Commercialisés et bientôt remboursés dans la prise en charge de l’obésité après le feu vert de la Haute Autorité de santé (HAS), les analogues du GLP-1 (aGLP-1) restent soumis à des conditions de prescription restreintes dans cette indication. Ils sont à réserver aux patients avec un indice de masse corporel (IMC) initial supérieur ou égal à 35 kg/m2 et la primoprescription doit être réalisée par un médecin spécialiste en endocrinologie-diabétologie-nutrition ou compétent en nutrition, à savoir titulaire d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC), d’une formation spécialisée transversale (FST) ou d’une validation des acquis de l’expérience (VAE) en nutrition.
Pour l’heure, face à la variabilité de la réponse à cette classe médicamenteuse, déterminer les patients à qui prescrire les aGLP-1 reste une « question difficile », reconnaît le Pr Sébastien Czernichow, chef du service de nutrition de l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP, centre spécialisé obésité Île-de-France Ouest) et co-coordinateur du réseau Force* (French Obesity Research Centre of Excellence). « Le contexte réglementaire va évoluer et nous sommes très en attente des évolutions des recommandations de la HAS et des décisions de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) », poursuit-il.
Une cohorte française sur la réponse aux aGLP-1
Alors que le réseau Force constitue une cohorte de plus de 1 000 patients pour identifier des facteurs de réponse aux traitements, sous la coordination du Pr Emmanuel Disse, chef du service d’endocrinologie-diabète-nutrition aux Hospices civils de Lyon (HCL) et second co-coordinateur du réseau Force, les spécialistes ne disposent pas encore de toutes les clés pour cadrer les prescriptions.
Quelques facteurs individuels sont déjà identifiés. « On observe que les femmes ont une meilleure réponse pondérale que les hommes, rapporte le Pr Czernichow. Les non-diabétiques sont également de meilleurs répondeurs que les patients avec un diabète ». L’effet est aussi lié à la dose : « Plus elle est élevée, meilleure sera la réponse », poursuit le spécialiste. D’autres aspects liés à la pharmacodynamie peuvent être impliqués. « Des polymorphismes du récepteur du GLP-1 peuvent influencer la réponse aux traitements. Les données sont encore embryonnaires sur ce sujet », ajoute-t-il.
À terme, les indications chirurgicales ou médicamenteuses prendront en compte un ensemble de paramètres, et non plus seulement l’IMC
Pr Sébastien Czernichow, hôpital européen Georges-Pompidou
Malgré les précisions à acquérir sur les répondeurs aux aGLP-1, l’ambition reste d’atteindre « une médecine de précision, avec une plus grande personnalisation des traitements, appuyée sur les caractéristiques des patients », rappelle le Pr Czernichow. Cette personnalisation, qui prend en compte le statut associé à l’obésité (étiologie génétique, prise de médicaments, etc.), l’impact de la maladie sur la qualité de vie et les comorbidités s’accompagne d’une gradation des soins, selon les niveaux de gravité de la maladie. Détaillée dans les dernières recommandations de la HAS, publiées en février 2024, la gradation « passe par une évaluation de l’IMC et des retentissements médical et fonctionnel », ajoute le spécialiste. « À terme, les indications chirurgicales ou médicamenteuses prendront en compte l’ensemble de ces paramètres, et non plus seulement l’IMC », anticipe le Pr Czernichow.
Une gradation des soins à trois niveaux
En France, trois piliers permettent un accès aux soins adaptés aux caractéristiques de chaque patient : « le médecin généraliste en première ligne, puis le spécialiste de ville et les 37 centres spécialisés dans l’obésité (CSO) du territoire pour les patients les plus complexes », rappelle le Pr Sébastien Czernichow. Cette organisation devrait occuper une place centrale dans un plan de santé publique autour de l’obésité, attendu au mois de mars.
Quelle que soit l'option de prise en charge, médicamenteuse ou chirurgicale, « la diététique, le soutien psychologique et l’activité physique adaptée constituent un socle commun », insiste le spécialiste. La prise en charge réclame également « d’aborder le sujet du poids avec bienveillance avec le patient plutôt que d’éluder la question », préconise-t-il.
Souvent confrontés à des commentaires désagréables, les patients sont pourtant « en demande d’aide, poursuit le nutritionniste. Ils accueillent favorablement les discussions sur le retentissement de la maladie sur leur quotidien, sur les options thérapeutiques, sur l’accompagnement nutritionnel, et même sur l’orientation vers une structure d’activité physique adaptée. »
Cette approche est d’autant plus nécessaire que la stigmatisation « a un retentissement bien visible sur la santé des personnes », ajoute le spécialiste. Au-delà des effets sur l’image de soi et la santé mentale, les personnes avec une obésité sévère se voient moins proposer des soins de prévention standard. La stigmatisation pèse en particulier sur le dépistage : les femmes concernées ont 20 % de chance en moins d’avoir une mammographie dans l’année et 30 % de chance en moins d’avoir un frottis par rapport à celles qui ont un IMC standard. Ce retard diagnostique conduit à une mortalité accrue dans cette population. De plus, ces patients n’ont pas un accès égal aux consultations avec certains spécialistes, entraînant plus de passages dans les services d’urgences.
La prise en compte du vécu des patients et leur implication dans les actions de santé publique et leur coordination seront discutées lors des États généraux de l’obésité, organisés le 3 mars au ministère de la Santé par les associations de patients, telles que la Ligue nationale contre l’obésité et le Collectif national des associations d’obèses (CNAO).
Une définition enrichie de l’obésité
Dans le Lancet Diabetes & Endocrinology, un panel de 56 experts a proposé en janvier dernier une « refonte majeure » de la définition de l’obésité. L’indice de masse corporelle (IMC) n’apparaît plus suffisant pour établir un diagnostic. Au total, 18 critères sont ajoutés pour opérer une distinction entre obésité pathologique, dite « clinique », et obésité non pathologique ou « non clinique ».
F. Rubino et al., The Lancet Diabetes & Endocrinology, 2025. DOI : 10.1016/S2213-8587(24)00316-4
*membre de l’infrastructure nationale en recherche clinique F-Crin (French Clinical Research Infrastructure Network), créée en 2012
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