En étudiant le microbiome de femmes présentant une stéatose hépatique, une étude menée par des équipes britannique, espagnole, italienne et française (INSERM) a mis en évidence des signatures moléculaires spécifiques et un potentiel biomarqueur du stade précoce de la NASH (Non-alcoholic steatohepatitis). Les résultats sont publiés dans « Nature Medicine ».
La stéatose hépatique se caractérise par une accumulation de triglycérides dans le foie. Elle correspond au stade préclinique de la NASH et peut souvent passer inaperçue. « Il ne s'agit pas d'une pathologie en tant que telle mais d’un facteur de risque », précise au « Quotidien » Marc-Emmanuel Dumas, auteur senior de l'étude.
Une diversité microbienne réduite
La stéatose hépatique est souvent retrouvée chez des patients obèses. Ainsi, 105 femmes obèses non diabétiques ont été incluses dans l'étude. Une caractérisation clinique des patientes, avec notamment des bilans sanguins approfondis, a été réalisée, suivie d'une analyse de leur métabolome à partir d'échantillons d'urine et de plasma, de leur transcriptome à partir de biopsies hépatiques et de leur microbiome à partir des fèces.
« Grâce au séquençage à haut débit, nous avons généré un grand nombre de données permettant de reconstruire plus de 10 millions de gènes bactériens et mis en évidence différentes signatures moléculaires, ce qui nous a permis de classer le degré de stéatose hépatique chez les patientes en fonction de leur microbiome », indique Marc-Emmanuel Dumas. Chez les femmes présentant une stéatose hépatique, la diversité des gènes microbiens est moindre. « Cela suggère une réduction de la diversité microbienne chez les personnes au stade préclinique de la maladie », souligne le chercheur. De plus, des modifications métaboliques des acides aminés branchés et de la phénylalanine ainsi qu'une augmentation des signaux pro-inflammatoires dans le foie ont été observées.
L'acide phénylacétique potentialise l'accumulation de triglycérides
Un des composés microbiens, l'acide phénylacétique, a été l'objet d'une attention particulière et a testé chez des hépatocytes humains en culture cellulaire. « Il semblerait que ce composé potentialise l'accumulation de triglycérides dans le foie. Nous avons ainsi trouvé un marqueur qui semble jouer un rôle synergique dans la stéatose hépatique », note le chercheur. Il ajoute : « Des méthodes de détection plus ciblées sur ce marqueur pourraient être ainsi développées. »
Les chercheurs ont par ailleurs transféré chez des souris le microbiote fécal de donneurs humains présentant une stéatose hépatique. Le taux de triglycérides a alors augmenté dans le foie de ces souris. « Nous avons montré qu'il était possible de transmettre le phénotype de la stéatose via le microbiote. Des perspectives thérapeutiques sont donc envisageables : le transfert de microbiote fécal sain pourrait en effet réduire la stéatose », résume Marc-Emmanuel Dumas.
« Cet article ouvre la voie à de nouveaux travaux qui permettront notamment de mieux comprendre la réduction de la diversité bactérienne, la manière de manipuler la stéatose hépatique grâce aux transplantations de microbiote fécal et la façon dont les métabolites modifient la physiologie, voire la pathologie », conclut Marc-Emmanuel Dumas.
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