Polypes festonnés

Ces lésions dangereuses oubliées

Publié le 03/10/2016
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Crédit photo : PHANIE

Le terme festonné recouvre toutes les lésions néoplasiques colorectales qui présentent des glandes festonnées prédominantes, ce qui inclut les polypes hyperplasiques (principalement du rectosigmoïde), les adénomes festonnés traditionnels (qui sont en fait une variété d’adénomes, souvent pédiculés, et plutôt rares, qui ne posent en général pas de problème de détection) et surtout cette catégorie très importante de lésions festonnés sessiles : cette dernière classe, qui est celle qu’il faut retenir, représente 9 % des néoplasies colorectales, soit la seconde immédiatement derrière les adénomes classiques (57 % des néoplasies) en fréquence.

Ces lésions festonnées sessiles ont une apparence très particulière qui explique qu’elles aient été longtemps mal appréciées : aspect plan, légèrement jaunâtre, recouvertes de mucus. Cette apparence est à l’opposé de celle des adénomes classiques, en général pédiculés en forme de cerise, et donc très faciles à identifier. L’utilisation d’un colorant de relief comme l’indigo carmin aide beaucoup à les identifier, voire à les traiter en permettant de mieux en déterminer les limites. Les lésions festonnées sessiles sont très souvent multiples, localisées au niveau du côlon droit, et un peu plus souvent diagnostiquées chez des femmes. Diagnostiquer régulièrement ces nouveaux polypes est sans doute un critère de qualité de l’endoscopie de dépistage, et les études montrent une grande variabilité du « taux de détection de lésions festonnées sessiles » d’un gastro-entérologue à l’autre.

La carcinogenèse « festonnée sessile » est aussi très différente de celle des adénomes classiques, mutation du gène b-RAF pour les premières, du gène APC pour les secondes. Cette biologie particulière permet de suspecter l’origine de certains cancers d’intervalles, présentant une mutation du gène b-RAF, et justement 30 % des cancers d’intervalle (ceux qui sont considérés comme manqués par le dépistage) ont une mutation du gène b-RAF ce qui suggère que le fait de ne pas voir, au cours d’une coloscopie, une lésion festonnée sessile peut conduire au développement d’un cancer et que cette situation est plus fréquente que celle consistant à manquer un adénome classique, proportionnellement.

Un travail collaboratif de la spécialité avec la Haute Autorité de santé a conduit à une forme simplifiée de recommandations en 2014 qui met l’accent sur la nécessité d’un suivi plutôt rapproché en cas de diagnostic de lésion festonnée sessile : un suivi à 5 ans si la lésion fait moins de 10 mm, à 3 ans si elle est supérieure à 10 mm ou si elle présente une dysplasie (rappelons que la dysplasie est un stade très précoce d’évolution vers un cancer, et que tous les adénomes du côlon classiques présentent une dysplasie, par définition, au moins de bas grade).

Il s’agit donc d’une nouvelle forme de polype colorectal qui peut évoluer vers un cancer, comme les adénomes, pas forcément plus vite mais de façon plus sournoise car difficile à détecter. Pour les gastro-entérologues, c’est l’occasion d’améliorer encore notre pratique de détection des néoplasies en s’entraînant à identifier des lésions planes, difficiles, de couleur à peine modifiée par rapport à la muqueuse environnante.

CHU de Lyon

Pr Jean-Christophe Saurin

Source : Bilan Spécialiste