Depuis la publication en 1996 de la première étude MADIT en post-infarctus du myocarde (1), l’utilisation du DAI dans la prévention de la mort subite est recommandée en prévention primaire. En 2019, près de 16000 dispositifs étaient implantés en France. La première indication des DAI en France est la CMI, suivie de la CMD, puis des différentes causes de mort subite (cardiomyopathies hypertrophiques, canalopathies…). Les dernières recommandations (2,3) émises par les sociétés savantes (ESC en 2015 et AHA en 2017), concernant les indications du DAI en prévention primaire dans les CMI et CMD, sont surtout basées sur la FEVG < 35 % et la classe NYHA. Si l’indication en prévention secondaire reste peu discutée, l’implantation d’un DAI en prévention primaire est remise en question, notamment dans la CMD, depuis la publication de l’étude randomisée DANISH en 2016 (4). En effet, les résultats ne montrent pas de bénéfice sur la mortalité toutes causes du DAI prophylactique dans cette indication, au sein de la population danoise. La FEVG ne peut donc pas à elle seule stratifier le risque de mort subite, également présent chez certains patients avec une FEVG > 35 %.
Une évolution thérapeutique déterminante
Depuis la publication des premières études MADIT (1) puis MADIT II (5), la prise en charge des patients insuffisants cardiaques a évolué. La prescription plus large des bêtabloqueurs, des IEC, ARAII, anti-aldostérones et plus récemment de l’association sacubitril/valsartan, a modifié significativement le risque de mortalité et réduit ainsi le bénéfice du DAI (6). Lorsque le traitement pharmacologique de l’insuffisant cardiaque est optimisé, la FEVG s’améliore chez la moitié des patients ayant une CMD dans un délai de 3 à 9 mois. Il faut donc éviter de se précipiter à implanter le patient en prévention primaire et surveiller d’abord l’évolution de sa FEVG. Dans la CMI, l’évolution du traitement médicamenteux et des techniques de revascularisation myocardique rend également le bénéfice du DAI moindre et discutable dans certaines populations avec des comorbidités. Enfin, la resynchronisation myocardique (CRT) modifie elle-même le pronostic des patients insuffisants cardiaques ayant un bloc de branche. Il est toutefois difficile de choisir entre un défibrillateur avec resynchronisation (CRT-D) et un stimulateur avec resynchronisation (CRT-P) au moment de l’implantation.
Mieux stratifier le risque de mort subite
Le DAI n’est pas dépourvu de complications potentielles : infections, fractures de sondes et chocs inappropriés. Les fractures de sondes endocavitaires surviennent dans 20 % des cas à 10 ans et nécessitent alors un remplacement, avec ou sans extraction de l’ancienne sonde. Les infections apparaissent dans 2 à 5 % des cas, avec une plus grande incidence lors des reprises ou en cas de CRT-D. L’arrivée du défibrillateur sous-cutané (S-ICD) permet d’éviter les conséquences graves de ces complications mais ne résout pas le problème des chocs inappropriés, parfois très mal vécus par les patients. Il devient donc impératif de mieux stratifier le risque des patients en prévention primaire afin d’implanter uniquement ceux susceptibles d'en bénéficier. En effet, seulement 25 à 30 % des patients ayant une CMD et implantés d’un DAI recevraient un choc approprié.
Pour aider à la stratification du risque, des données cliniques, ECG, Holter, génétique et d’imagerie semblent apporter une première réponse. Dans la CMD, l’âge > 70 ans, l’insuffisance rénale sévère, les classes III à IV de la NYHA et la présence d’une fibrillation atriale sont les marqueurs d’un bénéfice faible (voire nul) du DAI lorsqu’ils sont tous présents. Différents paramètres ECG et Holter (potentiels tardifs, variabilité sinusale et alternance de l’onde T) ont déjà été évalués, mais sans apporter de résultats significatifs pris séparément. Plus récemment, les progrès de l’imagerie cardiaque (en particulier de l’IRM) semblent apporter des éléments plus prometteurs : présence de rehaussement tardif signe de fibrose dans les CMD ou cicatrice d’infarctus du myocarde dans les CMI. D’après plusieurs études, le risque de mort subite serait plus important dans ces situations, même en cas de FEVG > 35 %. Enfin, les progrès de l’analyse génétique révèlent aussi un risque plus élevé dans certains cas, comme les laminopathies.
Une meilleure prise en charge de l’insuffisance cardiaque semble donc avoir diminué le risque de mort subite des patients. Les résultats des premières études, sur lesquels sont basées les recommandations, sont devenus moins applicables. Des études à large échelle, intégrant la prise en charge actuelle, sont nécessaires. En prenant en compte de multiples données (cliniques, ECG, Holter et IRM), elles doivent permettre une stratification du risque afin de sélectionner les patients qui bénéficieront le plus du DAI. La FEVG ne devrait donc pas rester le seul paramètre à considérer pour poser l’indication d’un DAI prophylactique.
Département de cardiologie, CHU de Brest
(1) Moss AJ et al. N Engl J Med. 1996;335:1933-1940
(2) Priori SG et al. Eur Heart J 2015; 36: 2793–2867.
(3) Al-Khatib SM et al. Circulation 2018;138: e272–e391.
(4) K ber L et al. N Engl J Med. 2016;375(13):1221–30.
(5) Moss AJ et al. N Engl J Med 2002; 346 : 877–83.
(6) Diestori M et al. J of Cardiology. 2020; 75:148-154.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024