Les recommandations de l’ESC sur les arrêts cardiorespiratoires et arythmies ventriculaires rappellent la nécessité de former la population générale aux techniques de premier secours et l'importance des enquêtes étiologiques, versant génétique compris. Elles soulignent également la place centrale du traitement conventionnel de l'insuffisance cardiaque, pierre angulaire de la prévention de la mort subite, chez les sujets à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) altérée . Elles viennent en outre préciser et simplifier l'algorithme de prise en charge des morts subites. « Mais au-delà, cette nouvelle mouture, bien plus pragmatique, marque globalement un certain recul des indications de pose des DAI tandis que l'ablation, assez récemment introduite dans son versant ventriculaire, gagne du terrain. Elle vient également restreindre les situations où le recours à une LifeVest pouvait être envisagé », résume le Pr Philippe Maury (CHU de Toulouse).
L’ablation gagne du terrain et le DAI recule
L'indication d'ablation pour extrasystoles ventriculaires (ESV), lorsqu'elles sont suspectées responsables de cardiopathies rythmiques, est passée d'un grade d'évidence 1B en 2015 à un grade 1A en 2022. Plus question donc d'essayer d'abord un traitement médical (bêta bloquants..). Les ESV relèvent désormais de l'ablation directement en première intention.
Par contre, un certain recul du DAI est constaté en prévention primaire, dans les cardiopathies non ischémiques à FEVG altérée. En cas de FEVG inférieure à 35 % (IC de stade NYHA II à IV), l'indication de pose d'un DAI recule d'une classe 1 à 2A. En effet, l'étude randomisée DANISH (en 2016), comparant la pose systématique d'un DAI chez ces patients par rapport à une prise en charge standard sans DAI, n'a pas mis en évidence de bénéfices en termes de mortalité (2). Au terme de plus de trois ans de suivi médian, malgré une réduction des morts subites et de la symptomatologie, la mortalité totale n'a pas significativement reculé (décès : 22 % dans le groupe DAI vs 23 % dans le bras contrôle : RR = 0,87 ; NS). Ainsi, la pose de DAI dans cette indication n'est plus la référence.
De plus, les recommandations donnent pour la première fois une place à la stimulation ventriculaire programmée (déclenchement de l'arythmie) dans les cardiopathies dilatées non ischémiques. Chez les patients à risques intermédiaires, cette exploration permet de stratifier le risque rythmique au-delà de la seule valeur de la FEVG. C'est une nouvelle aide à la décision de pose, ou pas, d'un DAI chez certains patients.
Dans les cardiopathies ischémiques associées à des tachycardies ventriculaires (TV) à FEVG supérieure à 35 %, le DAI était jusqu'à présent le seul traitement envisageable. En 2022, ces nouvelles recommandations ouvrent la porte à l'ablation. L'ablation est en effet désormais préférée (grade 2A) au DAI (2A) dans cette indication, à condition qu’elle soit pratiquée dans un centre expert. « C'est une avancée énorme pour l'ablation », commente le Pr Maury.
Dans les cardiopathies congénitales, comme la tétralogie de Fallot, on observe aussi une régression. Ces dernières années, la tendance était à une prise en charge très active. Plusieurs traitements étaient recommandés en fonction de la symptomatologie: pose de DAI, ablation, stimulation ventriculaire programmée… En 2022, le recours à toutes ces alternatives a été dégradé et passe en grade 2B.
À l’inverse, dans les sarcoïdoses, on va vers un recours accru aux DAI. L'implantation d'un DAI est désormais fortement recommandée (1A) dès une FEVG inférieure à 35 % (1A). De plus, un DAI doit être systématiquement implanté, quelle que soit la FEVG, dès la pose d’un pacemaker chez les patients souffrant de sarcoïdose.
Dans les syndromes de Brugada associés à des arythmies ventriculaires malignes, l'ablation était jusqu'à présent réservée à un nombre très minoritaire de cas. Désormais, dès l’apparition d’arythmies ventriculaires lors d’un syndrome de Brugada, l'ablation est recommandée (1A). Dans les tachycardies ventriculaires catécholergiques, la sympathectomie (dénervation cardiaque) est passée en 2A. Elle est préférable au DAI, peu efficace dans ce type de tachycardies.
LifeVest : un recours ponctuel chez des patients sélectionnés
Depuis 2015, le DAI temporaire externe, la LifeVest, pouvait être proposé (2B) sans sélection particulière aux patients en post-infarctus myocardique, présentant une FEVG basse. L'idée était de tester le système durant six semaines, avant de décider l'implantation définitive d'un DAI. En 2015, les recommandations précisaient également de proposer la LifeVest dans d'autres situations associées à de potentiels troubles du rythme transitoire. Aujourd'hui, dans ces nouvelles recommandations, le recours à la LifeVest recule un peu. L'indication reste toujours de grade 2B, mais ce recours doit désormais être ponctuel chez certains patients, réservé à des cas bien sélectionnés en post-infarctus. « Ceci est la conséquence, logique, des résultats décevants de l'étude VEST, souligne le Pr Maury. En effet, cet essai randomisé a échoué à mettre en évidence un avantage en termes de mortalité ». Aujourd'hui, il ne reste plus pour la LifeVest qu'une petite place en post-infarctus chez certains patients bien sélectionnés. Dans les autres indications évoquées en 2015 (IC, femmes enceintes, myocardites…), le recours à la LifeVest est dorénavant exclu. Si on pouvait ouvertement la proposer en 2015, elle est en 2022 à réserver à des patients très sélectionnés (3).
La percée de l'IRM
L'IRM a désormais une place dans l'évaluation des cardiopathies hypertrophiques. Un taux de fibrose de plus de 15 %, renseigné à l'IRM, constitue dorénavant un facteur de risque additionnel. Il intervient ainsi dans la prise de décision de poser, ou pas, un DAI.
D'après un entretien avec le Pr Philippe Maury (CHU de Toulouse)
(1) Zeppenfeld K et al. 2022 ESC Guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death. European Heart Journal 2022 : 00, 1–130; doi.org/10.1093/eurheartj/ehac262
(2) K ber L et al. Defibrillator Implantation in Patients with Nonischemic Systolic Heart Failure. NEJM 2016; 375:1221-30
(3) Efficacy of a wearable cardioverter defibrillator after myocardial infarction : results of the Vest Prevention of Early Sudden Death Trial; ACC 2018
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