Face à la pénurie médicale qui gagne son territoire, le Dr Pascal Dureau, président de la maison de santé de Vénissieux, a décidé d'ouvrir sa porte aux infirmières en pratique avancée (IPA) au sein de son équipe de soins.
C'est la loi de modernisation du système de santé qui a posé le cadre juridique de la pratique avancée pour les auxiliaires médicaux, un exercice qui existe déjà dans de nombreux pays. En France, le choix a été fait de commencer par la profession d’infirmier en déployant cet exercice au sein d'une équipe. En ambulatoire, l'IPA peut ainsi travailler au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin, par exemple en maison ou centre de santé.
Pathologies chroniques stabilisées
Pour le Dr Dureau, il s'agit d'une opportunité pour renforcer l'offre de soins. En 2020, le généraliste a donc accueilli Saloua Benyahia au sein de sa MSP pour un stage validant son diplôme d'État d'IPA, avec une spécialisation « pathologies chroniques stabilisées » (un des domaines d’intervention des IPA définis par décret). Pour cette infirmière libérale expérimentée de 43 ans, installée depuis 2008, cette évolution professionnelle était « un challenge » pour progresser en compétences « tout en restant dans le cadre libéral et en soins ambulatoires, au plus près de la population ».
Sa formation a commencé en 2019 et duré deux ans (niveau Master 2). Pendant ce cursus, elle a effectué notamment deux mois de stage à l'hôpital puis quatre mois dans une maison de santé pluridisciplinaire et la CPTS. « L'IPA est chargée de la prise en charge globale des patients dont le suivi lui a été confié par un médecin, décrit-elle. Elle revient vers le praticien si besoin, en cas de dégradation de l’état de santé d’un patient par exemple. Le fait de se retourner vers lui est un travail en équipe qui me manquait. »
Fluidifier le parcours
Dans ce quartier populaire, la prise en charge des patients diabétiques est un défi de tous les jours pour l'équipe de la MSP. « Ici la proportion de diabétiques de type 2 avoisine les 16 % contre 3 % ou 4 % en France », rappelle le généraliste, qui dirige aussi la CPTS de Vénissieux.
Pour ce stage (non rémunéré), il a confié à la future IPA le suivi de patients diabétiques stabilisés préalablement sélectionnés. Avant de passer à la phase pratique, l'apprentie IPA a pu revoir avec le généraliste les schémas types de l'examen clinique et du suivi. Le binôme a rédigé un protocole d'organisation – modalités de prise en charge du patient, régularité des échanges IPA/médecin, conditions de retour du patient vers le praticien, conduite à tenir en cas d'alerte, rythme des réunions – et un questionnaire pour évaluer l'observance des patients.
L'infirmière peut ainsi réaliser des consultations en autonomie. Interrogatoire, vérification des recours prévus (fonds d'œil, intervention d'un pédicure podologue, consultation cardio, etc.), examen clinique : cette consultation dure environ 45 minutes avec des conseils d'éducation thérapeutique. « Si je détecte un problème, je renvoie le patient vers le médecin. Si tout va bien, je renouvelle l'ordonnance », explique-t-elle. Cette prise en charge est appréciée par le médecin de famille qui voit dans ce duo « une belle complémentarité » au service des patients.
Suivi amélioré
« Tout cela contribue à la qualité des soins, avance le Dr Dureau. Parfois, le médecin ne fait pas parfaitement bien le suivi des diabétiques car il est pris par d'autres urgences ». Avec l'IPA, les patients sont assurés d'avoir « deux consultations médicales et deux consultations de suivi par an, au lieu d'un rendez-vous tous les trois voire six mois », explique-t-il. « L'objectif est aussi de fluidifier le parcours de soins pour que les médecins puissent prendre en charge de nouveaux patients et éviter des hospitalisations inutiles », renchérit l'infirmière.
Une fois diplômée, Saloua Benyahia espère intégrer l'équipe de soins du généraliste. « C'est prévu, confirme-t-il, mais pas au sein de la maison de santé, faute de locaux. Elle sera salariée dans le centre de santé qui va être ouvert à Vénissieux en 2022. »
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024