Hémorroïdes : quelle part pour le mini-invasif ?

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Publié le 29/09/2023
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Le traitement mini-invasif de la maladie hémorroïdaire progresse en France, sans pour autant remplacer certaines indications de l’hémorroïdectomie conventionnelle. Mais les deux ne s’opposent pas et il existerait une troisième voie, celle d’une chirurgie à la carte, associant l’hémorroïdectomie conventionnelle à la ligature artérielle sous Doppler, l’ablation par radiofréquence ou l’hémorroïdoplastie laser.
Les essais contrôlés restent très rares

Les essais contrôlés restent très rares
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Près de 40 % de la population souffrira un jour d’une pathologie hémorroïdaire. Le recours à la chirurgie reste rare : seul un patient sur dix ayant consulté sera finalement opéré. La prise en charge en première intention est médicale, avec la régulation du transit et, selon la manifestation, des traitements instrumentaux (photocoagulation infrarouge, ligature élastique) ou la chirurgie dans le cadre de la pathologie hémorroïdaire interne (rectorragies, prolapsus) et externe, où elle constitue le seul traitement préventif. « La chirurgie est envisagée dans la pathologie hémorroïdaire interne en échec du traitement instrumental, et d’emblée si elle est de grade 4, en cas d’anémie en rapport avec des rectorragies hémorroïdaires, ainsi qu’en présence de manifestations externes récidivantes très invalidantes », résume la Dr Agnès Senéjoux, proctologue au centre hospitalier privé Saint-Grégoire, Rennes.

Alléger les suites

La chirurgie conventionnelle d’exérèse (hémorroïdectomie classique le plus souvent ouverte : intervention de Milligan & Morgan) reste la plus efficace, avec peu de récidives. Elle demeure le mètre étalon dans certaines indications, comme la pathologie hémorroïdaire externe, les prolapsus hémorroïdaires de grade 4 et l’anémie hémorroïdaire, indications où l’abord mini-invasif n’a pas sa place. Cependant, elle entraîne les suites les plus lourdes, avec des douleurs postopératoires liées aux plaies ouvertes, une durée de cicatrisation de 1 à 1,5 mois, trois semaines d’arrêts de travail en moyenne et des complications possibles (hémorragie postopératoire – à l’instar de toutes les techniques – mais aussi incontinence).

« C’est pourquoi des chirurgies mini-invasives ont été développées depuis une vingtaine d’années, explique la Dr Senéjoux. Après l’hémorroïdopexie par agrafage circulaire, ou technique de Longo, actuellement moins utilisée du fait de complications parfois très sévères, à ce jour trois techniques sont réalisées en routine : les ligatures artérielles sous guidage Doppler, la thermocoagulation hémorroïdaire par radiofréquence et l’hémorroïdoplastie laser. » Des interventions peu ou pas douloureuses, des suites habituellement simples, un arrêt de travail de trois à sept jours, une continence préservée… les arguments de la chirurgie mini-invasive sont convaincants, mais à mettre en balance avec une efficacité inférieure à l’hémorroïdectomie, du fait d’un taux de récidive estimé de 20 à 25 % (12).

Un choix à la carte

Toutes les pathologies hémorroïdaires ne peuvent être traitées au moyen des techniques mini-invasives. Leurs indications sont la maladie hémorroïdaire interne (hors grade 4), l’échec du traitement instrumental, les contre-indications à l’hémorroïdectomie classique (continence problématique, Mici, etc.) et lorsque le patient ne souhaite pas une chirurgie conventionnelle.

« En fonction de l’âge du patient et de sa pathologie hémorroïdaire, il est aussi possible de mixer les techniques au sein d’une même intervention, pour des suites opératoires plus simples avec une efficacité correcte, indique la Dr Senéjoux. Si je devais formuler un souhait, ce serait une meilleure évaluation de ces techniques mini-invasives, sur le mode randomisé et versus les techniques de référence (chirurgie conventionnelle Milligan & Morgan, traitement instrumental), avec un recul au-delà de douze mois, car nous opérons des patients jeunes. »

Les essais contrôlés sont en effet très rares. Une étude multicentrique ouverte française sur l’ablation par radiofréquence est parue en 2023, sur 129 malades de grades 2-3 recrutés dans 16 centres (3). Le score de retentissement sur la qualité de vie (Hemo-FISS-QoL) a baissé, trois mois post-chirurgie, de 17,4 à 0. Le taux de patients rapportant des saignements (84 % vs 21), un prolapsus (91,3 % vs 34) et une gêne anale (5/10 contre 0/10) a diminué de manière significative.

Parue cette année également, une méta-analyse de six études non randomisées sur la thermocoagulation par radiofréquence (4) concluait sur la nécessité de mener des essais contrôlés pour définir sa place exacte (taux global de complications de 17,6 % ; taux de récidive de 4,8 %).

Parmi les quelques études randomisées, une étude monocentrique (121 patients de grades 2-3) comparait l’hémorroïdoplastie au laser à l’hémorroïdectomie conventionnelle et à la ligature Doppler avec mucopexie (5). Il n’y a eu aucune récidive à un an dans le groupe Milligan & Morgan, 10 % dans le groupe laser et 22 % dans le groupe ligature Doppler avec mucopexie avec, comme attendu, plus de douleurs en cas de chirurgie conventionnelle et des arrêts de travail plus longs (4 vs 2 semaines).

(1) Ferrandis C et al. Tech Coloproctol. 2020 Feb;24(2):165-71

(2) Faes S et al. Colorectal Dis. 2019 Jun;21(6):689-96

(3) Laurain A et al. Tech Coloproctol. 2023 Oct;27(10):873-83

(4) Christodoulou P et al. Tech Coloproctol. 2023 Feb;27(2):103-15

(5) Poskus T et al. Int J Colorectal Dis. 2020 Mar;35(3):481-90

 

Source : Le Quotidien du médecin