Parcours de soin de l’insuffisance rénale chronique

Regards d’un duo dialyseur transplanteur

Publié le 10/04/2014
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La dialyse a longtemps été le traitement de référence de l’Insuffisance rénale terminale (IRT) . La greffe avait de nombreuses contre-indications. L’augmentation de survie qu’elle apportait semblait liée à un biais, le jeune âge des greffés et lorsqu’elle était envisagée c’était souvent après une longue période de dialyse.

Les études de ces dix dernières années ont démontré que la greffe améliore la survie et la qualité de vie de tous les patients (même âgés) et que le temps passé en dialyse est corrélé à une plus mauvaise survie des patients greffés. « La greffe est aujourd’hui le traitement numéro 1 de l’IRT : à âge égal et comorbidités équivalentes, tous les patients ont intérêt à être greffés, si possible avant le stade de dialyse » explique le Pr Philippe Brunet. L’inscription de patients âgés éligibles pour la greffe, est en partie responsable du doublement de la liste d’attente en 10 ans (10 000 patients aujourd’hui). En 2013, sur les 3 100 greffes pratiquées en France, 1 00  receveurs avaient plus de 60 ans.

Face à la pénurie de greffons, le Plan greffe a pour objectif de réduire le nombre des refus au prélèvement pour les donneurs décédés et de développer la greffe à donneur vivant (objectif : 600 à 800/an d’ici 3-4 ans).

Réorganiser les soins

Bien en amont de l’IRT, le patient doit être informé de toutes les modalités thérapeutiques : transplantation, hémodialyse, mais aussi dialyse péritonéale « une technique arrivée à maturité, préservant le capital vasculaire et l’autonomie » précise le Pr Brunet. La nécessité d’un dispositif d’annonce concerté, sorte de Réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) fait débat : « la RCP assure une information pluridisciplinaire sur toutes les thérapeutiques de façon ponctuelle mais ne saurait remplacer l’accompagnement, chronophage mais nécessaire, du patient au fil du temps pour évaluer l’évolution de contre-indications, le vécu de la maladie…, explique le Pr Brunet. L’information sur les différents traitements possibles rassure. Elle limite le risque d’échappement au suivi et l’entrée en dialyse en catastrophe (30 % des patients). Le suivi organisé permet aujourd’hui de retarder la dialyse sans danger jusqu’à l’apparition des symptômes »

Trop de patients sont informés tardivement des possibilités de greffe, après 1 ou 2 ans de dialyse. C’est pour eux une perte de chance. Le bilan prégreffe doit être intié avant le stade de dialyse ce qui permet lorsqu’un donneur vivant est identifié de faire la greffe de façon préemptive comme premier traitement de l’IRC arrivée à son dernier stade. La durée d’inscription sur la liste d’attente joue beaucoup sur le score d’attribution des greffons prélevés sur sujets décédés. À propos des polémiques récurrentes, le Pr Moulin rappelle les données récentes de l’Agence de la biomédecine « les disparités interrégionales d’accès à la greffe sont nettement moins marquées si la durée de l’attente est calculée en prenant pour origine l’entrée en dialyse et non l’inscription sur la liste ».

Le bilan prégreffe initié avant le stade de dialyse

Depuis 20 ans, sous l’impulsion du Collège universitaire des enseignants en néphrologie (CUEN), une formation universitaire polyvalente a décloisonné la néphrologie « La formation qui inclut obligatoirement la dialyse et la transplantation est un atout pour améliorer la prise en charge actuelle de l’insuffisance rénale. » estime le Pr Moulin. « Le néphrologue devient néphrologue généraliste et polyvalent. Il aborde la greffe à partir d’un donneur vivant avec son patient pour déclencher très en amont cette possibilité optimale de traitement, initie un bilan prégreffe rigoureux lorsque le débit de filtration est inférieur à 20 ml/mn, programme la suite du bilan avec le centre de transplantation, orchestre les soins (éviter de faire une fistule chez les patients programmés pour greffe préemptive ou dialyse péritonéale…) et partage avec les centres de greffe le suivi des greffés. La cohorte des transplantés augmente de 4 % par an, celle des dialysés de 2 % par an…, expliquent les Prs Brunet et Moulin. Le retour en dialyse est fréquent après plusieurs années de greffe. Cela incite à rester très vigilant sur le maintien d’une dialyse de qualité et le développement de nouvelles techniques. Nous devons optimiser le parcours du patient et sa qualité de vie, sans dichotomie entre greffe et dialyse. Cela nécessite un suivi coordonné entre les centres de greffe et les néphrologues référents ».

Économies

Chaque greffé fait économiser 65 000 euros à la société à partir de la 2e année (l’année de la greffe revient à 85 000 euros autant qu’une année de dialyse). Le Pr Moulin précise que "la réalisation de 4 000 greffes rénales/an en France, permettrait d’économiser plusieurs dizaines de millions d’euros/an. Cependant, augmenter l’activité de greffe notamment à partir de donneurs vivants impose des moyens supplémentaires médicaux et paramédicaux (coordinateurs de bilan pré-greffe) pour les centres de transplantation et de néphrologie dialyse (seul 1 bilan en vue d’un don de rein sur 3 aboutit à la greffe). Les objectifs d’inscription sur liste d’attente de patients, notamment âgés, doivent être confrontés à la réalité de la pénurie d’organes. À chacun de renforcer les efforts engagés par l’Agence de Biomédecine pour développer le prélèvement d’organe, en particulier dans les régions déficitaires ».

D’après un entretien avec le Pr Philippe Brunet, CHU Marseille et avec le Pr Bruno Moulin, CHU Strasbourg.

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialistes