La Société francophone du Diabète (SFD) a présenté sa nouvelle prise de position « sur les stratégies d’utilisation des traitements anti-hyperglycémiants dans le DT2 » (1), intitulé qui tranche avec la recommandation précédente, qui concernait « la prise en charge médicamenteuse de l’hyperglycémie ». « Si la notion de prise en charge de l’hyperglycémie disparaît du titre, ce n’est évidemment pas parque qu’elle n’est pas importante — elle est notamment essentielle pour protéger du risque de complications microvasculaires — mais parce que l’on dispose aujourd’hui de nouvelles classes thérapeutiques telles que les agonistes des récepteurs du GLP-1 (arGLP1) et les inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2), dont on va recommander l’utilisation dans certaines situations, quel que soit le niveau glycémique du patient, pour son bénéfice cardiovasculaire ou rénal », commente le Pr Patrice Darmon, endocrinologue diabétologue au CHU La Conception à Marseille et coordinateur de la rédaction de cette prise de position.
L’individualisation du traitement et sa réévaluation régulière sont toujours de mise, ainsi que le socle de la prise en charge du diabète de type 2 (DT2) : modification du mode de vie, alimentation équilibrée perte de poids et activité physique régulière. La metformine reste le traitement de première ligne chez tous les patients, sauf contre-indication ou intolérance.
Une modulation des cibles
Les objectifs d’HbA1c à atteindre évoluent avec la nouvelle recommandation : chez une personne de moins de 75 ans, avec une espérance de vie supérieure à 5 ans, qui n’a ni comorbidité sévère, ni insuffisance rénale chronique sévère ou terminale, on peut désormais envisager de viser une cible à 6,5 % (contre 7 % précédemment), à condition d’y arriver avec des modifications du mode de vie et des traitements qui ne provoquent pas d’hypoglycémie, principal facteur limitant pour intensifier les traitements. « Notre arsenal thérapeutique nous permet aujourd’hui de viser cette cible sans induire d’hypoglycémie », souligne le diabétologue.
À l’inverse, chez des patients avec une espérance de vie plus limitée, des comorbidités sévères ou une insuffisance rénale chronique ou terminale, l’HbA1c cible est de 8 %. « Et, lorsque ces patients fragiles sont traités par sulfamides, glinides ou insuline, on a gardé la notion de borne inférieure à 7 %, en dessous de laquelle il est préférable de ne pas descendre », ajoute-t-il.
Une décision partagée
Chez un patient DT2 de moins de 75 ans, avec un IMC inférieur à 35, sans maladie cardiovasculaire avérée, sans insuffisance cardiaque et sans maladie rénale chronique, le choix préférentiel après la metformine était précédemment porté sur les inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-4 (iDPP4).
Les choses changent en 2021 : « on laisse le choix au clinicien, selon le profil du patient et en accord avec lui, de prescrire un iDPP4, un iSGLT2 ou un arGLP1 », résume le Pr Darmon.
Les iDPP4 sont très faciles à manipuler et ont très peu d’effets indésirables, ils ne donnent pas d’hypoglycémie (ce qui les rend intéressant chez les patients âgés), mais ils n’ont pas d’effet favorable sur le poids. Les iSGLT2, qui peuvent désormais être initiés par les généralistes, ont une efficacité sur l’HbA1c équivalente à celle des iDPP4, ne provoquent pas d’hypoglycémie et entraînent une perte de poids, mais leur profil de tolérance est un peu moins bon. Enfin, les arGLP1 sont plus efficaces sur l’HbA1c que les deux classes précédentes, ils n’induisent pas d’hypoglycémie et favorisent une perte de poids souvent plus importante qu’avec les iSGLT2, mais ils s’administrent par voie sous-cutanée et sont l’option la plus coûteuse. Les sulfamides, efficaces sur l’HbA1c et très peu coûteux, constituent une quatrième option, mais qui n’est pas privilégiée car ils ont l’inconvénient majeur d’entraîner des hypoglycémies ainsi qu’une prise de poids.
Des comorbidités fréquentes
Plus d’un tiers des patients ayant un DT2 sont aussi atteints d’une maladie rénale chronique, d’une insuffisance cardiaque ou d’une maladie athéromateuse avérée.
En cas de maladie athéromateuse avérée, après la metformine, le choix se fait entre un iSGLT2 ou un arGLP1 ayant démontré un bénéfice cardiovasculaire. « On recommande désormais d’instaurer l’une ou l’autre de ces classes chez ces patients, quel que soit le niveau d’HbA1c », souligne le Pr Darmon.
De même, en cas de maladie rénale chronique ou d’insuffisance cardiaque, le choix à privilégier est un iSGLT2 et ce, indépendamment du taux d’HbA1c. « Si ce n’est pas possible, en raison d’une intolérance ou d’une contre-indication, on choisira alors un arGLP1, mais uniquement en cas d’HbA1c supérieure aux objectifs car, contrairement aux sociétés de diabétologie européenne et américaine, la SFD a estimé qu’il n’y avait pas le niveau de preuve suffisant requis pour le faire quel que soit le taux d’HbA1c dans ces situations », explique le diabétologue. Et, chez les patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée, les arGLP1 doivent être utilisés avec précaution.
Entretien avec le Pr Patrice Darmon (Marseille) (1) Darmon P et al. Med Mal Metab 2021;15:781-801
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