La stratégie de dépistage du cancer de la prostate fondée sur le taux de PSA et la réalisation de biopsies systématisées par voie transrectale, sous contrôle échographique, a pour limites le risque de surdiagnostic de cancers non significatifs et de non-détection de cancers significatifs. Ceci a conduit à évaluer de nouvelles stratégies de dépistage, dont le recours à l’IRM, en complément voire en remplacement des biopsies. De telles approches sont aujourd’hui envisageables grâce aux progrès réalisés dans la détectabilité des tumeurs prostatiques permis par le développement de l’IRM morphologique (séquence T2) et fonctionnelle (séquences de perfusion et de diffusion). « L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est validée dans le bilan d’extension extra-prostatique et dans l’identification du cancer. Pour l’identification d’un cancer de volume significatif (› 0,5 cm3), la sensibilité de l’IRM est de 86 % et sa spécificité de 94 %. La valeur prédictive négative est de 95 %. La formation des radiologues en dehors des centres experts actuels à l’identification du cancer de la prostate en IRM constitue le deuxième défi », rappelle le Pr Arnauld Villers. Lorsque la technique et l’expérience seront acquises, la première étape d’utilisation de l’IRM après une première série de biopsies négatives, pour cibler une lésion sera effective sur tout le territoire national. Puis, dans un deuxième temps, l’IRM pourrait être réalisée chez des patients ayant un taux de PSA élevé et cela avant même une première série de biopsies. L’IRM pourrait ainsi être utilisée comme un test de triage avant les biopsies, ce qui permettrait d’une part de mieux cibler les biopsies (1 à 2 biopsies) en les limitant aux seules zones présentant des anomalies à l’IRM et surtout d’éviter les 12 biopsies systématisées en cas de négativité de l’examen d’imagerie (40 % des cas environ). « Il s’agit pour l’instant de stratégies en cours d’évaluation », insiste le Pr Villers. Ce qui est aujourd’hui démontré c’est que les biopsies ciblées sur les lésions suspectes à l’IRM améliorent la détection des cancers, ainsi que la caractérisation de leur taille et de leur grade. Un travail rétrospectif sur une série de 555 hommes avec une élévation du PSA a permis de comparer, après IRM prébiopsique, les biopsies systématisées et les biopsies ciblées sur les lésions IRM. Le recours aux seules biopsies ciblées après IRM permet de réduire de 13 % le taux de détection de cancers non significatifs (microfoyers ne nécessitant pas de traitement immédiat) et de diminuer le nombre de biopsies réalisées par patient. Et 42 % des hommes n’ayant pas d’anomalies à l’IRM auraient pu n’avoir aucune biopsie. « Il s’agit de données rétrospectives, et une stratégie fondée sur la non-réalisation de biopsies chez les hommes ayant une IRM négative doit être validée de façon prospective. Mais ceci représente une voie de recherche très prometteuse, qui pourrait à terme permettre aux patients d’éviter les biopsies et leur cortège de complications, notamment infectieuses et hémorragiques et de réduire les coûts, sous réserve que nous disposions des ressources nécessaires, matérielles et humaines, au niveau national », estime le Pr Villers. Des essais sont donc nécessaires pour définir la place de l’IRM dans le dépistage du cancer prostatique. Dans les seules populations à risque (antécédents familiaux, biomarqueurs génétiques) ou chez tous les hommes ayant une élévation du PSA ? Et dans quel but : dépister plus de cancers, dépister plus de cancers cliniquement significatifs, éviter la détection des cancers non significatifs ? Deux études multicentriques sont en cours pour évaluer, versus stratégie classique, les biopsies prostatiques ciblées sur les lésions suspectes à l’IRM en termes de capacité à détecter les cancers : l’étude PROMIS et l’étude de Rotterdam. Un essai international, auquel devraient participer des centres européens, nord-américains et japonais est en projet, avec pour objectif l’évaluation prospective de l’IRM pour décider ou non de la pratique de biopsies.
D’après un entretien avec le Pr Arnauld Villers, hôpital Huriez, CHRU, Lille.
Pour en savoir plus :
Villers A, Marliere F, Ouzzane A, et al. L’IRM en complément ou en remplacement des biopsies de la prostate ? Le point de vue du clinicien. Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle 2012;93(4):285-90
Haffner J, Lemaitre L, Puech P, et al. A Role of magnetic resonance imaging before initial biopsy : comparison of magnetic resonance imaging-targeted and systematic biopsy for significant prostate cancer detection. BJU Int 108 2011.
Louise Dickinson, Hashim U Ahmed, Clare Allen et al. Magnetic Resonance Imaging for the Detection, Localisation, and Characterisation of Prostate Cancer : Recommendations from a European Consensus Meeting. European Urology 2011;59:477-94.
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