L’augmentation de la prévalence des femmes enceintes ayant un diabète de type 2 (DT2) est préoccupante. Une étude récente a montré qu’en 15 ans, la prévalence des grossesses avec un diabète de type 1 (DT1) avait augmenté de 44 % alors que celle des grossesses avec DT2 avait augmenté de 90 % (1). « Avant, on traitait surtout le DT1. Aujourd’hui, la tendance s’est nettement inversée. Dans notre activité, on constate que l’on prend en charge essentiellement des femmes enceintes ayant un DT2 (environ 75 %) », indique la Pr Anne Vambergue (diabétologue, CHRU de Lille).
« Parmi ces femmes, certaines savaient qu’elles ont un DT2 et sont suivies, mais, pour beaucoup, il s’agit d’une découverte : elles viennent en consultation pour un diabète gestationnel, qui est en réalité un DT2 jusqu’à présent méconnu », explique la spécialiste.
Et le diabète gestationnel multiplie par 10 le risque d’avoir un DT2 en post-partum, quelle que soit la durée de suivi (5 ans, 10 ans ou plus).
Mortalité néonatale et fœtale méconnue, supérieure au DT1
Les données de la littérature montrent bien les dangers du diabète prégestationnel de type 2, qui sont encore sous-estimés. Une grande étude a comparé les complications, dans deux groupes, de femmes enceintes avec DT1 ou avec DT2 (2). Il existe un surrisque de prématurité dans le DT2, ainsi qu’un surrisque de macrosomie cependant tous les deux moins importants que dans le DT1 (50 % de macrosomie dans le DT1 vs. 26 % dans le DT2). « En revanche, il existe une tendance plus importante de mortalité néonatale dans le DT2 (1,1 %, vs 0,7 % en cas de DT1) ainsi que de mort in utero (1,3 %, vs 1 % en cas de DT1). Ces données sont très importantes à considérer : il n’y a pas que le DT1 qui est à très haut risque de complications sévères ! » souligne la Pr Vambergue.
Quant aux malformations congénitales, l’étude montre que les malformations cardiaques touchent aussi bien les grossesses avec DT1 qu’avec DT2. Il existe également des malformations digestives et des anomalies chromosomiques avec le DT2.
D’autres données confirment ce surrisque de mort in utero (16,1 pour mille naissances DT1, vs 22,9 ‰ naissances DT2) et montrent que le principal facteur associé à cette mortalité est l’HbA1c préconception (1). Le retard de croissance in utero et la macrosomie augmentent également le risque, ainsi que l’IMC prégestationnel.
Pour une prise en charge précoce, idéalement en préconception
« L’HbA1c supérieure à 6,5 % après 24 semaines d’aménorrhée (SA) multiplie par quatre le risque de mortalité périnatale chez les femmes enceintes diabétiques de type 2 », prévient la Pr Vambergue.
« Quand on arrive à atteindre la cible d’HbA1c inférieure à 6,5 % à 24 semaines, on peut réduire la macrosomie chez les DT2 ; alors que, chez les DT1, cela est plus difficile. Ces données sont encourageantes pour une prise en charge en amont de ces femmes. L’IMC maternel et l’équilibre métabolique sont des facteurs modifiables », souligne-t-elle.
Cependant, cela reste souvent compliqué, car on observe un profil différent des patientes DT2 par rapport à celles ayant un DT1 : elles sont plus âgées, en surpoids et/ou obésité, elles présentent plus de comorbidités (HTA, dyslipidémie), elles ont moins souvent une contraception efficace et leur niveau socioéconomique est généralement plus faible. Moins d’un tiers sont vues en préconception et elles bénéficient de moins de prescription d’acide folique (1/4 seulement en ont).
« Il faut donc une prise en charge précoce, personnalisée, idéalement en préconception afin de réduire les complications. La difficulté est actuellement l’adéquation des moyens dans les services pour faire face à ce nombre croissant de femmes enceintes diabétiques. Dans la conjoncture actuelle, nous manquons de ressources médicales et paramédicales, cela est très frustrant alors que nous savons que la prise en charge doit être immédiate dès le diagnostic de grossesse », indique la Pr Vambergue.
Entretien avec la Pr Anne Vambergue (diabétologue, CHRU de Lille).
(1) Mackin ST et al, Diabetologia 2018
(2) Murphy HR et al. Lancet Diabetes Endocrinol 2021
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