association Aurore. Le lieu devait accueillir des consommateurs en demande de soin dans un lieu doté d'un programme de soins infirmiers et d'une consultation psychiatrique. « De tels soins sont normalement assurés par des services hospitaliers, auxquels les usagers n'ont pas accès car ils ne sont pas adaptés à l'accueil de consommateurs, ajoute-t-il. D'où la nécessité d'aménager un espace de consommation. »
Plaidoyer pour l'accueil des usagers en CAARUD
Et la salle de Pelleport devait permettre l'application des recommandations de 2010 de la Haute Autorité de santé sur l'autorisation de la consommation de drogues en CAARUD (centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues). Le texte est en partie resté lettre morte, faute d'un cadre législatif adapté.
Pourtant, l'installation de tels espaces dans les lieux accueillant un public de consommateurs précaires est essentielle, comme le souligne Florian Guyot. « La consommation de drogues est un couvercle sur tout un tas de problèmes chez les usagers. Et si on retire ce couvercle, beaucoup de choses vont ressurgir, il faut donc accompagner ces personnes et ne surtout pas leur interdire un lieu de soin ou d'hébergement sous prétexte qu'ils consomment toujours, martèle-t-il. L'accompagnement fonctionne : sur les 400 personnes que nous suivons sur Paris, les deux tiers adhèrent au soin et près de la moitié réduisent leur consommation. »
Sa position est rejointe par celle du Dr Élisabeth Avril, qui dirige la SCMR parisienne supervisée par l'association Gaia, ainsi que par Abdou Lahad Ndiaye, directeur adjoint de l'association Charonne Opelia. « Cela permettrait de mieux répartir les lieux de consommation supervisée sur le territoire », explique la première. « L'interdiction de la consommation dans nos centres nous met dans une position inconfortable qui nous oblige à faire la police, précise le second. Les risques d'overdose ne peuvent pas être accompagnés ou prévenus si l'injection ou l'inhalation a lieu dans un espace non sécurisé. C'est une question de vie et de mort. »
Autre évolution souhaitée du dispositif : la systématisation des postes d'inhalation pour les consommateurs de crack. « Quand nous avons ouvert la salle de Paris, nous avons dû batailler pour avoir quatre postes d'inhalation, se souvient la Dr Avril. La réponse politique cible les purs injecteurs, c'est-à-dire des consommateurs qui n'existent pas ou plus. Dans 90 % des cas, nos injecteurs sont aussi des inhalateurs, nous rencontrons même des personnes qui prétendent s'injecter pour pouvoir profiter d'un poste d'inhalation. »
Inscription au PLFSS
« La situation semble tout de même aller dans la bonne direction », nuance de son côté Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction, qui évoque l'inscription du dispositif dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), ce qu'a confirmé Olivier Véran lors d'une réunion au ministère de la Santé le 16 septembre.
La France accuse un grave retard en ce qui concerne la mise en place de SCMR. À l'étranger, le premier dispositif date de 1986, à Bern. Le concept a été repris dans une vingtaine de pays depuis. Avec une seule salle pour 12 millions d'habitants (contre 9 à Amsterdam par exemple), la capitale française fait face depuis plusieurs années à un emballement de la consommation de crack, dérivé bon marché de la cocaïne, en particulier dans le nord-est parisien. Cette « crise du crack » s'est matérialisée par l'installation dans les jardins d'Éole, dans le 18e arrondissement, de centaines de consommateurs.
« La situation empire chaque année, reconnaît le Dr Avril. Les politiques ont refusé tous nos projets d'année en année ce qui a généré un chaos important. » Lors de la signature du « Plan Crack » associant la mairie de Paris, la préfecture de police, les hôpitaux et les associations, « nous avions proposé la création de lieux de repos dotés d'espaces de consommation, comme en Allemagne et en Hollande. Nous n'avons jamais reçu de retour, se souvient le Dr Avril. Il faut que les gens sortent de cette pensée magique qui consiste à croire que l'on peut faire arrêter de consommer. »
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