PAR LES Drs MOURAD MEJRI ET RENE KONING*
JUSQU’A CE jour, le traitement chirurgical par pontage coronarien était le seul traitement recommandé chez les patients tritronculaires sévères, surtout quand ces derniers avaient une dysfonction ventriculaire gauche systolique associée et le seul traitement autorisé en présence d’une atteinte significative du tronc commun coronaire gauche. L’avènement des stents actifs a révolutionné l’angioplastie coronaire percutanée entraînant une quasi-disparition du phénomène de resténose à moyen terme et a permis d’envisager la dilatation de lésions complexes à haute incidence de resténose : les bifurcations, les occlusions chroniques, les lésions longues et les lésions situées dans les petits vaisseaux (< 2,5 mm), à condition de pouvoir poursuivre une double antiagrégation (aspirine-clopidogrel) au moins 1 an afin d’éviter les thromboses de stent.
SYNTAX, dont l’investigateur principal est le Dr Marie-Claude Morice, est une étude multicentrique randomisée, initiée en 2005 dans 17 pays, en Europe et aux Etats-Unis, dans l’objectif de comparer l’efficacité de la chirurgie de pontage à celle du stenting actif, chez les patients tritronculaires et/ou ayant une atteinte du tronc commun coronaire gauche. Quatre-vingt-cinq centres ont participé à cet essai, dont 6 en France : Rouen (Saint-Hilaire et Charles-Nicolle), Massy, Bordeaux-Augustins, Toulouse (Pasteur et Rangueil). Le critère primaire est l’incidence de survenue des événements cardio-vasculaires majeurs à 5 ans : décès, infarctus, AVC et taux de revascularisations secondaires. Prés de 1 800 patients ont été randomisés. Le stent actif utilisé était le stent TAXUS (Boston Scientific, premier stent enduit de paclitaxel sur un polymère). Conjointement à cette étude, un score angiographique (Score SYNTAX) a été mis au point. Il évalue la sévérité des lésions angiographiques et permet ainsi une corrélation entre le risque d’événements majeurs et le degré de complexité des lésions, outil efficace pour la stratification des patients en pratique clinique courante.
A 3 ans, l’incidence des événements majeurs est globalement significativement plus élevée dans le groupe angioplastie (28 % contre 20,2 % ; p < 0,001). En ce qui concerne le traitement des lésions du tronc commun, la différence entre les deux stratégies n’est pas significative (22,3 % contre 26,8 % ; p = 0,2). Chez les patients pluritronculaires sans atteinte du tronc commun, il y a plus d’événements dans le groupe angioplastie (28,8 % contre 18,8 % ; p < 0,001) et les revascularisations secondaires ont été significativement plus fréquentes dans le bras angioplastie (10,7 contre 19,7 % ; p < 0,001). Cependant, une tendance à une augmentation du nombre d’AVC a été notée dans le groupe chirurgical (3,4 % contre 2 % ; p = 0,07). Enfin, s’il y a eu plus d’infarctus dans le groupe angioplastie (3,6 % contre 7,1 % ; p = 0,002), il n’y a pas de différence de mortalité entre les deux groupes (6,7 contre 8,6 % ; p = 0,13) ni de différence sur le critère composite décès-infarctus-AVC (12 contre 14,1 % ; p = 0,21). Les événements majeurs à 3 ans en fonction du score SYNTAX ont été significativement plus fréquents dans le groupe angioplastie chez les patients qui avaient un score élevé (lésions angiographiquement complexes), alors que l’angioplastie a fait jeu égal avec la chirurgie pour les scores faibles (lésions simples). Pour les scores intermédiaires, il y a plus de revascularisations secondaires dans le groupe angioplastie, mais pas de différence significative sur le critère composite associant AVC, infarctus et décès.
Une discussion médico-chirurgicale au cas par cas.
Chirurgiens et angioplasticiens sont tous contents ! La chirurgie est indiquée pour les patients à haut risque, surtout quand ils sont diabétiques et inversement la dilatation avec stents actifs est indiquée chez les patients à bas risque. Pour ceux à risque intermédiaire, la chirurgie ne diminue essentiellement que le risque de revascularisation secondaire. Il est donc logique de la proposer en première intention, mais le choix est laissé entre une sternotomie avec circulation extracorporelle ou une simple ponction fémorale ou radiale et 48 heures d’hospitalisation !
A noter, qu’il n’y a aucun mot dans cette étude à propos de toutes les comorbidités associées à la chirurgie retrouvée dans la vraie vie (médiastinite, tamponnade, reprise chirurgicale, pleuropneumopathie, douleur pariétale, faiblesse postopéraroire !).
Enfin, l’angioplasticien est fier de prouver qu’il peut rivaliser avec les chirurgiens pour les lésions du tronc commun quand ces dernières ne sont pas trop complexes, lésions qui jusqu’ici leur étaient exclusivement réservées.
Force est de constater que les moyens de revascularisation dans l’étude SYNTAX ne sont hélas déjà plus idéaux. Du côté chirurgical, on sait qu’il est possible d’améliorer la durabilité du pontage en n’utilisant que des greffons artériels, ce dont moins de 20 % des patients ont bénéficié dans cette étude. Quant à l’angioplastie, elle a désormais à sa disposition des stents de nouvelle génération démontrant une quasi-disparition des thromboses précoces et tardives.
En conclusion, il importe que le cas de chaque patient tritronculaire ou porteur d’une lésion du tronc commun fasse l’objet d’une discussion médico-chirurgicale attentive afin de définir, au vu des résultats de SYNTAX, la stratégie de revascularisation la plus adaptée qui, idéalement, sera réalisée dans un centre de gros volume par des opérateurs chirurgiens ou angioplasticiens expérimentés.
* Clinique Saint-Hilaire, Rouen.
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