Il faudra attendre longtemps avant de savoir quel effet aura l'épidémie de Covid-19 sur la mortalité par cancer en France. Présenté lors du congrès virtuel de la Société européenne d'oncologie médicale (ESMO), un travail de modélisation mené par le département de biostatistiques de l'institut Gustave Roussy (IGR) fournit déjà une idée du contrecoup subi par les patients, tandis que l'Institut national du cancer (INCA) et la Ligue contre le cancer préparent un plan pour amortir l'impact de l'épidémie sur la filière de soins en oncologie.
Les perspectives sont inquiétantes. Dans le seul centre de Gustave Roussy, les statisticiens estiment en effet que 86,6 % des patients qui auront été traités sur l'ensemble de l'année 2020 subiront des retards de moins de sept jours dans leur prise en charge, sachant que 5,2 % des cas ont déjà connu un retard de plus de deux mois.
Pour les 99 patients déjà concernés, ce retard qui les sort d'une fenêtre thérapeutique les expose non seulement à l'obligation de suivre un traitement plus lourd, mais aussi à un risque de progression notable de la maladie et à un risque de diminution de leurs chances de survie. Les projections concluent à 49 décès additionnels en cinq ans, soit 2,25 % de décès en plus. Cette surmortalité s'observe principalement chez les patients atteints de sarcome, de cancer du foie ou de cancer de la tête et du cou. Cette hypothèse est qualifiée « d'optimiste » par les auteurs, puisqu’elle part du principe qu'il n'y aura pas de « deuxième vague » épidémique.
Des chiffres d'ores et déjà à réactualiser
Même en l'absence d'une nouvelle flambée de l'épidémie, le pourcentage de décès supplémentaires à cinq ans sera à revoir. « Notre hypothèse était que les patients reviendraient massivement lors de la rentrée de septembre, explique Aurélie Bardet, biostatisticienne à l'IGR. Nous sommes en septembre et nous devons nous rendre à l'évidence : ils ne sont pas revenus. »
Une fois, revus, confirmés et consolidés, les chiffres de l'IGR pourraient donner une idée de la situation nationale, mais cette estimation restera sous-évaluée à l'échelle nationale. « L'institut Gustave Roussy est exclusivement spécialisé dans la prise en charge du cancer, même si nous avons accueilli quelques patients non cancéreux infectés par le SARS-CoV-2, poursuit Aurélie Bardet. Dans la plupart des autres hôpitaux, les soins en cancérologie ont été écrasés par les soins en infectiologie. »
Un flux de patients significativement réduit
Aux cours de leurs travaux, les statisticiens ont mis au point une « discret event simulation », c’est-à-dire un modèle algorithmique alimenté par des données de fréquentation du centre fournies par le programme médicalisé des systèmes d'information (PMSI). En comparant les flux de patients de 2020 à ceux des années passées, le modèle leur a permis d'évaluer, par type de tumeurs, le retard moyen d'entrée dans le parcours de soins. Ainsi, au cours du confinement, 346 patients ont consulté par mois à l'institut, contre 545 en temps normal. Pour les quelque 200 patients qui auraient dû théoriquement consulter, ce retard pourrait affecter péjorativement le pronostic.
Par ailleurs, les auteurs ont affiné le modèle en faisant varier les ressources disponibles de l'institut en blocs opératoires, personnel, etc. En effet, la situation dégradée de prise en charge a également augmenté le délai de traitement de certains patients.
Du côté des mécanismes qui sous-tendent la moindre fréquentation du centre, plusieurs explications se bousculent et se complètent. « Il y a eu beaucoup de retards dans le circuit de soins primaires en amont, explique Aurélie Bardet. Il y a aussi l'appréhension des patients eux-mêmes à venir consulter, et on ne sait pas comment cela peut évoluer en cas de deuxième vague ». Il est possible que plusieurs tendances contradictoires coexistent. « Les patients vont-ils réévaluer à la baisse à titre individuel leur peur du Covid et à la hausse les bénéfices à consulter ? Ou se laisseront-ils entraîner par la crainte collective d'une seconde vague dont on parle depuis longtemps ? », interroge-t-elle.
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