Une explication à la stéatose hépatique

Une horloge biologique dans le foie

Publié le 14/03/2011
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Crédit photo : AFP

ON SAIT QUE le foie est producteur de lipides, qu’il les stocke et modère leur distribution, pour qu’ils soient présents en quantités modérées et suffisantes pour le bon fonctionnement de l’organisme. Si le processus vient à se dérouler d’une façon erronée, un stockage de graisses en excès dans le foie peut endommager gravement cet organe.

Actuellement, la stéatose hépatique est une cause majeure d’insuffisance hépatique dans les pays industrialisés. La stéatose est souvent causée par l’obésité. À l’inverse, l’augmentation de la prévalence de l’obésité a apporté avec elle une épidémie de souffrances hépatiques.

Obésité et diabète.

Des études récentes ont montré que la rupture des rythmes circadiens est susceptible d’exacerber l’apparition des cas de maladie métabolique, y compris d’obésité et de diabète. Les ruptures de rythme circadien dues au travail posté affectent plus de 20 % des travailleurs dans les pays industrialisés. Il en résulte un risque quasiment multiplié par deux de développement de syndrome métabolique.

Dan Feng, Mitchelle Lazar et coll. (Pennsylvania School of Medicine, États-Unis), publient dans « Science » l’identification, chez la souris, d’une enzyme nommée histone déacétylase 3 (ou HDAC3), dont la présence est liée aux rythmes circadiens du foie de cet animal.

Dan Feng et coll. trouvent que HDAC3 se lie à plus de 14 000 gènes situés sur l’ensemble du génome des souris pendant la journée lorsque l’animal est inactif, mais à seulement une centaine de gènes pendant la nuit, alors que les souris sont actives et en train de se nourrir. La souris est un animal nocturne, elle dort le jour et bouge la nuit ; on peut vraisemblablement inverser ces observations pour les transposer chez les humains.

Selon ces chercheurs, les gènes dont les produits interviennent dans le métabolisme du foie se lient fréquemment à HDAC3. Par ailleurs, la présence de HDAC3 est associée à la désacétylation des histones.

« Les histones sont des protéines trouvées dans le noyau, qui mettent en paquet et ordonnent l’ADN en unités structurelles. Des changements dans ces structures épigénétiques altèrent la façon dont l’ADN se replie dans les chromosomes et rend les gènes plus ou moins accessibles aux protéines régulatrices et aux enzymes qui copient les gènes en messages ARN. » Les histones jouent donc un rôle dans la transcription, intervenant directement dans l’expression génétique.

Les auteurs décrivent comment l’enzyme HDAC3 fait un travail de construction sur l’épigénome qui entoure le génome, pour tempérer l’activité des gènes liés aux graisses. Ainsi qu’un ensemble de molécules qui, chez la souris normale, migrent vers le génome des cellules hépatiques pendant la journée. HDAC3 fait partie de cet ensemble, avec aussi un récepteur nucléaire nommé Rev-erb, qui s’exprime en suivant un rythme circadien et lie HDAC3.

L’intervention de Rev-erb.

Pendant la période d’activité, les molécules quittent le génome hépatique et la production de graisse s’accroît, puis arrive la période de repos, et l’intervention de Rev-erb interrompt le cycle. Si Rev-erb ou HDAC3 ne peuvent s’exprimer à leur rythme, les cycles n’ont pas lieu et le foie se remplit de graisses.

Le rôle de l’horloge circadienne dans le maintien de l’équilibre métabolique est confirmé par les observations chez les souris porteuses de mutations sur ces composantes de l’horloge biologique hépatique, avec apparition d’obésité, d’insulinorésistance et de stéatose hépatique.

« Ce travail montre que l’épigénome, qui est essentiel pour la régulation de l’expression des gènes, est chaque jour le siège d’un remodelage. Ceci conduit à un rythme circadien du métabolisme qui rend compte du fait qu’une rupture de ce rythme conduit à un foie graisseux et peut faire comprendre, tout au moins en partie, pourquoi des rythmes circadiens altérés chez les travailleurs postés sont associés à des troubles métaboliques », explique Lazar.

L’équipe cherche maintenant à savoir si des troubles portant sur les mêmes molécules peuvent rendre compte d’anomalies du stockage et de la production des graisses telles qu’on peut les rencontrer en médecine générale, dans le syndrome métabolique, l’insulinorésistance et le diabète.

Science, vol. 331, 11 mars 2011, p. 1315 et commentaire p. 1275.

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8922