Par le Pr Jean-Louis Schlienger *
LES ACIDES GRAS (AG) sont multiples et leurs effets sur la santé sont contrastés. Certains sont réputés délétères et d’autres bénéfiques.
On distingue les AG par leur structure (nombre d’atomes de carbone et de double liaison). Les AG saturés (AGS), sans double liaison, sont non indispensables. Ils augmentent le LDL-cholestérol et diminuent le HDL-C et favorisent l’athérogenèse. Leur apport a été fixé à 12 % de l’apport énergétique total (AET). Il convient de distinguer les AGS à chaîne courte ou moyenne sans effet délétère connu et les AGS à chaîne longue (dont l’acide palmitique) qui sont athérogènes et favorisent l’insulinorésistance.
Les AG mono-insaturés et l’acide oléique, composant majoritaire, dont l’huile d’olive est si riche, et tenu pour responsable en partie des bienfaits du régime méditerranéen, sont antiathérogènes. Il devrait représenter de 15 à 20 % des AET !
Les acides gras polyinsaturés sont indispensables.
Les AG polyinsaturés sont indispensables car l’organisme ne peut synthétiser ni l’acide linoléique à l’origine de la famille des AG n-6, ni l’acide α-linolénique à l’origine des AG n-3 (ou oméga-3). Le premier est apporté par les huiles (notamment tournesol et maïs) et le second par l’huile de colza, de noix ou de soja. Ils sont impliqués dans de nombreux processus dont la croissance et la reproduction. Il faut veiller à l’équilibre de ces deux précurseurs car ils ne sont pas interconvertibles et sont métabolisés par les mêmes enzymes. Un apport excessif en AG n-6 réduit la synthèse des AG n-3 par une compétition de substrat ce qui peut contribuer à l’émergence de pathologies cardio-vasculaires, inflammatoires et métaboliques. Le rapport AG n-6/AG n-3 ne devrait pas dépasser 5. L’acide α-linolénique est le précurseur de l’EPA et du DHA – contenus dans les produits marins – à l’origine des prostaglandines de la série 3 et des leucotriènes de la série 5 à l’effet bénéfique.
Des études observationnelles et des essais d’intervention nutritionnelle ont démontré le rôle de protection cardio-vasculaire des oméga 3. La prévention semble meilleure avec une supplémentation en oméga-3 à chaîne longue très désaturés, de type EPA et DHA, qu’avec leur précurseur. Ces AG possèdent des effets antiarythmiques, hypotriglycéridémiants, anti-inflammatoires et sont antiagrégants en agissant sur la fluidité des membranes plaquettaires et sur l’équilibre des prostaglandines pro- et antiagrégantes. Ils contribuent à prévenir la mort subite et ont obtenu une AMM dans le post-infarctus. Toutefois, un excès d’apport favorise la peroxydation des membranes car les AG polyinsaturés sont une cible privilégiée des radicaux libres. Les apports en oméga-3 doivent être suffisants, mais non excessifs. Les apports recommandés sont de 4 % et 1 % de l’AET pour l’acide linoléique et l’acide α-linolénique et de 500 et 250 mg/jour pour DHA et EPA.
Les acides gras " trans ".
D’autres acides gras ont des effets sur la santé. Les acides gras « trans » AGT méritent une mention particulière. Ce sont des isomères fonctionnellement différents selon leur origine. Les AGT d’origine technologique contenus dans les aliments intégrant des graisses végétales hydrogénées (margarine, viennoiserie, charcuterie, plats cuisinés, etc..) sont associés au risque athérogène. Ils augmentent le LDL-c et diminuent le HDL-c lorsqu’ils dépassent 1,5 % de l’AET. En revanche, les AGT naturels issus de la biohydrogénation contenus dans les produits laitiers ont des effets bénéfiques sur le métabolisme lipidique et l’insulinorésistance.
Au total, les AG sont aussi complexes que leurs effets sur la santé et il faut se garder de tenir des propos à l’emporte-pièce. En pratique, une alimentation équilibrée et diversifiée faisant la part belle – mais sans excès – aux produits marins et aux produits laitiers, en limitant les produits alimentaires industriels, apparaît la mieux adaptée.
* CHRU Strasbourg, chef du service de médecine interne, nutrition et endocrinologie.
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