Nul n’ignore que les pays dits développés – Amérique du Nord, Europe, Japon et certains autres pays d’Asie – sont ravagés par une « épidémie de diabète » et d’hypertension artérielle (HTA), avec les conséquences cardiovasculaires qu'on sait, qui deviennent de plus en plus la 1re cause de mortalité dans ces pays. L'hégémonie des maladies non-transmissibles est déjà notre réalité. Elle concerne 20 millions de personnes en France et consomme 63 % des dépenses de santé.
Mais c'est avec surprise qu'on a découvert, depuis une décennie que, même si la sous-nutrition y sévit encore, les pays dits émergents en étaient aussi victimes, et peut-être parfois plus encore que les pays développés. Ainsi, « l’épidémie » de diabète affecte aujourd’hui des continents entiers : Maghreb, Moyen-Orient, Afrique subsaharienne, Amérique Centrale et du Sud. Mais aussi la Chine et l’Inde, les deux pays les plus peuplés au monde, avec plus d’1,3 milliards d’habitants chacun, soit près de 3 milliards à eux deux et plus de 2/6es de la population mondiale.
Or ces « épidémies modernes » touchent des pays qui sont moins en mesure de lutter contre ces fléaux (prévention, dépistage). Et, en amont, de conduire des études épidémiologiques rigoureuses, faute de moyens, et du fait de populations très dispersées. On est alors souvent obligés d’extrapoler et de donner des chiffres de maladies ignorées, avec des données souvent assez arbitraires.
Cette étude vient, pour le sous-continent indien, combler cette lacune en faisant en sorte de sonder des régions fort disparates et représentatives de ce continent, très hétérogène et complexe à tous égards (1).
Une étude continent
Son objectif, mesurer la prévalence de l’HTA et du diabète selon les différentes régions et populations qui composent le sous-continent indien. En effet, cette prévalence varie considérablement selon le statut sociodémographique : âge, sexe, mode de vie, travail exercé, États Indiens, le fait qu’il s’agisse de populations rurales ou urbaines, de populations plus ou moins éduquées et leur niveau socio-économique.
Le tout, afin d’adapter la politique de santé en termes de prévention, dépistage, et offre de services visant à la prise en charge de ces affections. Aucune étude n’avait jusqu’alors porté sur une très grande population représentative de ce pays, de la taille d’un continent.
Les critères de diabète et d'HTA retenus étaient ≥ 1,26 g/L à jeun ou ≥ 2 g/L non à jeun, PAS ≥ 140 ou PAD ≥ 90 mmHg. Les résultats ont ainsi montré que le diabète et l'hypertension sont répandus dans toutes les régions et dans tous les groupes sociodémographiques.
Sur les 1,3 millions de sujets analysés dont 53 % de femmes, 7,5 % (IC95 [7,3 – 7,7]) avaient un diabète et 25,3 % une HTA (IC95 [25 – 25,6]). Celle-ci était fréquente dès le plus jeune âge : 12 % pour les 18-25 ans. Pour ce qui concerne le diabète, il touchait plus les sujets ayant un niveau de vie aisé, par rapport aux plus modestes, moins atteints. Cependant l’étude, n’a trouvé qu’une influence mineure du niveau de revenus et du niveau d’éducation, ou encore dans la comparaison urbain versus rural. En revanche, selon les États qui composent l’Inde, les prévalences de diabète allaient de 3,2 à 19,9 % et d’HTA de 18,0 à 41,6 % !
Une disparité selon les états
Au total, dans l'ensemble de la population de ce pays, tous âges confondus, la prévalence du diabète était de 6,1 % chez les femmes et de 6,5 % chez les hommes. Pour l'hypertension, 20,0 % chez les femmes et 24,5 % chez les hommes.
Les taux de diabète et d'hypertension varient considérablement entre les États. La richesse des ménages et la localisation urbaine étaient positivement, mais modestement, associées aux deux conditions. Mais la prévalence du diabète et de l'hypertension chez les adultes d'âge moyen dans les ménages les plus pauvres des zones rurales était également élevée (5,9 % souffraient de diabète et 30 % d'hypertension).
L'hypertension était plus élevée chez les adultes de moins de 45 ans qu'antérieurement estimé, plus élevée qu'en Europe centrale et orientale, la région précédemment considérée comme ayant les taux les plus élevés pour les jeunes adultes.
Une fenêtre d'opportunité pour le pays
L'Inde, qui abrite plus d'un sixième de la population mondiale, est en pleine et rapide transition épidémiologique. Les taux de maladies non transmissibles ont augmenté au cours des dernières décennies et cet accroissement devrait se maintenir à mesure que la population de l'Inde vieillit et s'urbanise.
Pendant ce temps, de nombreuses régions de l'Inde sont encore confrontées au fardeau considérable de maladies infectieuses et à un mauvais état de santé maternel et infantile. Selon un des coauteurs de ce travail, le Pr Rifat Atun (Department of Global Health and Population) « l'Inde dispose d'une fenêtre d'opportunité pour investir dans son système de santé afin de lutter efficacement contre l'hypertension et le diabète », les deux principales causes de mortalité, « il est nécessaire de développer de nouvelles technologies afin d’atteindre les millions de personnes touchées par ces deux maladies (...), parce que ces épidémies se répandent rapidement, il est urgent d'agir ».
On rappelle en effet, comme les auteurs, que le diagnostic de l'hypertension et du diabète est simple, « mais inexploité, en raison du manque de sensibilisation et de bilans de santé réguliers (...). L'Inde doit se concentrer sur ces deux tueurs silencieux » ainsi que sur « d'autres maladies non transmissibles » afin de réduire le fardeau médical et économique (morbidité et la mortalité prématurées évitables), « sinon nous verrons beaucoup plus de victimes de ces deux maladies dans les deux prochaines décennies ».
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes, Grenoble
(1) Geldsetzer P et al. JAMA Inter Med 29 janvier 2018. doi: 10.1001/jamainternmed.2017.8094
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