Les inhibiteurs du check-point immunitaire visent à rétablir la réponse immune vis-à-vis des cellules tumorales en réactivant les lymphocytes T, avec pour corollaire le risque d’altérer la tolérance immunologique vis-à-vis de ses propres antigènes et de provoquer diverses maladies auto-immunes.
Le mécanisme qui sous-tend la myocardite est encore mal connu. Vraisemblablement du fait de lésions myocytaires préalables, le myocyte va surexprimer le PDL1 (Programmed death-ligand 1) que ciblent les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire provoquant un infiltrat lymphocytaire au niveau myocardique.
Sur le plan cardiologique, les premières myocardites fulminantes sous immunothérapie ont été décrites en 2016, avec une incidence de 0,3 % d’une série de 20 594 patients.
Une complication rare mais gravissime
En améliorant nos connaissances sur ce type de complications et en les recherchant plus activement, l’incidence serait plutôt de 1,3 % actuellement. Il s’agit donc d’une complication rare mais gravissime, avec un taux de mortalité compris entre 25 et 50 %. Cependant, certaines formes peuvent être asymptomatiques ou au contraire se révéler par des troubles du rythme ventriculaire, voire se manifester de façon très atypique par une dyspnée ou une douleur thoracique, ce qui impose une grande vigilance pour ne pas la méconnaître.
D’autres complications cardiovasculaires ont aussi été observées, coronaropathies immuno-médiées, pathologies non inflammatoires comme l’insuffisance cardiaque ou le takotsubo, troubles du rythme ventriculaire.
Les myocardites surviennent précocément, dès les 3 premières injections. On retrouve assez peu de facteurs de risque de mortalité en dehors des troubles de la conduction ou de l’association de deux immunothérapies. Le risque de MACE est significativement plus important si la troponine reste élevée, témoignant d’une myocardite réfractaire de mauvais pronostic.
Pour aider au diagnostic, on dispose de la troponine, très bon marqueur mais qui ne s’élève pas systématiquement, de l’ECG, qui se modifie très souvent en amont de la myocardite fulminante, et surtout de l’IRM. La certitude diagnostique n’est apportée que par la biopsie endomyocardique mais sa réalisation n’est pas toujours possible.
Prendre en charge sans attendre la confirmation diagnostique
En l’absence de recommandations cardiologiques (le dernier position paper de l’ESC de 2016 ne mentionnant pas les inhibiteurs du check point), la stratégie repose sur les opinions d’experts proposés par l’European Society for Medical Oncology (ESMO) [1].
Pour repérer une éventuelle myocardite, un ECG et un dosage de la troponine doivent être pratiqués avant de démarrer le traitement, et répétés 48 heures avant chaque injection et au moindre signe d’effet indésirable.
Dès qu’il existe une suspicion de myocardite, il faut suspendre l’injection et hospitaliser en Unité de soins intensifs cardiologiques (USIC), éliminer une coronaropathie ou une autre complication cardiovasculaire et rechercher d’autres manifestations auto-immunes (myosite, syndrome myasthéniforme, pneumonie…). La biopsie myocardique est réalisée si elle est possible. « Il faut traiter par de fortes doses de corticoïdes sans attendre la confirmation diagnostique pour limiter la tornade immunitaire qui peut ensuite s’autonomiser », insiste le Dr Jennifer Cautela, Hôpital Nord de Marseille (2). Après 3 jours de méthylprednisolone (1 g/j), le relais est pris par la prednisone à 2 mg/kg/j pendant 15 jours et puis à 1 mg/kg/j les 15 jours suivants. Ces doses seront ensuite diminuées très progressivement et le traitement poursuivi jusqu'à disparition des symptômes et normalisation du bilan, ce qui peut s’étendre jusqu’à 6 mois.
Si la myocardite est réfractaire ou hémodynamiquement instable, on recourt à des immunosuppresseurs (infliximab, abatacept…), au sujet desquels on peut demander l’avis des équipes de greffe qui ont l'habitude de ce type de traitement.
L’immunothérapie doit être arrêtée définitivement, sa réintroduction pouvant s’avérer gravissime, mais la décision est à discuter de façon multidisciplinaire s’il n’existe pas d’autre alternative oncologique.
Lorsque la troponine s’élève de façon isolée sans signes ni cliniques ni à l’ECG, il faut absolument éliminer la myocardite par l’IRM et éventuellement la biopsie.
D'après l'intervention de la Dr Jennifer Cautela lors du congrès virtuel du Collège national des cardiologues français (CNCF), novembre 2020
(1) Joachim Alexandre, Jennifer Cautela et al. Cardiovascular Toxicity Related to Cancer Treatment: A Pragmatic Approach to the American and European Cardio‐Oncology Guidelines, Journal of the American Heart Association, Vol. 9, N°18
(2) Centre Méditerranéen Hospitalo-Universitaire de Cardiologie Oncologique http://fr.ap-hm.fr/site/medi-co-center
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