PAR LE Dr ANNE CORTEY*
LA PHOTOTHÉRAPIE (PT) est un traitement de l’ictère non invasif d’action symptomatique. Celle-ci repose sur l’absorption, au niveau de la peau, de l’énergie lumineuse par la bilirubine non conjuguée, alors convertie en photodérivés excrétés (sans conjugaison hépatique) directement dans les urines et les selles. La vitesse de formation des photodérivés est maximale pour le spectre bleu compris entre 430 et 490 nm qui ne comprend pas d’ultraviolet (‹ 400 nm) (1). L’efficacité d’un dispositif de PT dépend de l’irradiance ou énergie lumineuse délivrée au plan de traitement (la peau). L’irradiance est fonction de l’énergie émise, donc du type de lampes (LED, tubes fluorescents, halogène) et du design de l’appareil. Elle dépend aussi de la distance entre la source et la peau : plus cette distance est réduite plus l’irradiance augmente. L’irradiance exprime l’efficacité « théorique » mesurée à l’aide d’un radiomètre en mW/cm2 ou µW/cm2/nm (1, 2, 3). D’autres facteurs interviennent en pratique permettant de définir une « efficacité attendue ». En premier lieu, la surface cutanée exposée à la lumière : plus elle est importante (au mieux 360°), plus la décroissance du taux de bilirubine sera rapide ; cette surface peut être limitée par les conditions d’installation de l’enfant (couches, dispositifs de maintien, pansements, petits poids de naissance, etc.). En second lieu, « l’efficacité théorique » sera modifiée par le mécanisme physiopathologique de l’hyperbilirubinémie (en cas d’hémolyse, le taux de bilirubine plasmatique décroît plus lentement car la production de bilirubine est accélérée et la PT agit sur l’élimination de la bilirubine) et aussi par l’âge postnatal, la couleur de la peau, le taux de bilirubine initial, l’association de surfaces réfléchissantes aux lampes de PT (1, 2, 3). On peut ainsi distinguer les PT « intensives », définies par l’American Academy of Pediatrics (AAP), en 2004, comme dispensant une irradiance dépassant 30 µW/cm2/nm sur la plus grande surface cutanée possible, permettant d’espérer une décroissance du taux de bilirubine de 30-40 % sur 24 heures (sauf hémolyse), des photothérapies « conventionnelles » ou « classiques » dispensant l’énergie lumineuse modérée sur une seule face avec une décroissance attendue du taux de bilirubine de 6 à 20 % sur 24 heures dans les ictères non hémolytiques (4, 5).
Nombre ont été décrits mais ils restent rares (1, 3, 4). En revanche, les troubles de la régulation thermique sont classiques avec les PT à lampes fluorescentes qui dégagent beaucoup de chaleur, imposant une surveillance régulière, voire continue, de la température de l’enfant sous PT. Les malaises graves sous PT (pouvant aller jusqu’au décès) sont régulièrement répertoriés. Il est donc recommandé d’équiper les enfants sous PT d’un monitorage continu d’au moins une fonction vitale. Enfin, peu de données sont disponibles sur les effets à « long terme » de la PT en particulier cutanés ou oculaires, mais un suivi devrait être mis en place.
Prescrire le traitement (1, 5, 6, 7).
Le premier élément d’indication est toujours le dosage plasmatique de bilirubine (et pas une évaluation transcutanée) interprété en fonction de l’âge postnatal en heures. De nombreuses courbes d’indication validées existent. Pour les nouveau-nés de 35 SA et plus, celles de l’AAP 2004 proposent des indications de PT intensive basées sur le dosage de bilirubine totale (sans soustraction de la bilirubine conjuguée) interprété en fonction des facteurs de risque de toxicité de la bilirubine : maladie hémolytique immunologique, déficit en G6PD, asphyxie périnatale, somnolence, instabilité thermique, infection, acidose et hypoalbuminémie. L’AAP précise que la PT conventionnelle doit être mise en œuvre pour une bilirubinémie 30 à 50 µmol/l inférieure à la valeur fixée pour la PT « intensive ». Comme toute thérapeutique, la PT est prescrite en dose, calculée en fonction de « l’efficacité attendue » du dispositif choisi et de l’étiologie évoquée de l’ictère. L’usage continu de la PT intensive (expositions de 3 à 4 heures de suite, juste entrecoupées des tétées) est justifié en cas d’hémolyse (pas de blocage de la production par la PT). Pour les prématurés, les seuils d’indication de PT sont nettement plus bas (plus grande vulnérabilité métabolique des enfants immatures), sans faire l’unanimité. Dernier point, il est nécessaire de vérifier l’efficacité de la PT après 6 à 8 heures ou 12 heures de traitement par un dosage plasmatique de bilirubine. L’usage des bilirubinomètres transcutanés en surveillance de la PT est dangereux car la corrélation entre la bilirubine plasmatique et l’évaluation transcutanée est profondément perturbée pendant 24 heures par les interactions lumière-peau. L’interruption du traitement peut être décidée quand le dosage plasmatique de bilirubine passe en dessous de la valeur d’indication de la PT. Néanmoins, des rebonds d’hyperbilirubinémie sont fréquents pour les ictères hémolytiques et chez les prématurés. Tout ictère doit être mentionné dans le carnet de santé en précisant le traitement institué et l’étiologie. Le pédiatre devra informer les parents et organiser le suivi évolutif en fonction du diagnostic étiologique de l’ictère et du réseau d’aval disponible (1, 5, 6, 8).
* Pédiatre responsable de l’UF clinique du centre national de référence en hémobiologie périnatale, CNRHP, hôpital Saint-Antoine, Paris.
(1) Maisels MJ, McDonagh AF. N Engl J Med, 2008;358(9):920-8.
(2) Maisels MJ. J Perinatol 2001;21:Suppl 1:S93-7.
(3) Tan KL. Pediatr Res 1982;16:670-4.
(4) Vreman HJ, et coll. Semin Perinatol 2004;28: 326-33.
(5) American Academy of Pediatrics Subcommittee on Hyperbilirubinemia: Management of hyperbilirubinemia in the newborn infant 35 or more weeks of gestation. Pediatrics 2004;114:297-316.
(6) Rennie J, et coll. Guideline development group, Neonatal jaundice : summary of NICE guidance. BMJ. 2010;340:c2409. www.nice.org.uk/guidance/CG98.
(7) Kaplan M, et coll. Arch Dis Child 2006;91:31-4.
(8) Maisels MJ, Kring EA. Pediatrics 1998;101:995-8.
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