La Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP) a fait part de sa surprise face à l'absence du dépistage préconceptionnel (DPC) dans le projet de loi bioéthique qui sera présenté le 26 juillet en conseil des ministres. C'est même « un coup de gueule » qu'a voulu pousser le Pr Jean-Louis Mandel (professeur honoraire au Collège de France, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire) lors du 5e congrès de la société savante, ces 27 et 28 juin. « Le comité consultatif national d'éthique, le jury citoyen, les sociétés savantes, se sont prononcés pour : A quoi cela sert-il de les consulter, si c'est pour ne pas tenir compte de leur avis dans la loi ? », s'est-il interrogé.
Selon la SFMPP, 2 % des couples seraient concernés par le risque d'affection génétique récessive autosomique (soit un couple formé de deux parents porteurs sains, avec un risque de 1 sur 4 d'avoir un enfant malade) ou liée au chromosome X (soit un couple où la femme est porteuse saine). Le séquençage à haut débit pangénomique permettrait techniquement de dépister les couples à risque pour l'ensemble des maladies génétiques récessives. Et si besoin, de proposer des stratégies de prévention, ou, pour les maladies particulièrement graves sans possibilités de traitements et/ou de prévention, un diagnostic prénatal (DPN) ou préimplantatoire (DPI). « Il ne s'agit pas de conseiller aux couples de se séparer. On peut faire des choses, ne serait-ce que se préparer à l'arrivée d'un enfant malade et à une prise en charge précoce », considère Jean-Louis Mandel.
Indications limitées aux couples à risque en France
Le dépistage préconceptionnel est pratiqué depuis les années 1970 dans plusieurs pays. Israël, le Canada et les États-Unis proposent systématiquement le dépistage de maladies génétiques de transmission récessive autosomique, comme la maladie de Tay-Sachs, tandis que Chypre et la Sardaigne détectent la béta-thalassémie. Le Collège américain de gynécologie obstétrique préconise dans ses recommandations de 2017 la prescription de tests préconceptionnels en population générale pour la mucoviscidose, l'amyotrophie spinale infantile, la drépanocytose ou la thalassémie.
En France, le DPC n'est proposé qu'aux parents à risque : ceux qui ont déjà un enfant atteint d'une maladie génétique récessive, ou pour qui l'on a connaissance d'un apparenté à risque. Or « dans 90 % des cas pour la mucoviscidose ou l'amyotrophie spinale, il n'existe pas d'antécédent familial », souligne la SFMPP, qui considère en outre que le risque d'avoir un enfant atteint d'une maladie récessive serait de 0,5 % à chaque grossesse.
Évaluer, avant d'étendre
Selon la SFMPP l'autorisation du DPC en population générale serait éthique car respectueuse de l'autonomie des personnes, mais aussi du principe de bienfaisance et de justice. « Il n'est pas moins respectueux des droits de l'enfant que le DPI ou le DPN », considère le philosophe Bernard Baertschi, membre du comité d'éthique de l'Inserm. Quant à ceux qui craignent un accueil encore plus hostile du handicap par une société qui y serait moins confrontée, la SFMPP fait remarquer que le DPC ne pourrait prévenir les variations de novo. Et que son extension ne doit pas signifier la fin de la recherche sur les stratégies thérapeutiques.
Elle suggère donc que dans les 7 ans avant la future révision des lois de bioéthique, des programmes d'évaluation du dépistage préconceptionnel soient conduits en France, avec évaluation des dimensions psychologiques et médico-économique.
Satisfecit sur la levée d'interdiction de la diffusion des résultats incidents
En revanche, la SFMPP approuve la levée d'interdiction du retour des résultats incidents d'analyse génétique vers les patients. « Ces découvertes, appelées données secondaires, deviennent très fréquentes dans les laboratoires de génétique avec l'extension des analyses et posent des questions de perte de chance potentielle pour les personnes lorsque l'information obtenue contient un risque dont la prévention est validée », écrit-elle.
Enfin, elle salue l'obligation faite, avant un examen génétique pour un cancer, d'informer le patient du risque de déceler une prédisposition génétique héréditaire qui nécessiterait une consultation auprès d'un médecin qualifié en génétique.
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