Dès les années 1970, les liens entre obésité et microbiote avaient été mis en évidence sur des modèles de souris axéniques, dépourvues de microbiote, rappelle la Pr Karine Clément. Soumises à un régime riche en graisse, ces souris résistaient à l’obésité. Mais une première révolution est venue quelques années plus tard, lors de transferts de microbiote de souris à souris ou d’humain à souris. Un animal qui reçoit le microbiote d’un congénère obèse développe une obésité, tout comme un animal « germ free » prend du poids si on lui transfère les selles d’un humain obèse.
Des expériences sur ces animaux coprophages mis ensemble ont montré qu’ils partagent le microbiote, et que les souris qui étaient devenues obèses après transfert de selles améliorent leurs profils métaboliques. D’autres travaux ont à l’époque porté sur les bactéries gram négatif qui produisent des lipopolysaccharides et qui ont un impact sur l’inflammation de bas grade. Et l’inflammation transmise via les selles peut entraîner des troubles métaboliques.
Perte de diversité du microbiote
Mais la vraie révolution est venue du développement des outils de séquençage, ce qui a permis d’accéder à un monde jusqu’alors inconnu car non cultivable. Les travaux de recherche ont ainsi pu montrer que l’obésité est associée à une moindre richesse du microbiote, avec toutefois des variations importantes. Cette perte de diversité du microbiote concerne globalement de 20 à 40 % des personnes obèses, mais 75 % de ceux ayant une obésité sévère, avec un basculement de l’écosystème vers des bactéries à fonction pro-inflammatoire.
« Nous en sommes désormais à l’ère de la découverte des métabolites et de leur rôle », poursuit la Pr Clément, citant en exemple l’imidazole propionate, qui est associé à la résistance à l’insuline.
Dans le cadre du projet européen MetaCardis, qui inclut quelque 2 000 personnes aux différents stades de la maladie métabolique, on a pu mettre en évidence une modification du microbiote avec la gravité de la maladie, qui se traduit par une perte de richesse et une augmentation des Bactéroides en cas d’obésité et de diabète de type 2. De façon surprenante, les sujets sous statine auraient un profil de microbiote préservé. Cela a conduit à mettre en place une autre étude, MétaStatine, qui va comparer le microbiote avant et après traitement chez des sujets naïfs de traitement.
Autre piste explorée : le rôle du microbiote dans la résolution du DT2 après chirurgie bariatrique. « L’enjeu est de permettre à terme une prise en charge personnalisée des patients en fonction du profil de leur microbiote », rapporte la Pr Karine Clément.
Pour modifier le microbiote, l’une des premières pistes thérapeutiques est bien sur l’alimentation. Les données sur l’impact de différents aliments s’accumulent, mais de nombreux travaux portent aussi sur les probiotiques de nouvelle génération et sur les post-biotiques, issus des métabolites des bactéries. Les outils sont là, ils restent à définir comment les utiliser dans des maladies aussi complexes que l’obésité ou le diabète.
L’intelligence artificielle, des outils au service des praticiens
Grâce à l’essor de l’intelligence artificielle, des scores de prédiction de résolution du diabète après chirurgie bariatrique ont pu être développés à partir de la combinaison de variables cliniques. C’est par exemple le cas du score Ad-Dia-Rem, déjà utilisé en clinique. Les techniques d’IA permettent de mieux définir les seuils de variables cliniques. Mais d’autres paramètres, issus notamment de l’analyse du microbiote, pourraient à terme être intégrées dans les algorithmes pour affiner encore la prédiction.
« L’intelligence artificielle est un outil qui fait gagner du temps, elle ne remplacera pas les cliniciens, mais ces derniers doivent avoir une réflexion sur la place de ces nouveaux outils dans leur pratique », estime la Pr Karine Clément.
Entretien avec la Pr Karine Clément, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Inserm Paris
(1) Vieira-Silva, S., Falony, G., Belda, E. et al. Statin therapy is associated with lower prevalence of gut microbiota dysbiosis. Nature 581, 310–315 (2020). https://doi.org/10.1038/s41586-020-2269-xhttps://www.nature.com/article…
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