Le concept de fragilité est récent en réanimation. « Un patient fragile admis en réanimation a un risque accru de décès, d’être institutionnalisé et/ou d’acquérir un handicap à distance, et ce, indépendamment des facteurs de gravité habituellement utilisés en réanimation, IGS II et Sofa, rappelle le Pr Philippe Seguin du CHU de Rennes. C’est un élément important dont il faut tenir compte, d’autant qu’on admet désormais qu’il existe une part de réversibilité dans la fragilité. Il est possible d’agir sur des éléments considérés comme déterminants de la fragilité, la sarcopénie et la dénutrition, notamment. » Agir en amont, avant un acte chirurgical non urgent, par exemple, et en aval, en faisant preuve d’une vigilance accrue en postopératoire, doit devenir un réflexe. Le principe d’une réhabilitation précoce adopté en postopératoire va dans ce sens, et devrait s’appliquer aussi aux patients en réanimation.
Un concept inspiré du modèle canadien
Contrairement au concept américain qui tient compte de critères éminemment physiques (force, poids, activité…), le concept canadien de fragilité la considère comme une accumulation de déficits dans des domaines variés : comorbidités, activité quotidienne, neuropsychologie, force motrice, mobilité, perte de poids, mémoire, etc. Il est possible d’en calculer un indice : « Le nombre des items, de 40 à 70, doit refléter l’état de santé, augmenter progressivement avec l’âge, couvrir une variété de systèmes et permettre le suivi des patients, détaille le Pr Seguin. En pratique clinique, le score clinique de fragilité, d’utilisation plus facile, est très bien corrélé à l’indice de fragilité, même s’il est assez subjectif car établi à partir du dossier médical et de l’interrogatoire du patient (ou de celui de ses proches s’il n’est pas interrogeable). Le réanimateur se fait sa propre opinion, et classe le malade de 1 à 7 : 1, robuste, actif, énergique ; 2, en forme ; 3, en forme avec une ou plusieurs comorbidités traitées et bien contrôlées ; 4, vulnérable, un peu ralenti ; 5, légèrement fragile ; 6, modérément fragile, nécessitant de l’aide pour des activités de la vie courante ; 7, extrêmement fragile, totalement dépendant pour les activités quotidiennes. La fragilité est une entité à part entière, même s’il existe des liens entre fragilité, comorbidités et handicaps. »
Un score non limité aux patients âgés
Les suivis de cohortes montrent que l’âge à partir duquel la fragilité commence à augmenter est de 65 ans. « En réanimation, le taux de patients d’au moins 65 ans admis fragiles est de l’ordre de 25 à 30 %, précise le spécialiste. Même si le score de fragilité a été élaboré par des gériatres pour leurs patients âgés, il semble que le concept puisse s’étendre aux patients de tous âges. Un jeune peut être fragile et donc à risque d’hospitalisation prolongée, de handicap secondaire, de surmortalité, etc., avec une part de réversibilité sur laquelle il peut être utile d’agir. »
Les prochaines études devront répondre à la question de savoir si la mise en œuvre de certaines techniques de réhabilitation (kinésithérapie, mobilisation précoce, nutrition optimisée…) permet d’améliorer le pronostic des malades fragiles. Autres questions : Pourquoi des malades non fragiles à l’admission deviennent-ils fragiles à distance ? Existe-t-il des facteurs sur lesquels intervenir pour diminuer ce risque de bascule ? « Y répondre est le défi de ces prochaines années », conclut le Pr Seguin.
La fragilité est une entité à part entière, même s’il existe des liens avec les comorbidités et les handicaps
Entretien avec le Pr Philippe Seguin, chef du service de réanimation chirurgicale du CHU de Rennes
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