IL A SUFFI D’UN « point d’information » de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) début mai sur les prothèses de hanche de la société CERAVER, sur fonds « de procès PIP », pour relancer le débat sur la sécurité des dispositifs médicaux. Contrairement aux implants de la société de Jean-Claude Mas, ces prothèses de hanche ne présentent, selon l’ANSM, « aucun élément faisant suspecter un risque sanitaire ». Leur défaut : avoir été mises sur le marché sans disposer d’un certificat de marquage CE valide. Plus précisément, des modifications du dispositif (le cotyle CERAFIT R sans ciment a fait l’objet d’une modification de la conception dite HIGRIP), ou de son classement (depuis 2009 en type III, pour le cotyle CERAFIT double mobilité à cimenter) ont été apportées sans que CERAVER n’enclenche une nouvelle demande de certification. En outre, des tiges ont été mises sur le marché sans certificat valide. Quelque 650 patients sont porteurs de ces prothèses. « Aucun incident n’a été signalé. Dans la mesure où des infractions ont été matérialisées, l’ANSM a enclenché une procédure de police sanitaire », a fait savoir l’agence. Conséquence, la mise sur le marché est suspendue, et les DM concernés, retirés.
Daniel Blanquaert, président fondateur de la société CERAVER, a reconnu une « entorse à la réglementation ». Mais, s’est-il défendu dans le « Parisien », mi-mai, « l’implantation d’une tige revêtue d’un biorevêtement antibactérien en 2011 a été une première mondiale ! C’est le résultat de 25 ans de recherche avec le CNRS et l’INSERM, qui ont démontré le caractère inoffensif de ces revêtements pour les patients ». Quant aux prothèses sans marquage CE, Daniel Blanquaert avance la lenteur de la procédure (« un ou deux ans ») pour « des modifications mineures qui pour nous ne justifiaient pas de nouvelle certification ».
« Qu’est-ce qu’ils en savent ? On ne lance pas des produits sans autorisation, cela est contraire à la réglementation » s’exclame le sénateur de la Dordogne (PS) Bernard Cazeau, auteur du rapport d’information de juillet 2012 au nom de la Mission présidée par Chantal Jouanno portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique. « Aujourd’hui, nous sommes en danger à cause du laxisme des procédures européennes », dénonce le médecin élu. La certification des DM (qui n’ont pas besoin d’une autorisation de mise sur le marché - AMM - comme c’est le cas pour le médicament) est en effet régie par des directives européennes parues dans les années 1990.
Latitude des fabricants.
Accusé d’être un frein à l’innovation ou au contraire d’être trop laxiste sur la sécurité, le marquage CE est la cible de critiques de toutes parts.
Dans son rapport, Bernard Cazeau livre une attaque en règle, dès la procédure d’homologation menée par les organismes notifiés (ON), en déplorant une trop grande « latitude concédée aux fabricants ». Ce sont eux qui choisissent l’ON (il en existe 80 environ en Europe, dont le LNE/G-MED en France) ainsi que la procédure de contrôle : examen d’un produit type sur la base d’un échantillon représentatif ou présentation du dossier de conception.
En terme d’essais cliniques, les fabricants ont encore une fois le choix de la méthode, entre une évaluation critique de la littérature scientifique pour démontrer l’équivalence entre un nouveau DM et l’existant et une évaluation critique des résultats des investigations cliniques. « La très grande majorité des fabricants » recourent à la procédure d’équivalence en présentant des dossiers, et non des échantillons de produits, dénonce le rapport de la commission Jouanno. « Ils peuvent être tentés de choisir l’ON le plus abordable en termes de prix, qui audite le plus vite, et qui n’est pas réputé pour être excessivement exigeant sur un certain nombre de caractéristiques techniques », lit-on dans le rapport. « Il faut s’assurer de la compétence de ces ON, qui doivent non seulement étudier les dossiers, faire des essais sur les produits et surtout aller voir la fabrication des DM dans les usines de façon inopinée, sans téléphoner 15 jours avant », explique Bernard Cazeau au « Quotidien ». « Pour se prémunir de toute dérive et escroquerie, chaque pays doit avoir un œil sur ce qui est utilisé sur le territoire. L’ANSM doit vérifier en doublon la qualité des produits et des fabricants. Elle a raison de ne pas se reposer sur l’Europe », poursuit le sénateur.
L’Agence ne dit pas autre chose dans son rapport de septembre 2012 où elle dénonce le manque de transparence, la dispersion des informations et le cloisonnement qui existe entre les ON (notamment étrangères) et elle-même.
Une fois sur le marché, Bernard Cazeau insiste sur la nécessité de suivre les DM. « C’est à l’usage que se révèlent les problèmes. Il faut pour cela rendre obligatoire les registres, comme l’ont fait les Australiens et s’assurer que l’information circule, notamment avec mise en place d’une banque de données européenne ».
Sécurité et innovation.
Faut-il un grand chamboule tout pour réviser le marquage CE ? Certains le pensent comme Dominique Orliac (voir ci-contre) qui réclame le retour au principe de subsidiarité et la mise en place d’une procédure de type AMM. Bernard Cazeau n’y croit pas : « à l’heure où tout circule, il faut une coordination et une information européennes, même si les autorités compétentes nationales contrôlent en sus ».
Claude Rambaud, présidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), s’en remet également à l’Europe, tout en demandant un renforcement des contrôles notamment de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, et une vigilance accrue des services d’achat. « Eu égard au nombre de DM sur le marché, il y a moins d’alertes que pour le médicament. Ils changent la vie des patients », tempère-t-elle.
Les médecins, eux, se soucient de l’innovation. Le Dr Laurent Sedel, ancien président de la SOFCOT ne nie pas certaines carences du marquage CE au niveau des essais cliniques et du suivi des DM. Partisan des registres, il nuance parallèlement la nécessité d’évaluer la moindre modification des DM. « Il faudrait installer un comité avec des médecins et des ingénieurs pour apprécier l’importance des changements et savoir s’ils exigent de relancer un processus de certification », explique-t-il. « Si on veut innover en chirurgie, nous avons besoin des sociétés françaises », poursuit-il.
« En orthopédie, la France est la plus innovante. Nous pouvons respecter l’éthique avec les procédures qui existent mais il ne faut pas que ce soit le parcours du combattant », corrobore le Dr Jacques Caton, ancien Président d’Orthorisq.
Vers de nouvelles directives.
Pressée par l’affaire de prothèses PIP, la commission européenne a émis en septembre 2012 deux propositions de règlements destinées à remplacer et simplifier les directives européennes existantes. Les derniers amendements viennent d’être déposés en vue d’une discussion en commission avant l’été. Les enjeux sont le renforcement du contrôle des ON avec la désignation de laboratoires de référence pour évaluer les DM les plus à risque, l’élargissement de leur mandat avec la possibilité d’effectuer des visites inopinées sur site, la création d’un groupe de coordination pour contrôler les DM de type III, le renforcement de la traçabilité et la mise en place de registres.
Mais les députés européens sont, eux aussi, tiraillés entre deux camps : ceux qui souhaitent un système calqué sur le médicament (AMM), et ceux qui prônent un marquage CE renforcé.
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