Acrosyndromes vasculaires

Quand penser à une pathologie sous-jacente

Publié le 07/03/2016
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« Pour le dermatologue, toute la problématique est de préciser la nature de l’acrosynrome afin de prescrire un bilan ciblé à bon escient », indique la Dr Patricia Senet.

Parmi les acrosyndromes paroxystiques, le phénomène de Raynaud, qui touche 5 à 10 % de la population en France, est de loin le plus fréquent. Le diagnostic est relativement aisé face à un blanchiment paroxystique des doigts au froid, éventuellement suivi d’une phase cyanique puis hyperhémique. Il doit être différencié de l’érythromélalgie, érythème douloureux survenant au chaud.

Face à un phénomène de Raynaud, tout l’enjeu est de différencier une forme primitive d’une forme secondaire, liée le plus fréquemment à une connectivite sous jacente (sclérodermie, lupus, Gougerot Sjögren), en particulier chez les femmes, et à une artériopathie, en particulier chez l’homme.

L’interrogatoire recherche un terrain familial, la prise de médicaments qui aggravent le phénomène et des signes systémiques associés.

Un bilan minimal dans la forme primitive

Dans la forme primitive, la plus fréquente, la symptomatologie est bilatérale et survient plutôt chez une femme jeune, avec un terrain familial. Il n’y a pas d’ulcérations pulpaires ni de nécrose digitale.

Le bilan minimal aujourd’hui recommandé se limite à une capillaroscopie et une recherche d’anticorps antinucléaires, avec typage s’ils sont positifs. Il est bien sûr également guidé par la clinique. Si ces résultats sont normaux ou négatifs, il n’est pas nécessaire de revoir le patient en l’absence de modification de la symptomatologie. En cas d’anomalie d’un des 2 examens, une surveillance régulière est nécessaire, ainsi que d’éventuels examens complémentaires, pour le dépistage précoce des connectivites.

Une forme secondaire à une artériopathie est suspectée en cas d’atteinte unilatérale ou asymétrique, de début tardif, plutôt chez un homme, avec une manœuvre d’Allen pathologique et une abolition du pouls radial ou cubital. Dans ce cadre, un écho-Doppler doit être réalisé, avec une exploration jusqu’aux artères digitales.

Érythromélalgie, acrocyanose, acrorhigose…

L’érythromélalgie est un acrosyndrome paroxystique rare, caractérisé par un érythème douloureux survenant au chaud et touchant plus volontiers les pieds. Elle peut être primitive ou secondaire, et alors souvent associée à un syndrome myéloprolifératif. Le bilan doit donc au minimum comporter une NFS-plaquettes.

Au sein des acrosydromes permanents, l’acrocyanose essentielle est le plus fréquent. Cette sensibilité au froid, bilatérale et non douloureuse survient surtout chez des femmes jeunes et minces. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire en l’absence de signes associés (phénomène de Raynaud notamment).

L’acrorhigose est une sensation permanente de froid des extrémités et n’a pas de caractère pathologique.

L’acrocholose est à l’inverse une sensation de chaleur des extrémités, qui survient généralement dans le cadre d’une neuropathie (sclérose en plaques, hémiplégie…). « Aucun bilan n’est nécessaire, il faut rassurer le patient », rappelle la Dr Senet.

Autres types d’acrosyndromes permanents : les troubles trophiques

Les engelures typiques liées au froid et à l’humidité ne posent pas de problème particulier, à l’inverse des engelures atypiques, survenant en dehors des périodes hivernales, et pouvant révéler un lupus.

Les nécroses et ischémies digitales imposent un bilan étiologique, en général réalisé en milieu hospitalier. Elles sont associées à une néoplasie dans 10 à 15 % des cas.

Enfin, l’hématome spontané des doigts, où les doigts restent chauds, constitue un motif fréquent de consultation en urgence, mais ne nécessite aucun bilan.

D’après un entretien avec la Dr Patricia Senet (hôpital Tenon, Paris)
Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan spécialiste