L'Académie de médecine demande, dans un rapport publié vendredi, plusieurs évolutions importantes de la prise en charge de la greffe cardiaque en vue de réduire la pénurie d'organe en France. En particulier, il y est suggéré l'autorisation de prélèvement cardiaque chez des patients décédés par arrêt des traitements, c'est-à-dire l'inscription du cœur sur la liste des organes éligibles au protocole Maastricht III.
L'Académie propose aussi de faire évoluer le régime des autorisations de greffe cardiaque vers un schéma national d’organisation des soins (SNOS) à la place des schémas interrégionaux (SIOS), de structurer la prise en charge de l’insuffisance cardiaque dans chaque région avec une gradation des soins en plusieurs niveaux permettant de mieux organiser l’accès des patients aux centres de transplantation.
« Une des principales limites actuelles de la transplantation cardiaque est l'inadéquation entre l'offre et la demande », constate l'Académie de médecine, qui rappelle que la proportion de greffons non prélevés augmente chez les donneurs décédés, en raison de l'âge moyen de plus en plus avancé de ces derniers. « La prévention routière et la baisse du nombre d'AVC chez les sujets jeunes, dont on ne peut que se féliciter, ont fortement fait baisser du nombre de greffon disponible », précise le Dr Benoît Averland, directeur adjoint du prélèvement et de la greffe d’organes tissus à l'Agence de la biomédecine.
Ce dernier n'est pas convaincu que l'entrée du cœur sur la liste des organes pouvant être prélevés dans le cadre d'un protocole Maastricht III puisse véritablement influencer la tendance. « La France a autorisé les Maastricht III en 2014, avec beaucoup de retard sur nos voisins européens, explique-t-il. En cinq ans, nous avons seulement passé la barre des 1 000 greffes de rein via ce protocole. » Environ 3 500 reins sont greffés chaque année en France, ainsi que 450 cœurs.
Des difficultés techniques
Les prélèvements Maastricht III constituent une des quatre catégories de prélèvements réalisés sur cœur arrêté. Seul le rein, le foie, le pancréas et le poumon sont actuellement relevables suivant ce protocole en France. La principale difficulté pour y inclure le cœur est d'ordre technique, une limite très importante.
En effet, la France a mis en place un mode opératoire consistant à perdre le moins d'organes possible lors du prélèvement, très différent du « scoop and run » anglo-saxon basé sur la rapidité du prélèvement. Le corps du donneur reste 5 minutes sans intervention extérieure afin de s'assurer du décès. Puis est commencée une mise sous circulation extracorporelle pendant une à trois heures pour oxygéner les organes, et pour finir le prélèvement et la mise des organes dans des machines de perfusion.
« L'arrivée du cœur dans ce protocole pose problème, explique le Dr Averland. Le thorax et l'abdomen sont très différents : si on réoxygène le cœur, il risque de se relancer. C'est la raison pour laquelle l'aorte est obturée lors de l'oxygénation extracorporelle. Il faut trouver une solution technique pour prélever le cœur sans altérer la qualité des organes de l'abdomen. »
À l’heure actuelle, seules deux équipes dans le monde sont parvenues à greffer avec succès un cœur Maastricht III : une greffe en Australie et une autre au Royaume-Uni. En France, la Société française de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire a mis sur pied un groupe de travail pour tenter de modifier le protocole Maastricht III afin d'intégrer le cœur.
Inégalités régionales
Concernant le passage d'une coordination régionale à une coordination nationale de l'activité de greffe cardiaque, les rapporteurs justifient cette demande par l'hétérogénéité des prises en charge sur le territoire. « De trop nombreux patients ne sont pas adressés aux centres de compétence pouvant permettre ces thérapeutiques et finissent par décéder dans des centres périphériques, sans avoir bénéficié des prises en charge hautement spécialisées nécessaires, soulignent-ils. D’autres patients sont référés trop tard, dans un état de défaillance multiviscérale ou de défaillance cardiaque biventriculaire qui rend les choix thérapeutiques limités, voire inexistants. »
Dans leur rapport, les académiciens regrettent les insuffisances de l'éducation thérapeutique en France, en vue de la réinsertion des patients greffés. « De même, la réinsertion sociale et si possible professionnelle, doit être favorisée chez des patients souvent traumatisés par leur maladie, par la période d’attente de la transplantation et par le suivi contraignant, ajoutent-ils. La réadaptation cardiaque et le recours à des équipes de psychologues peuvent être d’une grande aide afin de faciliter le retour à une vie la plus normale possible. »
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