Une nouvelle approche d'ablation de la fibrillation atriale (FA), qui associe l'isolation des veines pulmonaires à un cloisonnement atrial et une alcoolisation de la veine de Marshall, pourrait se révéler efficace pour traiter les formes résistantes. Tels sont les résultats préliminaires d'une étude française présentée lors du congrès de l'Association européenne du rythme cardiaque (Ehra) qui s'est tenu du 16 au 18 avril à Barcelone.
Il existe principalement deux types de présentation de la maladie : la FA paroxystique et la FA persistante. Si la FA paroxystique ne pose pas de problème particulier en termes de thérapeutique - il existe une très forte recommandation en faveur d'une isolation des veines pulmonaires -, il n’y a pas actuellement de stratégie véritablement efficace pour la FA persistante.
« Dans certaines zones de l'oreillette gauche, on retrouve des fibres musculaires qui ne servent pas à la contractibilité du muscle cardiaque, mais qui font "revenir l'impulsion électrique sur ses pas", provoquant un tourbillon d’électrostimulations, ou phénomène de réentrées », explique le Dr Nicolas Derval du service de cardiologie, électrophysiologie et stimulation cardiaque de l'hôpital cardiologique Haut-Lévêque (CHU de Bordeaux) et principal investigateur de l'étude « Marshall Plan », du nom de la technique expérimentée sur 120 patients.
40 % de récidive avec la technique classique
L’ablation de la FA consiste à créer des lignes de fibrose pour isoler les fibres musculaires des veines pulmonaires. Chez les patients atteints de FA persistante, le risque de récidive à un an après isolation des veines pulmonaires est de l'ordre de 40 %, aussi a-t-il été envisagé de réaliser un cloisonnement plus complet de l'oreillette gauche. « Au cours d'une même procédure, nous créons trois lignes de bloc dans trois isthmes : l'isthme du toit, l'isthme cavo-tricuspide et l'isthme mitral », détaille le Dr Derval. Problème : les techniques classiques fondées sur l'utilisation de radiofréquence ont leurs limites pour faire des lignes d'isolation électriquement étanches.
En 2009, l'américain Miguel Valderrábano, cardiologue au Houston Methodist Hospital, a l'idée d'injecter de l'alcool dans la veine de Marshall afin de scléroser totalement cette veine, non raccordée au reste de la circulation sanguine, mais identifiée comme un contributeur majeur à la fibrillation atriale. La veine de Marshall est en effet associée à des fibres musculaires et a une fonction particulière en lien avec le système nerveux autonome. Engainée dans une capsule de graisse, elle est inaccessible à une destruction par courants de radiofréquence, d'où le recours à une injection d'alcool absolu à 96 degrés. « Avant que l'on maîtrise la technique d'alcoolisation, nous n'étions capables de bloquer que 60 % de la ligne mitrale contre 90 % aujourd'hui, se souvient le Dr Derval. L'injection de 10 cm3 d'alcool absolu va détruire très spécifiquement un tissu très arythmogène », poursuit-il.
Moitié moins de récidives avec l'alcoolisation
Dans leur étude, les chercheurs ont comparé le « plan Marshall » (isolation des veines pulmonaires + lignes + alcoolisation de la veine de Marshall) à une isolation simple des veines pulmonaires. Sur les 60 patients bénéficiant de la nouvelle procédure, neuf ont eu une récidive de fibrillation atriale au bout de 10 mois, contre 18 patients des 60 du groupe traité par isolation simple. Dans l'étude, la rechute était caractérisée par la survenue d'un épisode de plus de 30 secondes de FA. En ce qui concerne la procédure en elle-même, le temps de radiofréquence était de 29 minutes dans le groupe isolation de la veine pulmonaire seule, contre 44 minutes dans le groupe « plan Marshall ».
Le suivi doit se poursuivre pour atteindre 12 mois. Par ailleurs, une étude multicentrique franco-belge est en cours, avec le même protocole et un suivi de 24 mois. Le Dr Derval espère que les données qui en ressortiront infléchiront les pratiques, avec une place dans les recommandations et peut-être même un codage dans la nomenclature de l'Assurance-maladie, la classification commune des actes médicaux (CCAM). « Il y a un temps de formation mais c'est une technique assez accessible », assure-t-il.
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