Aux États-Unis comme en Europe, l’organisation de l’expertise scientifique contribuant à la gouvernance des risques sanitaires a connu différentes réformes ces dernières décennies. Les agences publiques se sont d’abord appuyées sur le modèle de l’évaluation quantitative des risques, formalisée par le National Research Council (NRC) américain en 1983. Puis, à partir de 2009, le Silver book, publié par le même NRC a préconisé une approche nouvelle, soucieuse d’une plus grande utilité pour les décideurs publics et d’une meilleure caractérisation des incertitudes, avec la participation croissante des différentes parties prenantes.
Facteurs sociaux et environnementaux
Dans un monde changeant, il faut avoir une approche holistique de l’évaluation des risques. « Il est aujourd’hui impensable de faire abstraction des facteurs sociaux et environnementaux quand on évalue un risque dans telle ou telle communauté », a ainsi expliqué Thomas Burke, professeur à la John Hopkins University, lors du colloque de l’Anses (1), soulignant l’importance d’être plus souple et plus ouvert dans le processus d’expertise. « Dans le passé, la crédibilité des décisions dépendait uniquement de la qualification des personnes qui faisaient l’évaluation et/ou du lieu (instance, agence) où se tenait la réunion, a complété Richard Brown, responsable technique à l'OMS. Grâce aux recommandations du Silver Book, les choses ont évolué, notamment en ce qui concerne le cadre, la transparence ou la communication. Cependant, il y a de plus en plus de données — scientifiques ou non — à prendre en compte, et les défis restent donc nombreux. »
Cadrage des problématiques
Afin d’évaluer et de gérer les risques au plus proche de la réalité, l’une des réponses préconisées est d’intégrer davantage les sciences humaines et sociales dans l’expertise, « à condition de faire une séparation entre l’évaluation et la gestion des risques », a estimé Myriam Merad, directrice de recherche au CNRS. S’intéressant particulièrement au lien entre la science et la prise de décision, à l'encadrement de l'expertise, à l'analyse réglementaire et politique et à l'approche délibérative de la décision, celle-ci considère qu’il est « indispensable de penser au cadrage des problématiques en amont » : les termes utilisés pour poser une question ont des conséquences, la fonction de la personne qui la pose également. « Ainsi, dans tout débat, dans tout groupe de travail sur la sécurité alimentaire, il est d’abord nécessaire de mettre en place des règles bien claires et d’organiser les modalités de la participation », ajoute-t-elle.
Place des sciences humaines et sociales
Myriam Merad insiste aussi sur le rôle des sciences sociales et des humanités pour améliorer l’expertise. « Ne fonctionnant pas comme les sciences plus prescriptives, qui impliquent une question fermée, elles permettent d’associer plusieurs approches et nous aident à mieux comprendre un risque, une problématique. Malgré cela, lorsqu’il faut réduire les coûts dans une agence ou dans une institution, on a tendance à diminuer en premier le budget consacré aux sciences sociales. Il faudrait donc travailler là-dessus », plaide-t-elle. « Nous devons impliquer les sciences sociales tout au long de l’évaluation des risques, et pas seulement au moment de la communication, conclut Gérard Lasfargues (Anses). Promouvoir une approche de plus en plus holistique dans le processus d’expertise est fondamental ».
(1) Anses, Colloque international « Crédibilité de l’expertise scientifique et décision publique ». Atelier « Cadre théorique de l’évaluation des risques : une vision partagée ? », 26 janv. 21
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