Achilleas Papadimitriou, professionnel de volley-ball installé à Nantes, raconte son premier souvenir, lorsqu’à six ans, il a participé à la récolte dans l’oliveraie familiale dans la campagne d’Amaliáda, à 35 km d’Olympie : « je sens encore l’odeur des olives, du sol humide, l’arôme du miel que je mangeais tous les matins avant d’aller à l’école. » L’ancien sportif a ouvert une épicerie fine avec son ami d’enfance devenu chef, Konstantinos Christodoulou, et les deux complices viennent de publier un livre afin de transmettre les recettes authentiques des familles helléniques (1). « La cuisine grecque a quelque chose de spécial à offrir car elle contient l’histoire et la culture de l’une des plus anciennes traditions culinaires du monde, témoigne le chef. Elle englobe la simplicité et la complexité, la pauvreté et la richesse, les goûts forts et délicats. »
La culture de l’olivier aurait débuté il y a 6 000 ans en Asie Mineure. Les Phéniciens l’introduisirent dans les îles au XVIe siècle avant J.-C., puis entre le XIVe et le XIIe siècle en Grèce continentale. Au VIIIe avant J.-C., Homère parle de l’huile d’olive comme de « l’or liquide » et Hippocrate (-460, -377) la surnomme « grande guérisseuse ». On la retrouve dans les lois de Solon (-640, -558), qui interdit l’exportation des produits agricoles, sauf de l’huile d’olive, dont il promeut ainsi le commerce. Aujourd’hui, trois millions de tonnes sont produites chaque année dans le monde, dont deux dans l’Union Européenne. La Grèce ne compte que pour 13 %, mais fournit davantage d’huile extra-vierge que l’Espagne et l’Italie. On la retrouve dans le plat national, la fasolada, soupe rassasiante aux haricots généreusement arrosée d’huile d’olive.
Aux grés de l’Histoire
Moins connu, l’escargot de Crète, chochli bourbouristi, dégusté avec du vinaigre et du romarin, était particulièrement apprécié pendant le jeûne orthodoxe, puisque l’Église ne le considérait pas comme de la viande. La Crète l’exportait en quantité vers l’Égypte et jusqu’en Extrême-Orient au XIXe siècle.
Les oignons farcis de Lesbos témoignent de la présence ottomane sur l’île, colonisée par les Grecs d’Asie Mineure, tout comme la moussaka, et les trahanas de l’île de Cythère, des pâtes aigres concassées à base de farine, de yaourt, d’œuf et de bouillon, dans lequel elles sont mises à fermenter en prévision de l’hiver. Quant à l’emblématique tzatziki, il dérive vraisemblablement du raita indien, dont la recette aurait voyagé sur les routes commerciales ottomanes.
Sur l’île de Corfu, ce sont les Vénitiens qui depuis le moyen âge, ont laissé en héritage des spécialités sensiblement différentes du reste de la Grèce, comme la pastitsada, un coq aux épices. Et dans les Cyclades à Sifnos, le mastelo désigne à la fois la poterie typique en forme de vase et l’agneau aux sarments de vigne, dans laquelle on le cuit pour pâques.
Les territoires ont aussi façonné les traditions par leur climat. En Arcadie, la terre pauvre et froide au relief montagneux rendait l’élevage difficile. L’apport en viande était rare, et provenait de la chasse paysanne, comme le lièvre à l’ail. En mer Égée, les pêcheurs de Paros dégustaient la raie, un poisson peu apprécié sur les marchés, en salatouri, une salade avec des oignons et du citron.
Des traditions agricoles
Sur l’île de Chios, on recouvre le pied des pistachiers de craie afin d’en récolter une précieuse sève, le mastic. Classé AOP depuis 1997, sa culture est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Il est utilisé comme complément alimentaire, pour parfumer les brioches et pains de pâques, en confiserie et dans une glace, le kaimaki. Les chefs modernes se sont aussi emparés de cette épice au goût unique, boisé, musqué, légèrement piquant. Le mastic a d’autres applications non alimentaires : dans des pommades, sous forme de colophane dans les sutures chirurgicales, en parfumerie et dans certains vernis de luxe.
Autre épice typique, le boukovo doit son nom à un village de Macédoine du nord. C’est un flocon de piment, qu’on déguste dans la traditionnelle soupe à la crème de sésame.
La Grèce est aussi l’autre pays du fromage, avec sa feta mais aussi le graviera de Crète, le xinomizithra, un fromage de petit-lait, le kefalograviera, le manouri et bien d’autres, tous ces fromages bénéficiant d’AOP. Au dessert, c’est le miel qui règne en maître. Des ruches en céramiques ont été retrouvées à Phaistos datant de 3 400 avant J.-C. Hippocrate en recommandait l’alcool tandis que Solon a légiféré sur la distance entre les ruchers afin d’éviter les conflits de voisinage ! Quant à Aristote, il a étudié à l’aide d’une ruche en verre le fonctionnement de l’essaim, qui a alimenté, dans « Histoire des animaux », ses réflexions sur la hiérarchie d’un idéal d’État.
Exergue : « Entre pauvreté et richesse, des goûts forts et délicats »
(1) Achilleas Papadimitriou et Konstantinos Christodoulou, avec Émilie Laraison. Cuisine Grecque. Éd Solar, 192 p., 28 €
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024