Les vaccins contre le SARS-CoV-2, y compris ceux à adénovirus, ont fait la preuve de leur efficacité à prévenir les formes graves de la maladie, un bénéfice confirmé par les études observationnelles. Concernant le vaccin AZ, les premiers effets indésirables repérés via les études cliniques, étaient surtout à type de syndromes grippaux assez intenses pendant 24 à 48 heures et semblaient plus marqués chez les plus jeunes. Début mars, la pharmacovigilance européenne a alerté sur des épisodes thromboemboliques atypiques avec ce vaccin. Ces premières alertes ont été confirmées par le rapport allemand de l’Institut Paul-Ehrlich sur des cas de thromboses veineuses (TV) cérébrales associées à des thrombopénies. Dans ce contexte, il faut souligner le travail des cliniciens et des centres régionaux de pharmacovigilance français qui ont fait remonter les informations et se sont montrés bien plus réactifs que la pharmacovigilance anglaise. Certains pays, dont la France, ont suspendu provisoirement cette vaccination. Le vaccin AZ a été rétabli après une enquête des agences européenne et anglaise du médicament.
La très faible incidence de ces évènements n’avait pas permis de les mettre en évidence dans les essais cliniques. Selon une toute récente publication (1), le taux de TV avec le vaccin AZ serait de 11 pour 100 000 vaccinés et de TV cérébrale de 2,5 pour 100 000 vaccinés.
Les TV atypiques, mises en évidence par la pharmacovigilance, concernent plutôt les réseaux à faible débit sanguin (cérébraux, splanchniques…) et sont parfois associées à une thrombopénie, mais pas systématiquement. Ces TV atypiques ont des pronostics plus sévères que les TV classiques.
Le vecteur adénoviral impliqué
Le mécanisme qui sous-tend ces complications serait de nature auto-immune, similaire à celui de la thrombose induite par l’héparine (TIH), avec présence d’anticorps dirigés contre le facteur plaquettaire 4 (anti-PF4). « La technique d’injection et l’adjuvant avaient été potentiellement incriminés dans le déclenchement de l’effet indésirable, mais il semble bien que le responsable soit le vecteur adénoviral, une hypothèse renforcée par les quelques cas survenus avec le vaccin de Janssen, lui aussi à adénovirus », explique le Dr Montastruc. Quelques cas de thrombopénie sans thromboses ont également été rapportés au cours d’infections à adénovirus.
Par contre, on sait peu de choses sur le vaccin Spoutnik, basé sur un double adénovirus, et sur lequel la transparence n’est pour le moment pas totale. Des vaccins avec un vecteur adénoviral ont déjà été commercialisés contre le virus Ebola, sans qu'un signal de TV n’ait pas pu être mis en évidence.
Plus de TV cérébrales dues au Covid-19 ?
Aucun facteur de risque lié au SARS-CoV-2 et exposant à la thrombose, n’a été réellement identifié. Il semblait que les TV étaient plus fréquentes chez les femmes, mais il peut s’agir d’un biais de sélection. En effet, les premiers cas rapportés étaient issus d’une population de soignants dans laquelle les femmes sont plus nombreuses. Avec le recul, il semble qu’on ait un certain nombre de cas chez les hommes.
Ces complications pourraient être plus fréquentes chez les sujets de 18 à 44 ans, d’où les limites liées à l’âge pour la vaccination à adénovirus. Dans les derniers cas recensés par l’ANSM, la moyenne d’âge est plus élevée, 63 ans. Mais dans le contexte français, seuls les plus de 55 ans peuvent recevoir ces vaccins. Le bénéfice individuel du vaccin étant plus faible chez les jeunes et des alternatives existant dans les pays occidentaux, la vaccination par AZ a été restreinte aux plus de 55 ans en France, 60 ans dans d’autres pays et 40 ans en Grande-Bretagne.
« Certes, la vaccination n’est pas dépourvue d’effets indésirables (comme avec tout médicament), mais le bénéfice des vaccins à adénovirus sur la morbimortalité reste clair en particulier chez les plus de 50 ans, et le risque de TV atypiques ne doit pas le faire récuser. D’ailleurs selon l’étude danoise (1), on estime que les TV cérébrales concernent 2,5 personnes pour 100 000 vaccinés, mais 4,5 pour 100 000 infections par le SARS-CoV-2 », souligne le médecin pharmacologue.
Plus globalement, il faudrait revoir la communication sur le sujet. Ces réflexions sur les risques rares liés aux vaccins à adénovirus sont le fait de pays riches qui disposent des moyens financiers et logistiques pour utiliser les vaccins à ARNm, mais elles ont faussement ancré l’idée qu’il s’agissait de vaccins « de seconde zone », limitant les possibilités de vaccination contre le Covid de pays plus pauvres.
D’après un entretien avec le Dr François Montastruc, centre de pharmacovigilance du CHU de Toulouse
(1) Pottegard A et al. BMJ 2021;373:n1114, doi: https://doi.org/10.1136/bmj.n1114
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