C’est bien évidemment la place des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) dans toutes les formes d’insuffisance cardiaque (IC), quelle que soit la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), qui est l’évolution la plus marquante de l’actualisation des recommandations présentées à ce sujet au Congrès européen de cardiologie (ESC), seulement deux ans à peine leur dernière version. Les bénéfices de ces molécules (dapagliflozine et empagliflozine) sur le risque d’hospitalisation pour IC et de décès cardiovasculaire ont été bien mis en évidence dans les deux grands essais Emperor-Preserved et Deliver.
Cette classe thérapeutique doit désormais être prescrite (niveau de preuve IA) non seulement dans les IC à FEVG réduite, comme cela était recommandé dès 2021, mais aussi dans les IC à fraction d’éjection modérément réduite et préservée. Comme le souligne le Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse), « les iSGLT2 constituent donc, comme les diurétiques de l’anse, un traitement universel de l’IC, qui peut être débuté avant même d’avoir les données échographiques ».
Chez les patients ayant une IC à FEVG modérément réduite, les experts européens préconisent un traitement (recommandation de classe IIB) par IEC/ARA2/ARNI, bêtabloquant et antagoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes. En cas de FEVG préservée, à côté des diurétiques de l’anse et des iSGLT2, ils rappellent la place importante (classe I) du traitement étiologique et de la prise en charge des comorbidités.
« Frapper vite et fort »
Deuxième point important des recommandations, fondé notamment sur les résultats très positifs de l’étude Strong-HF : il faut frapper vite et fort. Un patient hospitalisé pour une poussée d’IC doit recevoir ces traitements rapidement, sortir avec une quadrithérapie — ou une bithérapie si la FEVG est préservée — et bénéficier d’une surveillance étroite lors de la titration, l’objectif étant d’atteindre les doses maximales tolérées dans les six semaines. À chaque équipe de s’organiser selon les ressources locales. « À Toulouse par exemple, nous faisons appel à la télétitration », indique le Pr Galinier.
Diabète et carence martiale
Les patients avec un diabète de type 2 (DT2) sont à risque cardiovasculaire. Dès 2021, un iSGLT2 était recommandé chez les personnes avec une maladie cardiovasculaire ou à haut risque. Dans la mise à jour 2023, un iSGLT2 et la finérérone sont préconisés (classe IA) en cas de DT2 et de maladie rénale chronique (MRC, définie par le débit de filtration glomérulaire et le ratio albumine/créatinine urinaire), pour réduire le risque d’aggravation de la maladie rénale et améliorer le pronostic cardiovasculaire.
La carence martiale est une comorbidité très fréquente (50 % des patients) qui aggrave les symptômes, réduit la capacité d’effort et grève le pronostic. Les données récentes (étude Ironman et métaanalyse) confortent les recommandations de 2021. Une supplémentation par voie veineuse est recommandée en cas de carence martiale chez les patients symptomatiques ayant une IC à FEVG réduite et modérément réduite pour réduire les symptômes et améliorer la qualité de vie. Elle doit être considérée (carboxymaltose ferrique ou dérisomaltose ferrique, classe IIa) chez ces mêmes patients pour réduire le risque d’hospitalisation pour IC. Dans les essais, la carence martiale était définie par un coefficient de saturation de la transferrine bas, < 20 % et/ou un taux de ferritine sérique < 100 µg/L. Mais parallèlement, une étude présentée lors du congrès, Heart-FID (2), vient brouiller les cartes : elle n’a pas montré d’effet du carboxymaltose ferrique sur la morbimortalité à un an, dans une large cohorte de patients avec une IC à FEVG réduite. Cependant, la métaanalyse des données individuelles de plusieurs études, dont Heart-FID, confirme les bénéfices de ce traitement sur les hospitalisations pour IC. « Les patients ayant une carence martiale fonctionnelle semblent ceux tirer le plus de bénéfices du carboxymaltose ferrique, ce qui devrait nous à conduire à affiner nos prescriptions », estime le Pr Galinier.
Le sémaglutide, un traitement étiologique de l’IC chez les sujets obèses ?
C’était un autre temps fort du congrès : les résultats très positifs, dans l’étude Step-HFpEF (3), de l’administration du sémaglutide, vs. placebo, sur la symptomatologie de patients obèses, non diabétiques ayant une IC à FEVG préservée (> 45 %). Après 52 semaines de traitement, la perte de poids est de 15 kg en moyenne (13 % du poids corporel initial) et le score KCCQ-CSS est amélioré (il s’agissait des deux critères principaux d’évaluation), et ce, avec une bonne tolérance.
La distance de marche de 6 minutes et le syndrome inflammatoire, critères secondaires de cette étude multicentrique randomisée en double aveugle, ont également été améliorés. Soit des résultats majeurs, pour la première fois dans ce contexte, pour un agoniste du GLP1, et plusieurs questions en suspens : ces bénéfices sont-ils expliqués par la perte de poids, ou par un effet pléiotrope anti-inflammatoire ou hémodynamique du sémaglutide ? Quel effet cela aura-t-il sur des critères durs, comme les hospitalisations et les décès cardiovasculaires ?
Confirmation de la place du traitement électrique
Deux études confirment la place du traitement électrique dans certains sous-groupes de patients. L’étude Budapest-CRT a fait la démonstration des bénéfices sur les événements cardiovasculaires de la stimulation multisite chez les patients ayant une IC à FEVG altérée et une stimulation ventriculaire droite. « L’étude est, certes, monocentrique, mais les résultats sont très nets et il faudrait sans doute y avoir recours un peu plus tôt », estime le Pr Galinier.
« L’essai Castle-HTx indique de son côté qu’il ne faut pas trop vite récuser l’ablation chez les patients ayant une IC avancée et une FA, poursuit-il. Le traitement par radiofréquence permet une réduction très significative des événements cardiovasculaires chez ces patients graves, en attente d’une assistance ou d’une greffe. »
Entretien avec le Pr Michel Galinier, CHU Toulouse
(1) Theresa A McDonagh et al. 2023 Focused Update of the 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: Developed by the task force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC) With the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. European Heart Journal, ehad195, 25 August 2023
doi.org/10.1093/eurheartj/ehad195
(2) Robert J. Mentz, et al, or the Heart-FID Investigators. Ferric carboxymaltose in heart failure with iron deficiency. Nejm August 26, 2023
doi: 10.1056/NEJMoa2304968
(3) Mikhail N. Kosiborod et al, for the Step-HFpEF Trial Committees and Investigators. Semaglutide in patients with heart failure with preserved ejection fraction and obesity. Nejm August 25, 2023
doi: 10.1056/NEJMoa2306963
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