LE QUOTIDIEN : Que sait-on des liens entre Sars-CoV-2 et myocardite ?
Dr DELMAS : Les patients insuffisants cardiaques et/ou coronariens ont un risque accru de contracter le Covid-19 et un pronostic moins bon que les sujets n’ayant pas de tels antécédents. Par exemple, un insuffisant cardiaque voit son risque de mortalité intra-hospitalière multiplié par deux.
Au total, 7 à 40 % des patients pris en charge pour un Covid-19 présentent une atteinte du myocarde, selon les seuils choisis pour la troponine (marqueur de la nécrose des cellules myocardiques) et le NTproBNP (marqueur de surcharge des cavités cardiaques), ainsi qu’en fonction de l’association, ou non, des modifications de l’électrocardiogramme (ECG) et/ou échocardiographiques. Or, à partir du moment où cette atteinte existe, la mortalité hospitalière est multipliée par 3 à 8.
D’ailleurs, toutes les études vont dans le même sens : plus l'atteinte myocardique associée est marquée, plus l'infection à Covid-19 est sévère avec une mortalité intra-hospitalière pouvant aller jusqu'à 34 %. Les dégâts myocardiques dépendent de la charge virale, de la réponse immunitaire et des comorbidités (diabète, hypertension artérielle, obésité…).
Quels sont les mécanismes en cause ?
Chez un patient ayant une atteinte cardiaque antérieure à l'infection Covid-19, les capacités d'adaptation du débit cardiaque sont moindres. En effet, l'insuffisance cardiaque est majorée par le fait que l'infection à Covid-19 s'accompagne d'une hypoxémie. Un autre mécanisme peut aussi jouer durant la phase aiguë : la survenue de troubles de l'hémostase et de la coagulation. Ils sont susceptibles d'entraîner des occlusions coronaires macro ou microvasculaires, qui vont se traduire par de la souffrance lorsque le cœur sera davantage sollicité. Le Covid-19 peut enfin entraîner de l'œdème inflammatoire diffus dans le myocarde, à l'origine de troubles de la contraction cardiaque (myocardite œdémateuse, endothéliites) ou d’une nécrose inflammatoire cellulaire plus classique (myocardite, plus rarement retrouvée que la forme œdémateuse).
Quel est le rôle de l'orage inflammatoire ?
L'infection peut enfin prendre la forme d'un syndrome inflammatoire multisystémique, proche du syndrome de Kawasaki ou de celui du choc toxique, avec une atteinte muqueuse ORL, digestive, cutanée, des ganglions… Ce syndrome est secondaire à l'orage inflammatoire induit par le Sars-CoV-2, survenant dans les deux semaines qui suivent l'infection à Covid-19 et qui persiste même après la disparition du virus. Les jeunes, plutôt de sexe masculin (avec un pic entre quatre et neuf ans), sont principalement touchés. Le tableau peut être très sévère au point de nécessiter une assistance circulatoire, ventilatoire ou rénale. Mais on a appris à le gérer avec des anti-inflammatoires (dont certains spécifiquement dirigés contre des interleukines), des corticoïdes et des immunoglobulines, d'où une mortalité très faible en dépit de ce tableau très bruyant.
Faut-il suivre les patients sur le long terme ?
Quand on fait des IRM systématiques, on retrouve des anomalies cardiaques chez 20 à 45 % des patients qui ont présenté un Covid-19, même si l'infection initiale était peu marquée, sans nécessité d'hospitalisation. On observe notamment de la fibrose et une altération modérée de la fonction contractile, laissant supposer une atteinte cardiaque initiale, c'est pourquoi la question du suivi de ces patients se pose. Les Sociétés savantes, américaine et européenne, de cardiologie ont émis des recommandations pour le suivi à distance de ces patients, car la fibrose peut faire le lit de troubles du rythme et d'insuffisance cardiaque. À ce jour, les traitements habituels de l'insuffisance cardiaque (inhibiteurs de l'enzyme de conversion, bêtabloquants) sont donnés de façon empirique.
Quel est l'impact du vaccin sur le risque de survenue de myocardite ?
Que ce soit pour l'infection à Covid-19 ou pour le vaccin, il est difficile d'avoir la certitude du lien de cause à effet avec la survenue de la myocardite. Lorsqu'elle survient entre J1 et J9, le lien est possible, mais il devient faible de J10 à J21 et très incertain au-delà. Les jeunes hommes sont davantage touchés, lors d'une deuxième injection avec le vaccin Moderna. Ainsi, il a été recommandé de réserver le vaccin Pfizer aux moins de 30 ans pour la seconde injection. Augmenter le délai entre les deux injections, parmi cette population jeune, est une autre piste de réflexion.
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