Entretien avec le Dr Marie Thuong.
La loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, dans son article L1231-1 a étendu la greffe à partir de donneur vivant au don croisé. « Le don croisé s’inscrit dans le cadre du don vivant classique et ne concerne potentiellement que peu de personnes », précise le Dr Marie Thuong. Son impact sur la greffe rénale est estimé entre 50 et 100 greffes supplémentaires à terme. Le décret n° 2012-1 035 du 7 septembre 2012 relatif au prélèvement et à la greffe d’organes consacre trois articles au don croisé. Le critère d’éligibilité au don croisé repose sur une incompatibilité immunologique entre donneur et receveur. Le don croisé est restreint à un appariement mutuellement compatible entre deux paires de donneur-receveur et donc à des doublets et non des triplets ou des chaînes comme cela est autorisé dans certains pays. En pratique, lorsqu’un patient exprime une intention de greffe à partir d’un donneur vivant, le don croisé est proposé si le bilan médical initial révèle une incompatibilité entre lui et son donneur ; tous deux doivent recevoir une information claire et loyale du médecin de l’équipe de greffe, sur les risques et les conséquences liées à ce type de don. Le bilan médical exhaustif du donneur potentiel prend six mois en moyenne, tant pour s’assurer de l’absence de risque que pour laisser un délai de réflexion. Le donneur est auditionné par un comité d’experts indépendant, pour vérifier sa compréhension de la procédure et des conséquences du don sur tous les plans, professionnel, médical, qualité de vie… Il passe ensuite devant le tribunal de grande instance (TGI) et c’est in fine le comité de don vivant qui rend sa décision, après réception de l’accord du TGI. La paire incompatible (un donneur et un receveur) est alors inscrite dans le registre des paires, géré par l’Agence de la biomédecine, pour procéder au cycle d’appariement. « Un cycle d’appariement, nécessite environ 50 paires inscrites, il est donc réalisé tous les 3 ou 4 mois, et à l’issue de ce cycle, les paires pour lesquelles une compatibilité a pu être trouvée sont retenues. Les équipes sont alors informées des paires qui peuvent faire l’objet d’un don croisé, la programmation des interventions est faite conjointement par les deux équipes en lien avec l’Agence de la biomédecine : les deux prélèvements et les deux greffes doivent être réalisés de façon simultanée ». « Nous en sommes pour l’instant à la phase de convention entre les établissements et l’Agence de la biomédecine, expose le Dr Thuong, et les premières greffes par don croisé pourraient au mieux avoir lieu à l’automne prochain. On recense 44 équipes de greffes rénales, mais peu s’investissent dans la greffe à partir de donneur vivant. Le don du vivant, jusqu’en 2008, était assujetti à la subsidiarité, conformément à la convention d’Oviedo et aux directives internationales. Le changement de concept date de cette année-là, où le don du vivant est venu en complément du don après la mort ». La greffe à partir d’un donneur vivant connaît depuis lors un certain développement, avec 280 greffes en 2009, 302 en 2 011 et 356 en 2 012 (soit 12 % du total des greffes rénales). Cette progression s’observe également dans toute l’Europe comme aux États-Unis. « Le don du vivant, sous réserve qu’il soit bien encadré, représente une réelle avancée pour les patients en attente de greffe, estime le Dr Thuong avant de souligner l’existence de freins à cette possibilité, en 1er lieu, au sein des professionnels. Freins de la part de services de néphrologie-dialyse et des équipes de greffes, qui se posent des questions d’ordre éthique (ne pas nuire) ou qui le considèrent comme très chronophage. »
*Agence de la biomédecine.
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