Épidémiologie, génomique mais aussi actions locales

Comment Unicancer investit la prévention

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Publié le 20/11/2020
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Les centres de lutte contre le cancer souhaitent s'impliquer dans les actions de prévention auprès de la population.
42 % des cancers sont évitables

42 % des cancers sont évitables
Crédit photo : Phanie

À l'heure où l'Institut national du cancer (INCa) élabore depuis l'été la future stratégie décennale, Unicancer met également la prévention à l'honneur dans la première table ronde de sa dernière Convention nationale des centres de lutte contre le cancer (CLCC) 100 % digital les 2 et 3 novembre.

Outre l'épidémiologie et la génomique qui ne cessent de faire avancer les connaissances sur les cancers, Unicancer réfléchit aujourd'hui à comment s'impliquer auprès des acteurs locaux de prévention. Cela pourrait passer notamment par la mise à disposition d'un référentiel sur les actions efficaces.

Unicancer a d'ores et déjà investi la prévention. Une étude épidémiologique du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en collaboration avec Unicancer a mis en évidence qu'en France, 42 % des cancers sont évitables. « Si les deux facteurs de risque principaux sont le tabac et l'alcool, notre travail a aussi révélé que 17 % des cancers sont liés à la nutrition, tous facteurs confondus, alimentation, obésité et activité physique, rapporte Isabelle Soerjomataram du CIRC et co-autrice de l'étude. C'est presque autant que le tabagisme ! ».

Quant à l'oncogénétique, dont la première consultation en France date de 1987, elle a permis de faire évoluer la prise en charge. « La prévention s'adresse aux femmes qui ont un gène de prédisposition », rappelle la Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, généticienne à l'Institut Curie en ajoutant que « cela permet de rassurer les apparentés non porteurs ». La recherche s'intéresse aujourd'hui aux facteurs modificateurs du risque génétique. « Le gène BRCA1 est associé à un risque cumulé de cancer du sein estimé à 70 % à l'âge de 80 ans, développe la généticienne. Certaines femmes font un cancer à l'âge de 30 ans et plus rien après, d'autres ne font un cancer que bien plus tard ». Le risque tumoral dépend ainsi de la combinaison de plusieurs facteurs de susceptibilité, certains pouvant l'augmenter ou le diminuer. « Des études nationales comme Gemo ou Genepso visent à les décrire afin d'aller vers une personnalisation de la prise en charge et de la prévention », indique la Pr Stoppa-Lyonnet.

Fédérer les acteurs locaux

Unicancer veut s'impliquer davantage. « Unicancer peut avoir un rôle important pour fédérer les acteurs locaux : les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), l'Éducation nationale, les Agences régionales de santé (ARS), les mairies, les centres de dépistage départementaux, mais aussi les associations telles que la Ligue », explique le Pr Marc Ychou, directeur général de l'Institut du cancer de Montpellier, dont le centre a porté Epidaure, un programme pionnier hors les murs pour la promotion de l'activité physique auprès des 8-12 ans.  « Les actions doivent être évaluées, poursuit-il. L'efficacité de l'action "vivre et bouger" s'est traduite par une augmentation des écoliers faisant du sport, de 30 % en faisant au moins une heure/jour à 80 % après. C'est un résultat tangible ».

Autre exemple à Bordeaux, où l'équipe de la Pr Simone Mathoulin-Pelissier, épidémiologiste à l'Insitut Bergonié a structuré le département Prisme autour d'une cinquantaine d'intervenants (oncogénéticien, oncologues, diététiciens, assistantes sociales, psycholgues, médecins du travail, etc.). Leur originalité d'action tient à l'acquisition d'un bus pour être au plus près des populations dans les zones de précarité grâce au soutien de l'ARS.

Un registre des « actions qui marchent »

Ainsi, comme l'explique le Pr François Eisinger, de l'Institut Paoli-Calmettes à Marseille et membre du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) : « Toute la difficulté pour implémenter la prévention en cancérologie, c'est d'articuler les interactions dans un paysage où les acteurs sont nombreux. De plus, les modèles ne sont pas forcément duplicables partout. La valeur ajoutée d'Unicancer pourrait être d'arriver à un accord collectif et d'assurer le transfert des connaissances, notamment via un registre des actions efficaces et celles inefficaces ».

La pandémie de Covid relancera-t-elle la prévention ? Les avis sont mitigés. « La crise sanitaire a entraîné une perte de confiance de la population dans les experts et une montée de la défiance vers les autorités de santé, déplore le Pr Eisinger. Les médecins traitants et les chercheurs gardent du crédit, il faut maintenir cela ». Le Pr Ychou espère que le message sur l'importance de la prévention va passer auprès des décideurs et des politiques. « La prévention ne coûte pas si chère, comparée au fonctionnement de services de réanimation », rappelle-t-il.

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin