En cas d’arrêt cardiorespiratoire extrahospitalier, la survie reste conditionnée par la précocité de la réanimation : alors que la réalisation, avant même l’arrivée des secours, de compressions cardiothoraciques et l’utilisation d’un défibrillateur automatique externe (DAE) permettraient d’éviter nombre de décès, chaque minute passée sans réanimation se solderait au contraire par une réduction de 10 % des chances de survie. Or, 70 % des arrêts cardiaques extrahospitaliers surviennent dans les habitations privées, loin d’un DAE.
Dans ce contexte, la possibilité d’envoyer, en parallèle d’une ambulance, un drone équipé d’un défibrillateur automatisé aux personnes ayant signalé l’arrêt cardiaque extrahospitalier est étudiée depuis quelques années. Des études ont déjà conclu à la faisabilité de la livraison. Cependant, le gain de temps permis par les drones dans la prise en charge n’a pas encore été mesuré. C’est l’objet de cette étude prospective Suédoise, qui avait pour objectif de s’assurer que les drones puissent délivrer le DAE en vie réelle, avant l’arrivée d’une ambulance, avec un gain de temps cliniquement pertinent, soit plus de 3 minutes (1).
Pour ce faire, pendant environ un an (entre 2021 et 2022), cinq drones équipés de DAE ont été placés dans deux zones situées dans des aires semi-urbaines et couvrant environ 200 000 habitants. Ils ont été envoyés par les services d’aide médicale d’urgence vers des lieux d’arrêts cardiaques présumés impliquant des patients de plus de 8 ans. Le pourcentage de drones arrivés avant les secours classiques et le délai médian séparant l’arrivée du DAE de celui de l’ambulance ont alors été calculés.
Plus rapides qu’une ambulance dans deux cas sur trois
Résultat : sur 211 alertes concernant de possibles arrêts cardiaques émises pendant la période d’étude, 72 (34 %) ont donné lieu à l’envoi d’un drone. Ces drones sont arrivés à destination dans plus de 80 % des cas. Au total, des données exploitables pour l’étude étaient disponibles pour 55 alertes ayant conduit à l’envoi — et l’arrivée auprès des patients — d’un drone et d’une ambulance.
Parmi ces 55 cas, deux tiers ont vu le drone arriver avant l’ambulance. Et ce, avec une avance médiane de 3 minutes et 14 secondes — considérée comme cliniquement pertinente. À noter que tous les drones ont atterri dans un rayon de 30 m autour du patient, permettant une récupération potentiellement rapide (moins de 30 secondes) du défibrillateur. Aussi, l’étude conclut que ce type d’interventions pourrait bel et bien « réduire le délai avant l’utilisation d’un DAE, avant l’arrivée d’une ambulance ».
Les DAE livrés par drone très peu utilisés
Toutefois, nombre d’améliorations restent à apporter. D’abord car les drones utilisés dans l’étude demeurent trop lents : plus de 7 minutes séparent l’appel de leur arrivée auprès des patients — contre un objectif de 3 à 5 minutes. De plus, ils apparaissent trop fragiles et tributaires des conditions météorologiques, notamment.
Par ailleurs, les zones où le déploiement de DAE par drones serait le plus adapté restent à déterminer. Selon les auteurs, « les drones pourraient, en théorie, apporter le plus de bénéfices aux aires semi-urbaines, en raison de la relative haute incidence des arrêts cardiaques extrahospitaliers, des temps d’arrivée d’ambulance relativement longs, et d’une faible accessibilité des DAE publics. » L’intérêt du déploiement de drones équipés de DAE reste aussi à évaluer dans d’autres pays que la Suède.
En outre, dans l’étude, un DAE envoyé par drone n’a en fait été utilisé que dans 6 cas — sur les 18 arrêts cardiaques authentiques, pour lesquels il a été réceptionné. Un chiffre bas qui pourrait s’expliquer par l’absence de mention des DAE par les interlocuteurs des centres d’aide médicale d’urgence, et surtout une peur des DAE ou un manque de formation des citoyens à leur utilisation — déjà décrites dans d’autres études : le déploiement de DAE par drones ne permettra sans doute pas à elle seule de favoriser l’utilisation de ces dispositifs médicaux.
(1) Sofia Schierbeck, Anette Nord et al. Drone delivery of automated external defibrillators compared with ambulance arrival in real-life suspected out-of-hospital cardiac arrests: a prospective observational study in Sweden. Lancet Digit Health. 2023 Dec;5(12):e862-e871
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