Les plans nationaux maladies rares, mis en place depuis 2005, ont permis la création de centres de référence dédiés. Celui consacré aux maladies rares hypophysaires, le CRMR-Hypo, est coordonné par le Pr Thierry Brue à Marseille, depuis 2006. Le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) « Acromégalie », paru en novembre 2021 (1), est le fruit d’un travail collaboratif entre les quatre centres de références de France — le centre coordonnateur de Marseille et les trois centres constitutifs de Lyon, Kremlin-Bicêtre et Angers — et les 29 centres de compétences répartis sur le territoire au sein des CHU français, en lien avec l’association de patients « Acromégales pas seulement ».
Le retard au diagnostic reste le principal problème
Due à une tumeur bénigne de l’hypophyse sécrétant trop d’hormone de croissance, l’acromégalie fait partie des maladies hypophysaires relevant d’une prise en charge dans un centre de référence ou de compétence. L’incidence est d’environ 4/1 000 000 et la prévalence d’environ 60/1 000 000, soit un total d’environ 4 000 à 5 000 Français concernés. Cette maladie est encore trop souvent diagnostiquée tardivement, surtout chez l’adulte, où les changements sont insidieux et trop souvent imputés au vieillissement. Le retard au diagnostic est ainsi estimé entre 5 et 10 ans, et cela ne semble pas s’améliorer depuis des décennies. « Rare chez l’enfant, cette tumeur entraîne une augmentation de sa taille (gigantisme). Plus fréquente chez l’adulte, elle conduit à un élargissement des mains, des pieds, un épaississement des traits et affecte différents organes, d’où un risque accru de diabète, d’hypertension artérielle, de syndrome d’apnées du sommeil, de syndrome du canal carpien, de cancer du côlon (en raison de présence de polypes), etc., avec un retentissement important sur la qualité de vie » rappelle le Pr Thierry Brue, coordonnateur du centre de référence de Marseille. Au vu de ces troubles, les patients adultes sont volontiers pris en charge par différents professionnels de santé (pneumologue, cardiologue, rhumatologue, gastro-entérologue, généraliste, etc.), mais qui ne vont pas forcément faire le lien avec une acromégalie tant cette maladie est rare (chacun d’entre eux verra un ou deux patients concernés dans toute sa carrière).
Des questions simples pourraient pourtant les mettre sur la piste : « chez une personne dont les traits sont massifs et/ou les extrémités larges, il ne faut pas hésiter à lui demander si elle a changé de pointure de chaussure au cours de ces dernières années, si elle a dû faire élargir une bague et si elle a une photo d’elle, datant de quelques années, par exemple une photo du permis de conduire. S’il y a des notions de modifications dans le temps du visage ou des extrémités, alors il faut pousser les investigations : comme le dosage de l’hormone de croissance est peu parlant (sa sécrétion est pulsatile), mieux vaut doser l’IGF-1, plus stable. En cas de dosage anormal, une première évaluation, pour voir s’il y a un diabète ou d’autres retentissements, est aussi utile. Et il faut adresser systématiquement le patient à un centre de référence ou de compétence », insiste le Pr Brue.
Un traitement bien codifié
Le principal frein au traitement de l’acromégalie est le retard au diagnostic mais, une fois celui-ci posé, sa prise en charge est bien standardisée. Passer par un centre de référence ou de compétence permet au patient d’être traité par une équipe de neurochirurgie spécialisée après discussion collégiale en réunion de concertation pluridisciplinaire. « C’est essentiel, car le premier traitement de l’acromégalie est la chirurgie endoscopique (par voie nasale) réalisée par des neurochirurgiens experts, faute de quoi les chances de guérison sont moindres. Lorsque l’adénome est encore petit (moins de 1 cm), les neurochirurgiens arrivent en général à le retirer dans sa globalité et à garder l’hypophyse fonctionnelle. Le patient est alors guéri. Environ la moitié des patients est dans ce cas, indique le Pr Brue. Mais il est fréquent de se trouver face à un macro-adénome (> 1 cm) : à ce stade, la tumeur est souvent assez envahissante et ne peut être retirée dans sa globalité. Un traitement médical complémentaire est alors nécessaire pour bloquer la sécrétion résiduelle de l’hormone de croissance et ainsi limiter les complications de la maladie. Il repose sur des injections mensuelles (IM ou SC profond), parfois sur des injections SC quotidiennes ou, plus rarement, un traitement par voie orale. Initialisé dans un centre de référence ou de compétence, le renouvellement du traitement et le suivi du malade avec la surveillance hormonale et de l’IRM hypophysaire, peuvent se faire par un endocrinologue proche du domicile du malade ».
Entretien avec le Pr Thierry Brue, coordonnateur du centre de référence des maladies rares de l’hypophyse CRMR-Hypo à Marseille (1) bit.ly/PNDSacromegalie
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