LORSQUE des parents consultent pour des douleurs abdominales chroniques chez leur enfant, le praticien consulté doit toujours se préoccuper de ces douleurs, sans toutefois faire de ces douleurs " un problème médical ". En effet, comme l’explique le Dr Olivier Mouterde du CHU de Rouen, la question doit plutôt être « pourquoi s’inquiètent-ils de douleurs rares et non invalidantes ? », plutôt que « quel diagnostic ? ». Pour certains spécialistes, la physiopathologie fait appel à une hypersensibilité viscérale, alors que d’autres disent qu’il s’agit d’une plus grande tendance à rapporter les troubles. La consultation serait plus le reflet d’une inquiétude des parents, que justifiée par l’intensité ou la fréquence de la douleur. Dans bon nombre de cas, prendre en compte le symptôme et l’arrière-plan qui l’a fait signaler suffit à rassurer.
Dans le même temps, la recherche de signes d’alerte orientant vers une origine organique est indispensable. Plusieurs dizaines de diagnostics sont possibles, plus ou moins rares et plus ou moins graves, allant du saturnisme à la pancréatite, de la gastrite à Helicobacter à la lithiase vésiculaire, de la lithiase urinaire à un problème ovarien. Une douleur s’accompagnant d’un retentissement sur la croissance, réveillant le patient la nuit et excentrée est suspecte, surtout si elle est récente (Aïe : Amaigrissement, Insomnie, Excentrée).
Interrogatoire long.
Devant une douleur abdominale, l’interrogatoire est long, recherchant tous les caractères de la douleur (siège, intensité, irradiations, facteurs aggravant ou soulageant la douleur, rythme dans la journée la semaine ou le mois, lien avec les selles ou le repas, éventuellement avec les règles), les signes d’accompagnement (fièvre, aphtes, hémorragies digestives, arthralgies, troubles du transit, anorexie, vomissements, céphalées). L’examen clinique doit être complet, intégrant la courbe de croissance et l’examen du périnée.
En l’absence d’orientation précise, un « bilan de débrouillage » est proposé afin de confirmer, ou non, le caractère probablement fonctionnel, de donner des pistes diagnostiques et d’arrêter un « nomadisme médical » de parents inquiets. Non standardisé, et aucunement systématique devant un tableau de douleurs fonctionnelles typiques, cette prescription peut comporter une numération, un bilan inflammatoire, une lipase, un fer sérique, un bilan hépatique et éventuellement une bandelette urinaire, une recherche de sang dans les selles ainsi qu’une échographie abdominale.
Allure fonctionnelle.
Les douleurs d’allure fonctionnelle sont typiquement celles d’un enfant de 5 à 13 ans présentant des douleurs chroniques souvent anciennes, péri-ombilicales, diurnes et isolées. Elles peuvent être rythmées par l’alimentation, les selles, le stress et s’accompagner de gaz fréquents. Un point important est à noter précise le Dr Mouterde, « le retentissement sur la scolarité ou la vie quotidienne n’est absolument pas en lien avec le caractère fonctionnel ou organique de la douleur : pour des douleurs identiques, un enfant ratera l’école 4 fois par mois alors qu’un autre n’en parlera même pas à ses parents. Tout dépend en fait de l’inquiétude de l’entourage ». Les critères de Rome tentent de classifier ces douleurs abdominales chroniques fonctionnelles en plusieurs catégories : dyspepsie fonctionnelle, colon irritable, douleurs abdominales fonctionnelles.
En2005, l’Académie américaine de pédiatrie a publié des résultats montrant qu’une seule étude avait prouvé l’efficacité d’un seul médicament : la menthe poivrée en gélule gastroprotégée (non disponible en France). En revanche la prise en charge psychosociale du trouble est décisive. En pratique la consultation a parfois un effet spectaculaire, en faisant disparaître le trouble de façon rapide et des études ont montré que la chance de guérison était multipliée d’un facteur 47 lorsque les parents étaient convaincus. La migraine abdominale (épisodes de douleurs abdominales, avec intervalles libres, accompagnées de céphalées et antécédent familial de migraine) reste de mécanisme obscur mais peut évoluer favorablement sous traitement anti-migraineux. La constipation peut être traitée. Quant à l’intolérance physiologique au lactose, elle est possible au-delà de 5 ans. Le médecin devra néanmoins rester prudent et revoir l’enfant si la symptomatologie se modifie. Enfin, si le pronostic des douleurs fonctionnelles reste bénin, 40 % des patients auront des douleurs persistantes à l’âge adulte.
Propos recueillis auprès du Dr Olivier Mouterde (CHU de Rouen).
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