Économistes, historiens, industriels, sociologues, géographes… Nombreux sont les experts qui se sont attachés à définir des normes relatives aux quantités alimentaires. Un travail complexe qui n’a cessé d’évoluer jusqu’à aujourd’hui. L’évocation de portions, par exemple, a d’abord été liée à des termes qualitatifs. Le roman naturaliste du XIXe siècle mentionne ainsi la « maigre portion », qui constitue le repas de l’indigent ou du pauvre. « Les règlements des collectivités, pensionnats ou d’hospices évoquent, pour leur part, la "demi-portion" ou la "portion entière". Et rattachent alors la notion de portion à la quantité d’aliment servie. Par évolution d’usage, la portion congrue − qui, à l’origine, désigne une pension annuelle modeste versée aux curés sous l’Ancien Régime − a fini par évoquer un plat limité en quantité », indique Jean-Pierre Williot, professeur d’histoire contemporaine, à Sorbonne Université. En effet, dans le langage courant, « être réduit à avoir une portion congrue » signifie que l’on va consommer une très petite part.
Ration militaire
Dès lors que le mangeur choisit lui-même sa portion, il la déclare rarement comme trop grosse puisqu’il la considère comme adaptée à son appétit. À l’inverse, une portion imposée est souvent considérée comme peu importante. Au XIXe siècle, la taille de la portion avait notamment une fonction thérapeutique. « Dans les règlements d’hôpitaux par exemple, les portions étaient spécifiées sous forme de quantités en fonction de la maladie du patient. Le régime gras, maigre ou diète modifiant la quantité de soupe ou de pain apportée au patient », ajoute Jean-Pierre Williot.
Dans les récits de malades, de voyageurs ou de soldats en cantonnement, les plaintes portent souvent sur une distorsion entre la portion apportée et l’attente qui n’est pas satisfaite. « Entre les deux, l’écart procède d’une estimation qui serait calibrée et qui renvoie, en fait, à la question de la ration calculée sur des bases économiques et nutritionnelles. Le rapport entre la quantité − et la perception de la satisfaction liée à la quantité − est différent d’une personne à l’autre », note Jean-Pierre Williot. Dans les faits, la portion est plutôt perçue : elle est subjective et individuelle. La ration, quant à elle, est calculée. Dès le XVIIe siècle, elle fait notamment référence à la gestion des denrées délivrées aux soldats. Elle désigne également la nourriture quotidienne donnée aux animaux selon des critères déterminés par des règles d’élevage.
Des normes toujours floues
Au regard de cette approche historique, la ration désigne une quantité alimentaire propre à assurer les besoins énergétiques d’un corps. À partir de cette notion de ration, les portions ont évolué. La diversité des contenants (assiette, verre, bombage de la cuillère…) − dont les tailles et les volumes n’ont cessé d’évoluer et de se rapporter à des usages sociaux hiérarchisés − en témoigne.
Vers la fin du XIXe et au début du XXe siècle apparaissent également les notions d’hygiénisme alimentaire. Mais aussi, d’alimentation défectueuse, pouvant être corrigée par le biais d’une augmentation ou d’une diminution de la ration calorique. Les experts, médecins ou réformateurs, ont alors tenté de définir des portions à partir de ces bases rationnelles. « L’alimentation des rues a aussi joué un rôle déterminant dans l’élaboration de la portion et de la part. Mais aucune certitude ne garantit que l’on ait trouvé, aujourd’hui, une évaluation nette de la notion de la portion. Car entre la portion normée, proposée sur l’emballage des aliments industrialisés et celle qui est réellement consommée, les différences peuvent être considérables », conclut Jean-Pierre Williot.
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