Par le Pr Francis Michot, le Dr Guillaume Gourcerol, le Pr Jean-Jacques Tuech * et le Pr Jean-Luc Faucheron **
DEVANT UNE constipation, quatre types d’examens complémentaires sont utilisés de façon à préciser l’éventuelle indication opératoire et/ou orienter le choix de la technique chirurgicale.
1- Le temps de transit colique des marqueurs radio-opaques (TTM) évalue simplement la constipation. Dans les constipations de transit, les marqueurs stagnent dans le côlon et dans les constipations distales, la stase se localise dans le recto-sigmoïde. Ces deux types de constipations peuvent coexister. Le temps de transit global normal est en moyenne de 67 h. Un TTM allongé (› 120 heures) est évocateur d’une inertie colique.
2- La manométrie ano-rectale, par l’enregistrement des pressions et l’évaluation des sensibilité, volume et compliance du rectum, ainsi que de la relaxation réflexe du sphincter anal interne (RRAI), identifie des anomalies responsables des troubles de l’évacuation : maladie de Hirschsprung en cas d’absence de RRAI, mégarectum devant une augmentation de la compliance rectale.
3- La défécographie et la déféco-IRM identifient des troubles de la statique pouvant contrarier l’évacuation rectale.
4- La manométrie colique des 24 heures affirme le diagnostic d’inertie colique devant l’absence de contractions coliques, et de toute contraction propagée de grande amplitude sur l’ensemble du nycthémère.
Chirurgie du mégarectum.
Devant un mégarectum, l’indication opératoire est légitime lorsqu’existent des symptômes altérant la qualité de vie, après échec des traitements médicaux bien conduits. Il existe dans la littérature 27 publications sans étude comparative. Le but du traitement chirurgical est de diminuer le volume maximum tolérable et d’améliorer la compliance rectale en augmentant la perception de la distension du rectum.
1) Colostomie : vingt cas publiés avec 65 % de résultats satisfaisant set un taux de complications de 17 %.
2) Résection antérieure du rectum avec anastomose colorectale : huit cas publiés avec un taux de succès de 75 %, mais 50 % de complications (une sténose anastomotique, deux occlusions du grêle et un abcès).
3) Proctectomie totale avec anastomose colo-anale : 31 cas publiés avec un taux de succès de 71 %, une mortalité de 6 % (abcès, fistule recto-vaginale).
4) Intervention de Duhamel : 107 cas avec un taux de succès de 87 %, une mortalité de 3 %, une morbidité de 30 %.
5) En 2000, a été publiée une nouvelle technique chirurgicale : la rectoplastie verticale de réduction qui associe une résection du côlon gauche et du côlon sigmoïde, une réduction du rectum de 50 % par résection verticale de son hémicirconférence antérieure et une anastomose colo-rectale. Les résultats fonctionnels sont bons dans 70 % des cas : mortalité nulle, morbidité faible, augmentation significative du nombre de selles par semaine, sensation de besoin retrouvée chez tous les patients.
Chirurgie de l’inertie colique.
Une inertie colique doit être primitive pour être chirurgicale. Son caractère primitif est confirmé par la normalité de la motricité du tube digestif par son étude manométrique : manométrie œsophagienne, vidange gastrique, manométrie du grêle, manométrie ano-rectale. Ce bilan élimine une pseudo-obstruction intestinale chronique (maladie de la motricité de l’intestin grêle), contre-indication à la colectomie totale en raison de la fréquence des occlusions intestinales postopératoires.
La chirurgie concerne peu de patients : sur 126 manométries coliques réalisées au CHU de Rouen entre 2000 et 2010, une absence d’HAPC (contractions propagées de grande amplitude) spontanées était notée chez douze patients (9,5 %) et seulement chez huit patients (6,3 %) après bisacodyl.
La neuromodulation sacrée serait un traitement mini-invasif sans effet secondaire et permettant d’éviter les inconvénients de la colectomie. Son efficacité n’est pas actuellement démontrée et elle n’est pas validée dans cette indication. La colectomie totale avec anastomose iléo-rectale, réalisée par laparotomie ou laparoscopie, reste l’intervention de choix. La colectomie subtotale ménageant la charnière recto-sigmoïdienne et le sigmoïde distal avec anastomose iléo-colique donne de moins bons résultats fonctionnels et expose à un risque de récidive.
Une revue de la littérature en 1999 avait rapporté les résultats de 41 études regroupant 1 026 patients : morbidité moyenne de 18 %, complications secondaires et tardives dominées par des douleurs abdominales (41 %), des occlusions intestinales (18 %), des diarrhées (14 %), des incontinences anales (18 %), taux global de bons résultats de 86 %, iléostomie secondaire dans 5 % des cas pour mauvais résultats fonctionnels. Ces résultats doivent être interprétés avec prudence car un bilan préopératoire incomplet et une pseudo-obstruction intestinale chronique méconnue peuvent expliquer la fréquence des douleurs abdominales et des occlusions postopératoires.
Deux autres techniques ont été publiées :
- la conservation du sigmoïde distal avec anastomose iléo-colique exposant au risque de récidive de la constipation ;
- la conservation du cæcum avec anastomose cæco-rectale exposant au risque de distension cæcale postopératoire.
Il existe des formes plus rares d’inertie colique segmentaire, caractérisées par des anomalies motrices localisées, respectant une partie du côlon à motricité normale. Leur diagnostic précis ne peut être fait que par manométrie colique des 24 heures. Le tracé montre les limites précises des troubles de la motricité du colique guidant la colectomie segmentaire. Ces formes intéressent, dans notre expérience, le côlon gauche. Une colectomie gauche avec anastomose colo-rectale peut être réalisée ; les résultats ont été bons chez les six patients que nous avons traités selon ces modalités.
Alternative mini-invasive : opération de Malone et neuromodulation des racines sacrées.
À côté de la colectomie totale, ont été envisagées des solutions moins agressives et réversibles :
1- L’opération de Malone permet de réaliser un lavement antérograde à partir du cæcum, par l’intermédiaire d’un tube continent appendiculaire, iléal ou cæcal. Dans une série de 32 patients consécutifs avec un suivi médian de 36 mois, 28 (88 %) ont eu au moins une révision chirurgicale du montage dont dix-neuf une suppression du Malone et 15 (47 %) ont eu un bon résultat sur la constipation.
2- La neuromodulation des racines sacrées, par une électrode implantée dans le 3e ou 4e trou sacré, stimule les racines nerveuses par un courant électrique à basse fréquence en continu délivré par un stimulateur dont la durée de vie est d’environ 8 ans.
Une étude prospective multicentrique européenne récente a précisé les résultats de cette technique dans la constipation chronique : 62 patients ont eu un test de stimulation externe, positif chez 45 d’entre eux (73 %) qui ont bénéficié d’une implantation d’un stimulateur. La constipation a été améliorée chez 39 patients (87 %) : augmentation du nombre de selles par semaine (2,3 versus 6,6) au suivi médian de 28 mois ; la qualité de vie a été significativement améliorée. Ces résultats semblent prometteurs.
* CHU de Rouen.
** CHU de Grenoble.
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