ALORS QU’AUX Antilles françaises (Martinique et Guadeloupe), on compte globalement moins de cancers que dans les autres régions de France et que la mortalité liée à ces pathologies est également moindre, « de très rares exceptions existent au rang desquelles le cancer de la prostate occupe une place significative », énonce le professeur Pascal Blanchet. D’après les données épidémiologiques, « c’est le premier cancer aux Antilles en termes de localisation et sa fréquence est deux fois plus importante que celle enregistrée dans les autres régions françaises. Il représente également la première cause de nouveaux cancers avec un cas sur deux et la première cause de mortalité tous sexes confondus ». En chiffres, on recense 500 nouveaux cas de cancers de la prostate par an à la Martinique et en Guadeloupe pour une centaine de décès annuels.
Facteurs génétiques et hormonaux.
La population antillaise, qui présente une incidence moindre de cancers bronchiques ou colorectaux par rapport à celle vivant dans d’autres régions françaises, est donc statistiquement beaucoup plus exposée à la survenue d’un cancer de la prostate. Un constat qui s’explique par différents facteurs de risque scientifiquement reconnus, mais dont on peut d’emblée exclure celui de l’âge compte tenu du fait que l’espérance de vie dans cette région est la même que dans l’Hexagone.
Selon P. Blanchet, « les antécédents familiaux qui ont une incidence prouvée sur la survenue de ce type de cancer sont particulièrement importants aux Antilles où les familles sont plus grandes et le brassage de populations moins importants. La conséquence est que presque tout Antillais connaît quelqu’un de sa famille plus ou moins proche qui a été ou qui est atteint d’un cancer de la prostate. »
Un facteur de risque pourtant insuffisant pour expliquer l’ampleur statistique du phénomène, à la différence de celui de l’origine de la population antillaise, comme l’explique P Blanchet : « 90 % des Antillais sont issus de la migration forcée en provenance d’Afrique subsaharienne. Dans les pays développés où elle vit, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, c’est une population connue pour avoir une forte incidence du cancer de la prostate. De fait, l’hypothèse de facteurs de susceptibilité génétique est donc très importante. De surcroît, et compte tenu du caractère hormonodépendant de cette pathologie et des différences dans l’expression de la balance androgènes/œstrogènes relevée au sein de ce groupe comparativement à d’autres, les facteurs de risque liés au fond hormonal sont également à prendre en compte ».
Facteurs environnementaux.
« La majorité des cancers sont issus d’une interaction entre les gènes et des facteurs environnementaux », rappelle P Blanchet. À ce titre, les différentes pollutions jouent bien évidemment un rôle dans la survenue de ce type de pathologie. Aux Antilles françaises, plutôt globalement mieux loties que la métropole d’un point de vue de la pollution environnementale, l’utilisation pendant une vingtaine d’années de la chlordécone, un produit phytosanitaire destiné à lutter contre le charançon du bananier, a ainsi eu des conséquences avérées sur l’incidence du cancer de la prostate. C’est ce qu’a révélé un travail de recherche mené par P. Blanchet et Luc Multigner, chercheur à l’INSERM, publié en 2010 dans la revue Journal of clinical oncology.
L’étude Karuprostate, réalisée de 2004 à 2007 sur la base d’un échantillon cas-témoins de 709 hommes ayant un cancer de la prostate et 723 indemnes de la maladie, révèle ainsi que « l’exposition au chlordécone est associée à un risque augmenté de survenue du cancer de la prostate », notamment chez les personnes possédant une « concentration en chlordécone supérieure à 1 microgramme par litre de sang ». Cette concentration résulte beaucoup plus, selon les auteurs, de la consommation de produits alimentaires contaminés que de la manipulation de la molécule elle-même par les ouvriers agricoles. Un risque qui, selon P Blanchet, « est plutôt bien connu de la population qui a globalement adapté ses comportements alimentaires en conséquence ». Ce pesticide organochloré sera définitivement interdit d’utilisation aux Antilles en 1993.
Dépistage
Concernant le dépistage, P Blanchet est très clair : « Nous suivons scrupuleusement les recommandations de la HAS qui mettent en avant, et à raison, des problèmes de surdiagnostic et de surtraitement en cas de dépistage organisé sur des populations dites à risque. Cependant, l’autre argument qui part du principe qu’il est difficile d’identifier les populations à risque devrait être nuancé dans le cas précis des Antilles. La population majoritairement noire et l’identification précise d’un facteur environnemental sont des données qui mériteraient d’être considérées. À ce titre, une mesure de dépistage particulière ne m’aurait pas semblé injustifiée, notamment en direction des populations socialement défavorisées qui ont des difficultés d’accès à l’information. »
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