Se retrouver face à un nodule pulmonaire périphérique dont on ne connaît pas la nature est une situation fréquente. L’endoscopie simple ayant une rentabilité déplorable − de l’ordre de 14 % − d’autres moyens doivent être mis en œuvre.
Une analyse du scanner avec un logiciel de reconstruction de bronchoscopie virtuelle permet déjà d’optimiser la rentabilité (de 14 à 60 %), surtout si on utilise un endoscope de petite taille, qui permet d’aller plus loin dans l’arbre bronchique. Le recours à une mini-sonde échographique radiaire fait passer la rentabilité du geste de 60 à 75-80 %. Augmenter la rentabilité au-delà de 80 % est possible, mais nettement plus coûteux. En effet, cela demande de faire appel à la navigation électromagnétique, à des techniques de réalité augmentée, à des imageries spécifiques durant le geste endoscopique de type cone beam et à une salle hybride.
LE QUOTIDIEN : La découverte d’un nodule pulmonaire périphérique est-elle fréquente ?
Pr Jean-Michel Vergnon* : La présence d’une opacité distale représente un quart à un tiers des problèmes de cancer que l’on a à prendre en charge. Cette fréquence élevée s’explique par le fait que les adénocarcinomes (qui naissent sur de petites bronches) représentent désormais le premier cancer du poumon, devant l’épidermoïde. Cela s’explique par un changement d’habitude des fumeurs, les cigarettes brunes sans filtres ayant laissé place aux blondes avec filtres. En outre, on en dépiste davantage car on fait plus systématiquement un scanner chez un fumeur présentant une fatigue, une toux, etc.
L’imagerie peut-elle faire la différence entre nodule bénin et malin ?
Non, on ne peut pas se contenter du scanner, même si les systèmes d’analyses automatiques des images représentent un progrès. Même devant un nodule spiculé, irrégulier, rétracté, etc., un prélèvement s’avère indispensable. Idem en cas de Pet-scan retrouvant une grosse activité métabolique. En effet, il n’y a pas de certitude possible car des lésions de tuberculose, de silicose, de sarcoïdose ou d’origine infectieuse, peuvent donner l’image d’un nodule fixant et pourtant non cancéreux. À l’inverse, certains cancers comme les carcinoïdes ont une activité métabolique relativement faible.
Le prélèvement est donc incontournable devant un nodule périphérique ?
Oui, sauf si l’on retrouve lors du bilan, par ailleurs, une autre localisation plus facile à prélever comme une métastase accessible ou un ganglion médiastinal ou hilaire qui fixe au Pet-scan et que l’on pourra ponctionner en étant guidé par écho-endoscopie. C’est souvent beaucoup plus facile d’accès que la tumeur elle-même, qui peut se trouver après la 20e division des bronches ! Avec un diamètre de 5 mm, un endoscope standard ne nous permet d’explorer que cinq divisions, on est donc loin du compte !
Quelles sont les limites de la ponction transpariétale ?
Pendant longtemps, il n’y avait pas d’autre choix que de faire appel au radiologue en vue d’une ponction transpariétale, mais elle dépend de l’expérience du radiologue, de la taille du nodule, de sa situation anatomique et enfin, elle génère un risque de pneumothorax, d’au moins 20 %, mais qui peut être plus important selon le nombre de ponctions ou l’état respiratoire sous-jacent. Chez nos patients volontiers insuffisants respiratoires, le risque peut être majeur et entraîner un tableau très sévère. La ponction transpariétale est d’ailleurs contre-indiquée en cas de VEMS inférieure à 35 %.
Comment espérer atteindre un nodule périphérique pour le biopsier ?
De nouvelles techniques se sont développées pour atteindre la tumeur par les voies naturelles et ainsi diminuer fortement (à moins de 3 %), les risques de pneumothorax. La première d’entre elles est de recourir à un endoscope plus petit (moins de 3 - 4 mm), ce qui permet d’aller jusqu’à la division 9, soit les deux tiers du poumon. Cependant, comme le canal opérateur de ces endoscopes est plus petit, les outils de prélèvement le sont également, ce qui limite la taille des biopsies rapportées. Il y a aussi un risque de se perdre au niveau des différentes divisions et donc d’emprunter la mauvaise bronche pour faire une biopsie. Pour pallier ce risque d’erreur de trajectoire, une carte des bronches est générée en 3D à partir du scanner, afin de prévisualiser le chemin à prendre pour arriver jusqu’à la tumeur. C’est le principe de l’endoscopie virtuelle. Grâce à elle et à la miniaturisation des endoscopes, on est passé de 14 % de tumeurs périphériques atteintes par les voies naturelles, à 60 %, soit un vrai bond en avant.
Y a-t-il encore moyen d’optimiser ces résultats ?
Oui, en recourant aux mini-sondes échographiques de 1-2 mm de diamètre, qui entrent dans le canal opérateur de l’endoscope et au bout desquelles un échographe tourne à 360 ° : ces mini-sondes permettent de poursuivre le chemin d’environ 5-6 cm quand l’endoscope, lui, est bloqué. De quoi aller jusqu’à la plèvre ou presque ! Si la sonde rentre dans une tumeur solide (et donc que cette dernière est bien au niveau d’une bronche et non à côté), cela va donner le contour de la tumeur. Une fois la masse ainsi détectée, il n’y a plus qu’à enlever la sonde pour passer une pince à la place et faire des prélèvements à l’endroit supposé où était la lésion. Avec cette méthode, il subsiste néanmoins un risque que la pince n’ait pas emprunté le même chemin que la sonde, auquel cas le prélèvement va tomber à côté de la tumeur. C’est pourquoi nous pouvons aussi placer la sonde échographique à l’intérieur d’un guide. Une fois la tumeur repérée, on laisse le guide en place tandis que l’on retire la sonde pour passer la pince : cela permet d’être sûr qu’elle aille au même endroit. Seul bémol : comme le guide a une certaine épaisseur, la pince utilisée sera d’autant plus petite. Ce que l’on aura gagné en précision, on risque de le perdre en quantité de tissu rapporté.
Est-ce un examen rentable ?
Le coût d’une sonde est de l’ordre de 5 000 €. Bien entretenue et dans le meilleur des cas, elle peut servir 50 à 100 fois. En moyenne, ce type d’examen, en comptant les frais annexes, revient donc à environ 200 €. À partir du moment où le nodule est trouvé et que la sonde est bien placée au centre du nodule, on arrive à plus de 85 % de diagnostic, ce qui est très acceptable (alors que si on est tangentiel, avec la tumeur de côté, on est plutôt sur 60 %).
Quelles sont les alternatives en cas d’échec ?
Il reste la navigation électromagnétique, mais très peu de centres en sont équipés (Toulouse, Centre Montsouris à Paris et St-Etienne). Cela consiste à passer un petit cathéter navigable à l’intérieur de l’endoscope. Ce cathéter peut être déplacé via une manette. À son extrémité, un capteur renvoie une image sur un écran d’ordinateur qui affiche le scanner des bronches du patient en 3D. On voit donc, sur cette carte des bronches, le cathéter navigable évoluer (comme une voiture sur un GPS), à la différence près que les trajectoires des bronches sont préenregistrées et donc, qu’il ne s’agit pas d’une image en temps réel.
La position de la cible étant connue, le chemin pour s’y rendre apparaît : il y a juste à suivre cette route en faisant évoluer le cathéter grâce à la manette, un peu comme dans un jeu vidéo ! L’ensemble est sophistiqué puisque la position du nodule est recalculée à chaque instant en fonction des mouvements respiratoires via des capteurs posés sur le thorax du patient.
Est-ce plus rentable que la mini-sonde échographique ?
Cet examen sophistiqué est nettement plus coûteux : de 1100 à 1200 € car le capteur est à usage unique. De plus, en termes de capacité de détection, on reste à 75 %, car il s’agit d’une machine de navigation et non d’une machine de localisation. Il n’y a donc pas de moyen de vérifier que le capteur est bien arrivé jusqu’à la tumeur, contrairement à la mini-sonde échographique.
Pour optimiser ce système, il faudrait systématiquement renvoyer une mini-sonde d’échographie quand on pense être arrivé au bon endroit (soit un surcoût de 200 €). Ce n’est qu’à ce prix que l’on peut augmenter la rentabilité de l’examen qui passe alors à 88 %. En raison du peu de centres en capacité de réaliser cet examen et de son coût global, il n’est pas envisageable à grande échelle.
Peut-on encore faire mieux ?
Oui, mais au prix d’un coût encore plus élevé ! Dans une salle hybride, une fois arrivé à la bonne localisation grâce à un outil de navigation, un scanner est réalisé pour bien vérifier que l’outil de guidage est réellement au niveau du nodule (système dit de cone-beam). Cette fois, cela permet d’atteindre une rentabilité de 95 %. Mais en contrepartie, on mobilise une salle hybride avec un équipement poussé : c’est très lourd et très coûteux !
Et pourquoi pas la chirurgie pour aller chercher le nodule ?
Ouvrir le thorax par thoracotomie s’il faut palper le poumon pour sentir le nodule en profondeur, n’est pas anodin. Si le nodule est superficiel et proche de la plèvre, il peut être enlevé par thoracoscopie. Pour aider le chirurgien à le trouver, on peut d’ailleurs injecter un produit coloré (bleu) au contact du nodule ou juste après, soit par échographie, soit par navigation électromagnétique. Le nodule retiré est envoyé en anapathologie et s’il est cancéreux, le chirurgien enlève le lobe dans la foulée.
À l’avenir, aura-t-on des solutions pour détruire ce nodule sans chirurgie ?
Une fois arrivé dans le nodule, on pourrait effectivement amener de quoi le détruire. De nombreuses techniques de destruction sont d’ailleurs à l’étude : radiofréquence, thermocoagulation, cryothérapie, curiethérapie, micro-ondes, vapeur à 100 °C, thérapie photodynamique, etc. Il faut attendre leurs résultats car ces alternatives ne seront envisageables que si la tumeur est complètement détruite.
* Pr Jean-Michel Vergnon, Service de pneumologie et d’oncologie thoracique, CHU de St Etienne
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024