L’APM nous le révélait récemment : en 2020, le nombre de mammographies a chuté en France de plus de 10 %, le dépistage du cancer du col de l’utérus a suivi la même tendance, tandis que le nombre de coloscopies était en baisse de 20 % et celui des biopsies de la prostate en diminution de 8,9 %, d’après un très sérieux bilan publié par l’Institut National du Cancer (INCa). Dépistages suspendus, soins reportés : la pandémie de Covid-19 aura un lourd impact sur la prise en charge du cancer dans notre pays comme partout ailleurs. Nul doute que l’INCa continuera d’évaluer les conséquences de ces retards sur la santé de nos concitoyens. Terribles vigies que ces indicateurs, pour toucher du doigt l’impact réel de la crise sanitaire sur la survie des patients touchés par le cancer…
Alors que viennent de se conclure le 8 juin dernier les rencontres annuelles de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology), qui ont partagé de formidables perspectives pour les patients grâce au foisonnement des innovations annoncées, force est de constater que nous allons avoir à gérer un rattrapage considérable pour remettre les patients au cœur du dispositif national de prise en charge.
Bien que les taux de dépistage aient depuis rebondi, ils restent inférieurs aux niveaux historiques, et il existe un arriéré important de patients dont les visites ont été retardées ou manquées. Pour inciter les patients à se soumettre à un dépistage du cancer pendant et après cette pandémie, il faudra déployer des efforts actifs de sensibilisation, en particulier pour les personnes qui courent un risque élevé de pertes de chance en raison de soins différés.
Dépistages manqués : pourrons-nous rattraper le retard ?
Il est clair que le volume même de ces examens manqués posera des problèmes de rattrapage. Une étude américaine (1) sur les mammographies montre qu’il faudrait 22 semaines pour rattraper le retard dans ce pays et que ce délai serait rallongé là où les systèmes de santé sont moins bien structurés.
Il se peut qu'il ne soit pas possible d'effectuer toutes les visites manquées au cours de l'année qui vient : disponibilité des équipes, défis organisationnels, réticence des patients, préoccupations en matière de sécurité sanitaire… Les patients présentant des signes ou des symptômes de cancer doivent pourtant être encouragés à contacter leur médecin. Mais il y a aussi tous les autres, tous ceux qui constituent probablement la majorité des personnes ayant manqué, repoussé ou annulé un dépistage ! Il reste difficile de catégoriser les patients de manière prospective. Cependant, des outils de prédiction pourraient être utilisés pour aider à identifier les patients à risque (mutations génétiques, antécédents de lésions précancéreuses, antécédents familiaux de cancer), si tant est qu’ils puissent être véritablement mis en œuvre.
Finalement, le retour à la « normale » suppose que notre pays maîtrise pleinement la pandémie. Les chiffres, qui s’améliorent nettement depuis quelques semaines, tracent la voie. C’est une condition importante pour que notre système de santé soit proactif et facilite le retour en toute sécurité des patients vers les services de dépistage du cancer. Se dessine alors plus précisément la médecine vers laquelle nous nous orientons, avec mise en œuvre de systèmes de rappel, suivi proactif des patients dont les rendez-vous ont été annulés en raison de la pandémie, utilisation de la télésanté et des approches de dépistage en ambulatoire ou à domicile. Avec bien sûr, des messages compréhensibles et rassurants pour eux et leurs proches, afin de les encourager à se faire dépister sans attendre.
La pandémie de Covid-19 a considérablement perturbé les soins préventifs de routine. Des milliers de visites ont été manquées au printemps et à l'été 2020 et ces perturbations vont sans doute mettre du temps à être corrigées. Quel paradoxe que de parler de perte de chance en cancérologie pour les patients alors que tant d’espoirs, de breakthrough therapies, de traitements innovants viennent d’être mis en avant, tant à l’ASCO que ces jours-ci au congrès de l’European Hematology Association ! Encore un paradoxe, et non des moindres, que nous aura fait vivre cette crise inédite.
(1) Song H, Bergman A, Chen AT, et al. Disruptions in preventive care: Mammograms during the COVID-19 pandemic. Health Serv Res. 2020; 1475-6773.13596; Epub ahead of print.
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