Le recours à la chirurgie bariatrique a fortement augmenté en France entre 2008 et 2014, et les techniques chirurgicales pratiquées ont connu des changements majeurs, avec une forte progression de la sleeve gastrectomie (SG) ces dernières années, intervention désormais la plus pratiquée dans notre pays (60 %). Tels sont les enseignements de l'étude rétrospective transversale menée à partir des données du PMSI (1), dont l'objectif était de décrire l’évolution des taux de recours à la chirurgie bariatrique et aux différentes techniques chirurgicales en France.
Pour rappel, la chirurgie bariatrique comporte deux grands types d’intervention : celles basées exclusivement sur une restriction gastrique : anneau gastrique (AGA), gastroplastie verticale calibrée (GVC), qui tend à ne plus être pratiquée au profit de la sleeve gastrectomie (SG) ; et celles impliquant une malabsorption intestinale (bypass gastrique (BPG) ou dérivation biliopancréatique (DBP).
La chirurgie bariatrique est associée à long terme à une perte de poids, une amélioration ou une rémission des comorbidités et une augmentation de la survie et de la qualité de vie. En France, selon les recommandations de la HAS, elle est indiquée pour des patients atteints d’une obésité morbide ou sévère mais associée à au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée après la chirurgie (principalement : HTA, SAOS, désordres métaboliques sévères, en particulier diabète de type 2 (DT2), maladies ostéoarticulaires invalidantes, stéatohépatite non alcoolique). Il s'agit d'une thérapie de deuxième intention, après échec d’une prise en charge multidisciplinaire bien conduite pendant six à 12 mois.
Le rapport bénéfice/risque des différentes techniques ne permet pas d’affirmer aujourd'hui la supériorité de l’une par rapport à l'autre.
Les indications métaboliques tendent à se développer aujourd’hui, surtout chez les DT2 dont l’IMC est même inférieur à 35 kg/m2, avec des résultats remarquables sur le plan glycémique, tensionnel etc. Des données récentes montrent que cette chirurgie chez les DT2 a le plus haut niveau de preuve quant à la réduction de la mortalité… Ce qui n’est pas le cas dans l’obésité sans diabète.
De fortes disparités régionales
Dans cette étude du PMSI (1), ont été inclus les patients ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique en France (métropole, DOM et ROM) en 2008 et en 2014. Leurs caractéristiques sociodémographiques et anthropométriques ainsi que les types de techniques chirurgicales employées ont été analysés.
Résultat, le taux de recours à la chirurgie bariatrique a été multiplié par 2,6 en France entre 2008 et 2014. On est passé de 16 791 à 45 474 patients, dont 2/3 pour obésité morbide, qui ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique, avec une prédominance de femmes et à un âge un peu plus jeune que les hommes (40,1±11,9 ans vs 42,6±11,8 ans ; p < 0,0001) et un IMC plus bas que les hommes (33,3 % des femmes avec un IMC < 40 vs 25,4 % des hommes).
La SG (60,6 %) était la technique majoritairement pratiquée, suivie par le BPG (30,0 %) et l’AGA (9,2 %). Fait remarquable, entre 2008 et 2014, le taux de recours à l’AGA a considérablement diminué (55,1 % vs 9,2 % respectivement) au profit de la SG (16,9 % vs 60,6 %). La pose d’un AGA était pratiquée chez des patients plus jeunes (AGA : 36,7±12,1 ans ; SG : 40,2±11,9 ans ; BPG : 42,3±11,4 ans ; p < 0,0001). Le recours à la SG et au BPG augmente avec l’IMC.
Enfin, les taux de recours aux différentes techniques chirurgicales montrent des disparités parfois importantes selon les régions.
À quand un consensus pour améliorer les pratiques ?
Cette évolution qui pourrait s’expliquer par les complications et échecs thérapeutiques rencontrés à moyen terme avec l’AGA, alors que la SG et le BPG sont associés à une amélioration voire à une rémission à long terme de certaines comorbidités, en particulier du diabète, et à une augmentation de la survie et de la qualité de vie.
Les disparités entre régions (persistance de très nombreux AGA) dans les techniques chirurgicales réalisées conduisant à s’interroger sur l’intérêt de l’élaboration d’un consensus sur le choix du traitement. Cette étude met aussi l’accent sur une question d’importance : la qualité du suivi postopératoire. La HAS avait clairement statué sur ce point : un suivi régulier et précis tout au long de la vie, alors qu’en France, 5 ans après la chirurgie, « la qualité du suivi peut être considérée comme satisfaisante chez seulement 12 % des patients » selon les auteurs. Cela avec pour conséquences des reprises de poids, des troubles digestifs, des carences (Vit B1 et B12 surtout), aux complications potentiellement redoutables. Il reste donc beaucoup à faire pour s’assurer que les indications sont bien posées, réalisées par des équipes sérieuses, performantes et que le suivi à moyen et long terme est à la hauteur des exigences d’une médecine éthique et des fortes potentialités qu’offre cette approche thérapeutique.
Professeur émérite, université Grenoble Alpes (Grenoble)
Hazart J, Lahaye C, Farigon N, Vidal P, Slim K, Boirie Y. Évolution du recours à la chirurgie bariatrique en France entre 2008 et 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(5):84-92.
http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/5/2018_5_3.html
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