L’ANOSOGNOSIE est un trouble classique en neurologie, explique le Pr Bruno Dubois (chef de service de neurologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière), que l’on observe dans certaines pathologies. C’est un symptôme qui peut renvoyer à plusieurs affections. Il se définit par le fait que les patients ne sont pas conscients, n’ont pas connaissance de leur propre pathologie. « Il y a donc plusieurs éléments associés : une pathologie sous-jacente responsable d’une altération cérébrale ; ce qui est à l’origine d’un ou plusieurs symptômes ; et l’ignorance et la négation par le patient des symptômes », explique le spécialiste.
L’anosognosie a été intialement décrite dans le syndrome de d’Anton-Babinski ou de l’hémisphère mineur, qui est l’hémisphère droit chez les droitiers. Chez les cérébro-lésés droits (suite à un AVC par exemple), l’anosognosie qui persiste après la phase aiguë de la pathologie est rarement isolée. Elle s’associe généralement à une hémiasomiatognosie, ou incapacité à reconnaître que son propre hémicorps est le sien (le patient va repousser hors du lit sa jambe paralysée, considérant qu’elle ne lui appartient pas) et elle s’associe aussi à un trouble de l’appréhension, visuelle, le tout réalisant en fait le syndrome de l’hémisphère droit.
Toute souffrance cérébrale focale ou diffuse peut être à l’origine d’une anosognosie, expliquent les spécialistes, et particulièrement à partir du moment où l’atteinte concerne le lobe temporal ou le lobe frontal. En premier, il convient de citer les syndromes neurodégénératifs, les plus importants en fréquence : démence vasculaire, Alzheimer, mais aussi démence fronto-temporale, paralysie supranucléaire progressive (ou maladie de Steele-Richardson). Une atteinte pariétale ou frontale d’autres origines, notamment tumorale, peut également occasionner une anosognosie.
Le Dr Watteau-Maisons* souligne l’intérêt de prendre en compte l’anosognosie lors des consultations pour plainte mnésique chez une personne âgée.
Il faut tenir compte aussi du fait que l’anosognosie peut par ailleurs revêtir un caractère relatif : plus ou moins partielle ou complète.
Dans un tout autre domaine, le Dr Jean-François Chermann (hôpital Léopold-Bellan, Paris), évoque l’existence d’épisodes d’anosognosie chez des sportifs qui pratiquent des sports concernés par les commotions cérébrales (boxe, mais aussi rugby, footbal américain, en fait quasiment tous les sports). Un joueur qui prend sur la tête un coup qui intéresse le lobe frontal, parfois continue à jouer sans prendre conscience qu’il met en danger sa vie, souligne ce praticien, qui évoque ces questions et la nécessité de leur prévention dans un ouvrage**. Seules 10 % des commotions se traduisent par une perte de connaissance, il importe de ne pas méconnaître l’importance des autres. Le Dr Chermann rappelle aussi l’existence des « démences pugillistiques » décrites chez les boxeurs qui ont pris de nombreux K. O. D’où la nécessité des précautions et des protections lors des pratiques sportives.
Par ailleurs, il importe de faire la distinction entre anosognosie et déni, le dernier provenant d’un mécanisme d’une autre nature. L’anosognosie est sous-tendue par une base biologique, associée à une physiopathologie pariétale ou frontale, alors que le déni est de nature psychologique, et correspond à un refus de la réalité.
Dans une moindre mesure, on connaît aussi l’anosodiaphorie, dans laquelle le sujet est conscient d’avoir un trouble mais tend à le minimiser, voire y est indifférent.
* Anne-Samuelle Watteau-Maisons, thèse pour le doctorat en médecine (14 juin 2011), consultable sur internet.
** Jean-François Chermann, « KO, le dossier qui dérange », éditions Stock.
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