Dyslipidémies, myopéricardites, etc. : un été chaud en recommandations

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Publié le 18/09/2025
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En cette rentrée 2025, les pratiques de cardiologie évoluent. C’est ce que suggèrent de nombreuses nouvelles recommandations publiées coup sur coup à la fin de l’été. Et ce, avant tout par la Société européenne de Cardiologie (ESC). Tour d’horizon de ces documents et de leurs principaux messages.

Crédit photo : PHANIE

Myocardites et péricardites, réunies pour la première fois au sein de mêmes recos

Parmi les recommandations proposées cet été par l’ESC, celles sur la prise en charge des péricardites et des myocardites (1). Ces préconisations comblent un vide important. La prise en charge des myocardites n’avait jusqu’à présent jamais fait l’objet de recommandations européennes, tandis que le dernier référentiel de l’ESC pour la prise en charge des péricardites datait de 2015. Et ces dernières années ont changé le regard sur les myocardites et les péricardites, désormais considérées comme appartenant à un même spectre pathologique. « Les myocardites et les péricardites sont toutes deux des maladies inflammatoires, avec de potentiels chevauchements », insiste l’ESC.

Syndrome inflammatoire myopéricardique

Pour souligner ce changement de vision, l’instance réunit les recommandations pour la prise en charge ces deux pathologies au sein d’un même document. Un référentiel qui met en avant une entité nosologique relativement nouvelle : le syndrome inflammatoire myopéricardique. « Il s’agit d’un terme ombrelle que nous proposons d’utiliser pendant le processus de diagnostic initial, jusqu’à ce qu’un diagnostic final soit établi, qu’il s’agisse d’un diagnostic de myocardite isolée, de péricardite isolée, de myopéricardite, ou encore de périmyocardite », précise l’ESC.

Car ce terme de myopéricardite ne rime pas avec absence de diagnostic précis. Au contraire, alors que l’arsenal thérapeutique s’étoffe de biothérapies utiles pour certains sous-groupes de patients, une caractérisation précise de la maladie reste nécessaire. Ainsi, les auteurs détaillent la démarche diagnostique à mettre en œuvre, préconisant de se pencher de manière exhaustive sur l’histoire médicale, non seulement de la personne (à la recherche notamment d’antécédents de syndrome inflammatoire myopéricardique ayant insuffisamment répondu à la colchicine) mais aussi de sa famille (en vue d’une orientation éventuelle vers des tests génétiques complémentaires). Doivent aussi être pris en compte la présentation clinique, divers biomarqueurs (myocardiques, d’inflammation systémique, d’insuffisance cardiaque), les résultats d’ECG et divers clichées d’imagerie — et en particulier d’échographie cardiaque. Les biopsies myocardiques ne se révèlent désormais plus pertinentes que pour des patients à haut risque, ou pour s’assurer d’une éligibilité à certaines biothérapies.

Des cardiologues aux côtés des femmes enceintes

Autres recommandations publiées fin août par la société européenne de cardiologie : celles pour la prise en charge des maladies cardiovasculaires pendant la grossesse (2). Un document qui, entre les lignes, incite les cardiologues à s’impliquer davantage dans la prise en charge de leurs patientes enceintes, ayant un projet de grossesse ou en post-partum — à ne pas laisser uniquement entre les mains des obstétriciens.

Pour ce faire, l’ESC insiste sur la constitution d’équipes « Cœur Grossesse », capables de superviser la prise en charge des femmes atteintes de maladies cardiovasculaires, de la période pré-conceptionnelle au post-partum. Il revient à ces équipes d’évaluer, selon la classification mWHO 2.0, le risque de morbidité voire de mortalité maternelle liée aux comorbidités cardiovasculaires sous-jacentes, ainsi que les risques associés pour le fœtus. En cas de maladie cardiovasculaire associée à une classe mWHO 2.0 II-III ou plus, il incombe à ces équipes prendre en charge et de suivre les patientes jusqu’à la fin du post-partum. Voire, en cas de maladie de classe IV, d’amener une discussion sur les risques associés à une poursuite de la grossesse et d’évoquer une interruption de grossesse — et de proposer un accompagnement psychologique.

Par ailleurs, le document détaille les prises en charge à proposer aux femmes enceintes, non seulement en cas de comorbidités cardiovasculaires diverses (arythmies primaires, hypertension artérielle pulmonaire, etc.), mais aussi en cas d’évènements cardiovasculaires indésirables de grossesse, tels que le diabète gestationnel, l’hypertension de grossesse, la prééclampsie, etc. Et pour cause : les conséquences de ces évènements sur la santé des femmes à long terme sont de plus en plus reconnues. Aussi, « il est recommandé d’évaluer le risque cardiovasculaire chez les femmes ayant manifesté un évènement indésirable de grossesse », insiste l’ESC. La société savante recommande de proposer aux patientes concernées une prise en charge adaptée évidemment pendant leur grossesse, mais également un suivi pluridisciplinaire pendant toute la durée du post-partum.

Consensus sur les maladies cardiovasculaires et la santé mentale

Au-delà des femmes enceintes, l’ESC se penche cet été sur une autre population vulnérable : les personnes atteintes de troubles psychiatriques (3). En témoigne la parution, également ce mois d’août, d’un tout premier consensus européen sur les maladies cardiovasculaires et la santé mentale.

Un document qui consiste cette fois moins en des recommandations qu’en l’explicitation scientifique d’un constat désormais bien étayé : les troubles mentaux affectent fortement la santé cardiovasculaire et, à l’inverse, les maladies cardiovasculaires jouent également fortement la santé mentale. Une relation bidirectionnelle négative encore trop méconnue de la communauté médicale, et notamment cardiologique, déplore l’ESC, dont l’objectif premier semble de sensibiliser les praticiens, et d’alerter sur la nécessité de développer des prises en charge réellement pluridisciplinaires et complètes, à la fois cardiologiques, psychiatriques, sociales, etc.

Gestion des dyslipidémies : nouveaux médicaments à l’honneur

Ces dernières années, la gestion des dyslipidémies a été bouleversée par la parution de diverses recommandations, non spécifiquement dédiées aux dyslipidémies mais abordant tout de même ce trouble (4). Si bien qu’un besoin d’harmonisation commençait à se faire de plus en plus sentir. Dans ce contexte, l’ESC a enfin proposé cet été de nouvelles recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies.

D’abord, le document revient sur la prédiction du risque cardiovasculaire. Résultat : en cohérence avec les dernières recommandations de la société savante sur la prévention cardiovasculaire, les algorithmes préconisés pour estimer à l’échelle individuelle le risque cardiovasculaire à 10 ans sont désormais le Score2 et le Score2-OP. Si l’ESC ne recommande pas de rechercher systématiquement le score calcique, ni de toujours doser la Lp(a) ou de généraliser le recours à l’IRM à la recherche d’une athérosclérose subclinique, l’instance n’exclut pas la possibilité d’utiliser ces examens — en cas de disponibilité — afin de préciser la situation de patients à risque intermédiaire.

Par ailleurs, cette actualisation tient compte de l’arrivée de nouveaux traitements hypolipémiants. À commencer par l’acide bempédoïque, désormais recommandé en cas de contre-indication aux statines, ou en association à une statine voire aussi à de l’ézétimibe en cas de risque cardiovasculaire élevé ou très élevé. L’evinacumab, lui, peut désormais être utilisé chez des patients atteints d’hypercholestérolémie familiale homozygote, toujours au-dessus de leur cible de LDLc malgré la prise de traitements hypolipémiants à la dose maximale. Deux nouveaux médicaments s’intègrent aussi aux recommandations, avec une classe IIA : l’icosapen-ethyl (indiqué à haute dose chez les patients à risque cardiovasculaire élevé ou très élevé avec une triglycéridémie modérée à élevée), et le volanesorsen (en cas de syndrome d’hyperchylomicronémie familiale ou d’hypertriglycéridémie sévère). Concernant les patients ayant un syndrome coronarien aigu, une polythérapie précoce et intense incluant une statine est préconisée.

Prise en charge des valvulopathies : le Tri-Score préconisé pour orienter la prise en charge

Dernières recommandations publiées par l’ESC : de nouvelles recommandations pour la prise en charge des valvulopathies (5). Dans un contexte marqué par un sous-diagnostic persistant, le document attire l’attention sur le repérage de ces pathologies et sur leur évaluation, avec de « nouvelles catégories permettant de mieux définir les différents sous-types de régurgitation mitrale secondaire ». Par ailleurs, afin d’orienter au mieux les prises en charge, de nouveaux outils se dégagent. Citons le Tri-Score, désormais officiellement recommandé pour évaluer le pronostic après une chirurgie en cas de valvulopathie tricuspide.

En matière de traitement aussi, les recommandations soulignent des changements. Par exemple, en cas de sténose aortique, les indications du Tavi sont étendues à certaines personnes de plus de 70 ans, quel que soit leur risque chirurgical. En cas de régurgitation mitrale sévère, une nouvelle recommandation de classe IA incite à proposer précocement une réparation chirurgicale aux patients encore asymptomatiques. Une autre nouvelle recommandation de classe I concerne les patients présentant une insuffisance cardiaque et une régurgitation mitrale secondaire sévère, chez qui un Teer est désormais préconisé. Les procédures transcathéter continuent de surcroît de gagner du terrain chez les patients présentant une régurgitation tricuspide sévère et symptomatique.

Traitement de l’hypertension artérielle : nouvelles recos américaines

À noter que côté américain aussi, le mois d’août a vu de nouvelles recommandations arriver, puisque l’American heart association et l’American college of cardiology ont publié de nouvelles recommandations pour la prise en charge de l’hypertension artérielle (6). En résumé, il se dégage de ce document un maintien de la cible de pression artérielle à viser à 130/80 mmHg pour la plupart des patients. Cependant, en cas de bonne tolérance au traitement, les sociétés savantes incitent à tenter d’amener la pression systolique sous la valeur de 120 mmHg.

Autre message : afin d’orienter la prise en charge, ce sont désormais les équations de risque Prevent qui sont préconisées. Et, parmi les nouveautés les plus notables, figurent aussi des chapitres dédiés à la prise en charge de l’hypertension artérielle dans des publics spécifiques (patients atteints de maladie rénale chronique, femmes enceintes, ou encore personnes présentant une hypertension résistante) et à l’importance du traitement précoce de l’hypertension artérielle pour la prévention des démences. Enfin, alors que l’observance aux traitements reste insuffisante chez bien des patients, l’AHA et l’ACC recommandent notamment de recourir le plus possible à des spécialités pharmaceutiques réunissant plusieurs antihypertenseurs au sein d’un comprimé unique.

(1) Schulz-Menger J, et al. 2025 ESC Guidelines for the management of myocarditis and pericarditis. Eur Heart J. 2025
(2) De Backer J, et al. 2025 ESC Guidelines for the management of cardiovascular disease and pregnancy. Eur Heart J. 2025
(3) Bueno H, et al. 2025 ESC Clinical Consensus Statement on mental health and cardiovascular disease. Eur Heart J. 2025
(4) Mach F, et al. 2025 Focused Update of the 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias. Eur Heart J. 2025
(5) Praz F, Borger M, et al. 2025 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J. 2025
(6) Daniel W. Jones et al. 2025 AHA/ACC/AANP/AAPA/ABC/ACCP/ACPM/AGS/AMA/ASPC/NMA/PCNA/SGIM Guideline for the Prevention, Detection, Evaluation and Management of High Blood Pressure in Adults: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Joint Committee on Clinical Practice Guidelines. Circulation. 14 August 2025

Irène Lacamp

Source : lequotidiendumedecin.fr