Comment améliorer davantage la qualité et la sécurité des soins de cancérologie de façon continue ? Et comment veiller à conserver l’accessibilité d’une offre de soins de proximité, pas trop éloignée du domicile du patient ? Ces questions sont au cœur de la réflexion conduite par un groupe de travail, placé sous l’égide de la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS) et de l’Institut national du cancer (INCa), et chargé de réfléchir à l’évolution des critères d’autorisation des établissements dans le domaine de la cancérologie. Un sujet d’une importance cruciale. Ce sont ces critères, basés notamment sur des seuils d’activité, qui permettront à un établissement de continuer ou non à traiter des patients atteints de cancer.
« Nous en sommes à la 11e réunion et il nous en reste encore deux. Beaucoup de propositions ont été faites qui doivent être finalisées. Surtout, ensuite, ces propositions seront arbitrées par le cabinet de la ministre avant de faire l’objet d’une nouvelle concertation. Tout cela prendra ensuite du temps pour la mise en œuvre », indique la Dr Amélie Lansiaux, membre de ce groupe de travail.
Des critères à revoir
Aujourd’hui, les critères d’autorisation reposent notamment sur des seuils d’activité. Par exemple, un établissement doit réaliser au minimum 30 chirurgies mammaires par an pour avoir le droit d’opérer des femmes atteintes d’un cancer du sein. « Mais il a été jugé utile de revoir la manière dont on établissait ces critères pour avoir une vision la plus juste possible de l’activité cancérologique de chaque établissement. Depuis une circulaire DGOS/INCa de 2008, on comptabilise le nombre de RSA (résumé de séjour anonymisé) pour chaque patient et on classe principalement en GHM (groupe homogène de malades). Or ce système peut introduire des biais dans la mesure de l’activité réelle de cancérologie », souligne le Dr Lansiaux.
Pour illustrer son propos, celle-ci prend le cas d’un patient en chimiothérapie qui n’arrive plus à s’alimenter. « On va lui poser une stomie. Mais avec le système du RSA, c’est comptabilisé comme une prise en charge du cancer. C’est bien sûr un acte essentiel pour améliorer la qualité de vie de la personne mais cela ne correspond pas réellement à un acte de chirurgie du cancer. Avec ce mode de comptabilisation, on peut surestimer l’activité cancérologique réelle d’un établissement autorisé ou, au contraire, refuser une autorisation à un établissement qui comptabilise ses actes de manière plus juste », indique le Dr Lansiaux.
A l’avenir, pour la chirurgie du cancer, l’idée est de ne prendre en compte que les actes d’exérèse en comptabilisant les actes de la CCAM (classification commune des actes médicaux) de l’assurance-maladie. « Mais on ne se basera pas uniquement sur les seuils d’activité. On tiendra aussi compte par exemple de la distribution géographique de telle ou telle activité sur un territoire ou sur le temps de trajet entre l’établissement et le domicile du patient », précise le Dr Lansiaux.
Le nombre d'interventions annuelles en question
Mais la question cruciale reste celle du nombre d’interventions que devront réaliser les établissements tous les ans pour obtenir leur autorisation. « Pour l’instant, les propositions ne sont pas définitives et les arbitrages ministériels n’ont pas encore eu lieu. Il faut donc rester très prudents et parler au conditionnel car il s’agit là de chiffres qui sont encore des hypothèses de travail », insiste le Dr Lansiaux, en ajoutant que trois possibilités existent pour chaque seuil existant : son maintien, sa révision à la hausse, ou son renforcement.
Pour cette dernière proposition, le Dr Lansiaux explique : « Le renforcement est par exemple envisagé pour certaines activités de chirurgie carcinologique gynécologique. L’idée serait de maintenir le seuil de 20 interventions par an mais de renforcer le seuil pour certains organes comme les ovaires. Il faudrait alors que l’établissement fasse 20 actes de chirurgie des ovaires par an en complément des 20 actes de chirurgie gynécologique ».
Au stade actuel de la réflexion, le groupe de travail envisage de maintenir à 30 interventions par an le seuil de la chirurgie viscérale, de relever de 0 à 5 le nombre d’interventions pour l’œsophage, l’estomac et le rectum; et pour le foie et le pancréas, cela serait un renforcement de 0 à 5. « Pour le cancer du sein, on relèverait de 30 à 70 et pour la chirurgie thoracique de 30 à 40. Pour la chirurgie urologique et ORL, on resterait sur le même seuil. Pour la chimiothérapie, le seuil passerait de 80 à 100 et pour la chimiothérapie ambulatoire de 50 à 65 par an. De même, on resterait aussi sur les mêmes seuils pour la radiothérapie (600/an) et la prise en charge des cancers pédiatriques (12/an) », détaille la Dr Amélie Lansiaux en invitant encore une fois à prendre avec prudence ces chiffres non encore définitifs.
D’après un entretien avec la Dr Amélie Lansiaux, vice-présidente de la Société Française du Cancer, chef de service de la délégation recherche clinique et innovation au Groupement des hôpitaux de l’Institut catholique de Lille et présidente de la Conférence nationale des présidents de CME des établissements privés à but non lucratif.
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