LE DEPISTAGE du cancer colorectal s’adresse à la population considérée comme à risque standard, c’est-à-dire l’ensemble des hommes et des femmes de plus de 50 ans, sans maladie inflammatoire chronique intestinale ni antécédent personnel ou familial de néoplasie colique notable.
« La participation, de 34% en moyenne en 2009 (de moins de 20 % à plus de 50 % selon les départements), est inférieure à l’objectif précisé par le cahier des charges national et par les recommandations européennes », constate le Pr Benamouzig, en ajoutant que les freins au dépistage ont été décrits par différentes enquêtes : peur du résultat, crainte de la procédure, manque de conviction du médecin traitant, insuffisance de la couverture sociale et plus largement précarité.
Le test immunologique se fait attendre.
Aujourd’hui, ce dépistage organisé est conduit avec le test fécal au gaïac alors que ces dernières années, un large consensus s’est dégagé pour réclamer son remplacement par le test immunologique. « Le principe du test au gaïac est de mettre en évidence l’activité peroxydasique de l’hème résultant de la dégradation de l’hémoglobine. Cette réaction n’est pas spécifique de l’hémoglobine humaine (faux positifs en présence d’hémoglobine non humaine ou d’aliments à activité peroxydasique) », indique le Pr Benamouzig. Les tests immunologiques, eux, reposent sur une réaction antigène-anticorps spécifique de l’hémoglobine humaine. « Plusieurs tests sont disponibles. Leur lecture automatisée permet une meilleure standardisation, leur utilisation n’est soumise à aucune restriction alimentaire et leur capacité de détection des cancers mais aussi des adénomes colorectaux est supérieure. Leur acceptabilité serait aussi meilleure. Les évaluations médico-économiques réalisées en France suggèrent que ce gain pourrait être obtenu à un coût raisonnable pour la société », indique le Pr Benamouzig.
Le remplacement du test fécal au gaïac par le test immunologique est recommandé par la Haute Autorité de santé (HAS) et inscrit dans le deuxième plan cancer. « Malgré cela, cela n’est toujours pas mis en œuvre. Nous sommes ici confrontés à un circuit de décision très complexe. Cela peut se comprendre mais cette situation devient quand même un peu lassante », estime le Pr Benamouzig.
Pour ce dernier, il faut aussi poser le débat d’un éventuel remplacement du test fécal par la rectosigmoïdoscopie qui, réalisée de manière unique entre 55 et 65 ans, apparaît aujourd’hui efficace. « Dans un essai randomisé anglais, une rectosigmoïdoscopie unique réalisée entre l’âge de 55 et 64 ans diminuait la mortalité spécifique par cancer colorectal de 31 % chez les sujets du groupe dépisté et de 43 % chez les sujets ayant accepté le test. La présence de lésions significatives lors de la rectosigmoïdoscopie (adénome ≥ 1 cm, ≥ 3 adénomes, adénome avec caractère tubulo-villeux ou villeux, dysplasie sévère ou cancer in situ ou ≥ 20 polypes hyperplasiques) nécessitait la réalisation d’une coloscopie dans 5 % des cas. Cette diminution de la mortalité a aussi été mise en évidence dans un essai italien, mais elle n’atteignait pas la significativité dans un essai scandinave de moindre puissance. L’effet protecteur semble se maintenir au moins une dizaine d’année. La faisabilité d’une telle stratégie en France a été mise en évidence par un travail de l’équipe de Colmar », indique le Pr Benamouzig.
Une autre question est celle de l’utilisation de la coloscopie comme méthode de dépistage. « Plusieurs études cas-témoins ont montré que la réalisation d’une coloscopie entraîne une diminution de la mortalité spécifique qui était de 77 % dans une étude récemment publiée. Cette protection est maintenue pendant au moins les dix années suivant la coloscopie. L’acceptabilité de la coloscopie de dépistage est de 20 à 25 % en population générale à risque standard. Un essai randomisé européen ainsi qu’un essai nord-américain sont en cours pour confirmer et quantifier cette protection », souligne le Pr Benamouzig, en relevant que la coloscopie n’est pas recommandée pour le dépistage de la population à risque standard en France mais qu’elle est considérée comme une option possible en Allemagne, en Pologne ou aux Etats-Unis.
Quand au coloscanner à l’air, il n’est pas non plus recommandé pour le dépistage de la population à risque standard en France. « Il est uniquement préconisé en cas de coloscopie incomplète, impossible ou refusée après un test Hemoccult II positif », indique le Pr Benamouzig, en précisant que les tests moléculaires fécaux ou sanguins, déjà disponibles ou en cours de développement, ainsi que la capsule colique restent l’objet de recherche dans cette indication.
D’après un entretien avec le Pr Robert Benamouzig, centre de recherche en nutrition humaine d’Ile-de-France , hôpital Avicenne, Bobigny.
Conflit d’intérêt : Conseil scientifique pour Given Imaging.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024