› DE NOTRE CORRESPONDANTE
GREFFER LA TÊTE d’un individu sur le corps d’un donneur. Ce n’est pas le scénario du prochain film de science-fiction de Ridley Scott mais la nouvelle étape qui sera prochainement franchie par la médecine selon le neurologue italien Sergio Canavero. Publiés dans le « Surgical Neurology International », les travaux du neurologue piémontais qui opère dans l’une des meilleures structures turinoise, l’hôpital des Molinettes, ont été qualifiés par les relecteurs de cette revue, de « projet permettant l’épanouissement d’un nouveau secteur pour la médecine contemporaine ».
Durant un entretien accordé au « Quotidien du Médecin », ce spécialiste de la stimulation cérébrale, connu pour avoir « réveillé » en 2008 une jeune Italienne de vingt ans plongée dans un coma végétatif permanent depuis deux ans, a révélé les détails du projet baptisé HEAVEN/GEMINI (Head Anastomosis Venture with Cord Fusion).
Des travaux de 1970.
« Les tests sont désormais inutiles car nous avons toutes les données recueillies dans les années soixante-dix par le professeur Robert J. White qui avait effectué plusieurs opérations sur des singes et plus particulièrement des macaques. Depuis 1986, trois équipes américaines travaillent sur ce type de projet. La phase la plus compliquée concernait la continuité de la moelle épinière entre le corps du donneur et la tête du receveur », explique Sergio Canavaro. Un problème désormais résolu grâce à l’utilisation de substances biologiques « collantes » fusogéniques permettant de rétablir les liens entre les fibres nerveuses.
D’un point de vue purement technique, ce type d’intervention pourrait être effectué dès demain. Alors pourquoi attendre deux ans. « Tout est lié à un problème d’organisation des équipes. Pour effectuer la première greffe de visage, les Américains ont mobilisé plus d’une centaine de médecins et de personnel paramédical. Coordonner toutes ces personnes n’est pas simple », analyse Sergio Canavero. Et du côté des coûts ? « L’opération est estimée à dix millions d’euros soit moins que le salaire d’un footballeur ! », ironise le praticien turinois qui a travaillé à Lyon. Un montant qui englobe le support psychologique indispensable du patient avant et après l’intervention. « Le risque d’un rejet au niveau psychologique est important rappelons-nous ce qui est arrivé avec le patient qui s’était greffé deux mains à Lyon en 1998 », explique Sergio Canavero.
Tétraplégie et maladie neuromusculaire.
Autre question importante : le profil du donneur et celui du receveur. « Le donneur est un individu mort suite par exemple à un traumatisme crânien ou un ictus mais avec des organes sains. Le receveur en revanche, doit être atteint d’une maladie neuromusculaire dégénérative ou être tétraplégique », estime Sergio Canavero.
Reste que de l’autre coté des Alpes, les thèses du neurologue piémontais ont déjà fait sursauter plus d’un expert scientifique. Interrogé par le quotidien milanais « Il Corriere della Sera », Alessandro Nanni Costa, président du Centre National de Transplantations estime que « mieux vaut s’en tenir à la réalité, s’agissant de greffes de structures extrêmement complexes ». Même son de cloche mais plus mitigé dans la forme du côté du directeur de l’Institut de Neurologie de l’Université catholique. « Nous manquons de données expérimentales et les lésions à la moelle épinière sont un problème important », estime Giulio Maira.
La réponse de Sergio Canavero est dans l’article publié sur la revue « Surgical Neurology International » où le chirurgien explique les étapes déjà réalisées, des tests effectués sur des macaques à l’utilisation des polymères inorganiques pour recoudre les lésions à la moelle épinière.
Débat éthique.
« On peut difficilement passer de la phase expérimentale à la phase sur les humains », a rétorqué Giulio Maira dans la presse italienne, tout en soulevant l’aspect éthique lié à ce type d’intervention. Une question abordée par le neurologue turinois qui réclame l’adoption d’un code éthique pour éviter les dérapages. « Imaginons un milliardaire chinois qui refuserait de vieillir. Ses médecins se serviront-ils comme c’est déjà paraît-il le cas dans les prisons de l’empire Céleste ? » s’interroge Sergio Canavero. Et puis, certaines sociétés pourraient être tentées de sauver des personnalités. « Imaginons un nouveau Albert Einstein, on pourrait décider de greffer sa tête sur son corps pour l’empêcher de mourir. Il faut absolument établir des règles avant que le procédé ne tombe entre les mains de médecins peu scrupuleux sur le plan éthique », estime le neurologue.
Face à la multiplication de réaction sceptique du côté de la communauté scientifique italienne, Sergio Canavero vient de proposer d’organiser un débat public. Pour le moment, il n’a pas eu de réponse.
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