La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) touche essentiellement des hommes de plus de 50 ans ayant un historique de tabagisme. Elle est associée à de nombreuses comorbidités dont le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, insuffisance cardiaque, etc. Son pronostic reste sombre : la médiane de survie après le diagnostic n’excède pas 3 à 5 ans.
Les IEC, antihypertenseurs très utilisés, pourraient exercer un effet bénéfique chez les patients souffrant de FPI. De précédentes études pharmacologiques et cliniques l’avaient déjà suggéré. Aujourd’hui, une vaste étude observationnelle ajoute une nouvelle pierre à l’édifice (1).
Cette étude a examiné les conséquences sur la mortalité du fait d’avoir été mis sous IEC dans les cinq ans avant le diagnostic. Ses résultats montrent que les patients chez qui un IEC avait été prescrit (que ce soit pour hypertension artérielle [HTA], insuffisance cardiaque [IC ), etc.) ont une mortalité réduite. Et ce travail est d’autant plus convainquant l’effet des IEC sur le pronostic de la BPCO — testé dans le même travail — apparaît nul.
Le bénéfice de ces molécules semble donc, dans la vraie vie, à la fois non négligeable et assez spécifique de la FPI.
Une étude observationnelle rétrospective sur FPI et BPCO
Cette étude rétrospective a été menée à partir de bases de données anglaises, qui ont permis de sélectionner 3 580 patients âgés de 40 à 85 ans, dont le diagnostic de FPI avait été réalisé entre 2002 et 2019. Ces patients ont été appariés, dans un rapport 1/1, à 3 600 patients souffrant de BPCO sur la base d’un score de propensité incluant le sexe, l’âge et les antécédents tabagiques au moment du diagnostic. On a ainsi deux cohortes — une cohorte FPI, une cohorte BPCO — rassemblant des sujets de 74 ans d’âge moyen, dont 36 % de femmes.
Les auteurs ont stratifié les patients en fonction de leur « usage » ou non d’IEC. L’ « usage IEC » étant défini ici par au moins trois prescriptions dans les cinq ans précédant le diagnostic.
Dans la cohorte FPI, 37 % des sujets étaient utilisateurs d’IEC, contre 30 % au sein de la cohorte BPCO. À noter, dans les deux cohortes les sujets utilisant des IEC ont significativement plus de comorbidités que ceux n’en utilisant pas.
Effet positif dans la FPI pour la FPI, nul pour la BPCO
Dans chaque cohorte, une analyse multivariée testant l’interaction IEC/mortalité a été réalisée, après ajustement sur l’âge, le sexe, l’IMC, le tabagisme, le diabète, l’insuffisance rénale chronique et les comorbidités cardiovasculaires classiques.
Dans la cohorte FPI, le même taux de décès (84 %) a été observé chez les sujets usagers d’IEC et non usagers. Toutefois, en analyse multivariée le fait d’être utilisateur d’IEC est significativement associé à une réduction de la mortalité (RRa = 0,82 [0,75-0,91] ; p < 0,001). Dans le même modèle, être de sexe féminin est aussi associé à une moindre mortalité, alors qu’inversement, l’âge et le tabagisme (actuels) majorent la mortalité. Enfin l’analyse de sensibilité retrouve une association significative entre IEC et moindre mortalité (RR = 0,87 [0,80-0,94] ; p < 0,001).
Dans la cohorte BPCO, on est à 20 % de décès chez les sujets sous IEC et 47 % de décès chez les non-utilisateurs d’IEC. Toutefois, en analyse multivariée, en utilisant les mêmes co-variables que pour l’analyse de la cohorte FPI, l’usage d’IEC n’a pas d’effet significatif sur la mortalité (RR = 1,1 [0,96-1,23]). En revanche l’effet protecteur du sexe féminin est retrouvé, tandis que l’âge, le statut tabagique actuel, l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale chronique et le diabète sont tous associés à une surmortalité.
Implications : une piste thérapeutique à explorer plus avant
Comme les auteurs le soulignent, « ce travail ne met pas en évidence de bénéfice associé aux IEC sur la mortalité dans la cohorte BPCO appariée. L’avantage en survie observé dans la cohorte FPI a donc fort peu de chance de pouvoir s’expliquer par le seul bénéfice cardiovasculaire, classiquement associé au traitement par IEC. Le bénéfice en mortalité observé dans la cohorte FPI est de ce fait très probablement l’expression de mécanismes spécifiques à la FPI. »
C’est pourquoi, « les IEC ayant potentiellement une activité spécifique sur la FPI — maladie dans laquelle les options thérapeutiques sont limitées — la mise en œuvre d’études prospectives visant à tester/explorer leur potentiel thérapeutique dans la FPI, est tout à fait souhaitable », concluent-ils.
(1) B Ozaltin et al. Mortality outcomes and ACE inhibitor use in patients with idiopathic pulmonary fibrosis. Chest 2025 Aug 14:S0012-3692(25)05019-6
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